Maladies à prions
Formation continue
RURALE
Auteur(s) : Karim Adjou
Fonctions : maître de conférences à l’école vétérinaire d’Alfort (unité de pathologie du bétail).
Article adapté d’une conférence intitulée « Méthodes de diagnostic des maladies à prions chez l’homme et chez l’animal », présentée lors de la session consacrée aux maladies à prions à l’Académie vétérinaire de France, le 23 juin 2005.
Le diagnostic des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles (ESST) se limite principalement à la mise en évidence de la PrPres et des lésions associées à la maladie.
L’existence potentielle de bovins en phase de latence cliniquement silencieuse d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) et celle de personnes en période d’incubation de la nouvelle variante de la maladie de Creutfeldt-Jakob font constamment planer un grand risque sur la santé publique. Par conséquent, le développement de tests de dépistage des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles (ESST) humaines et animales reste capital.
Encore appelées “maladies à prions”, les ESST sont des affections lentes dégénératives, strictement confinées au système nerveux central, qui touchent aussi bien l’homme que l’animal. Constamment mortelles, elles se caractérisent par une longue période d’incubation cliniquement silencieuse, qui peut atteindre plusieurs dizaines d’années chez l’homme. A l’heure actuelle, il n’existe ni vaccin ni traitement pour ces désordres neurologiques. Les ESST sont causées par les agents transmissibles non conventionnels (ATNC) ou prions, dont la nature demeure contestée.
Chez l’homme, elles correspondent à la maladie de Creutzfeldt-Jakob, au kuru, au syndrome de Gerstmann-Sträussler-Scheinker et à l’insomnie fatale familiale. Chez l’animal, la tremblante naturelle du mouton (voir photo 1) et l’ESB sont les deux affections les plus médiatiques.
La mise au point des tests ante mortem se heurte essentiellement à la difficulté de détecter la PrP anormale dans le sang de l’homme et des animaux, puisqu’elle est présente à des concentrations infinitésimales (une à dix unités infectieuses par millilitre). Néanmoins, un laboratoire vient d’annoncer que le premier test de dépistage sanguin des ESST, développé en utilisant une nouvelle approche (technologie des ligands et capture magnétique des particules), sera disponible d’ici à deux ans.
Par ailleurs, des travaux récents ont démontré la présence d’une forme de PrP apparentée à la PrPres dans l’urine d’animaux atteints par une ESST, ce qui permet d’envisager un test ante mortem utilisable à grande échelle chez les bovins et les petits ruminants (Shaked et coll., 2001). Toutefois, cette technique n’a pas encore été appliquée à des séries significatives d’échantillons et n’a pas fait, sur le terrain, la démonstration de ses qualités réelles.
Chez l’homme, des tests ante mortem permettent néanmoins une orientation du diagnostic. En dehors des critères cliniques qui permettent de suspecter la MCJ, des moyens d’investigation sont utilisés pour infirmer ou confirmer la maladie. Les plus importants sont l’électro-encéphalogramme (EEG), l’imageriemédicale cérébrale, l’examen du liquide céphalo-rachidien (LCR) et l’analyse génétique dans les formes familiales.
La seule façon de mettre en évidence l’infectiosité d’un tissu est de l’inoculer par voie intracérébrale à un animal de laboratoire. Les principaux modèles utilisés sont la souris et le hamster.
La confirmation post-mortem d’une suspicion d’ESST s’effectue par un examen anatomo-pathologique du système nerveux central, sur des coupes cérébrales prélevées en pratiquant une section en avant de la protubérance annulaire. Dans le cas de l’ESB, les noyaux bulbaires sont examinés en premier lieu, car ils sont le siège préférentiel de la spongiose. Les signes caractéristiques sont la vacuolisation neuronale (spongiose, voir photo 2A), la perte neuronale, l’astrogliose réactionnelle (voir photo 2C) et, parfois, la présence de plaques amyloïdes (voir photo 2D). L’immunohistologie permet de détecter la PrPres dans les amygdales de 98 % des moutons atteints de tremblante (Van Keulen et coll., 1996), de façon précoce, jusqu’à un an et demi avant l’apparition des premiers signes cliniques.
Récemment, il a aussi été montré que cette méthode autorise une détection précoce de la tremblante du mouton (Andreoletti et coll., 2000) lorsqu’elle est appliquée à d’autres tissus lymphoïdes périphériques (plaques de Peyer et ganglions lymphatiques mésentériques). Toutefois, l’établissement d’une technique de diagnostic de la tremblante par biopsie reste difficile à envisager en médecine vétérinaire. La forme anormale de la protéine du prion, la PrPres, est le seul marqueur spécifique des ESST. Sa mise en évidence constitue donc un outil de choix pour le diagnostic de confirmation.
La PrPres présente deux caractéristiques majeures. A l’inverse de la PrPc (cellulaire ou normale), elle est hydrophobe et insoluble dans les détergents. Elle est en outre partiellement résistante à la digestion par les protéases.
L’utilisation de ces deux propriétés permet de purifier la PrPres sous forme de scrapie associated fibrils (Merz et coll., 1981) et de digérer la PrPc. L’addition d’un traitement dénaturant conduit alors à augmenter l’immunoréactivité de la PrPres. Dans un second temps, la PrPres est mise en évidence par une technique immuno-enzymatique, par exemple le western blot. Cette méthode permet de détecter la PrPres dans des extraits de tissus cérébraux de plusieurs espèces atteintes d’ESST et de confirmer des diagnostics histopathologiques, à partir de biopsies de cerveaux de patients atteints de MCJ.
De nombreux laboratoires ont cherché à améliorer ces protocoles de purification et d’immunodétection de la PrPres, aboutissant ainsi à une détection en vingt-quatre heures. En outre, la mise en évidence de la PrPres a été adaptée aux organes périphériques (rate, ganglions lymphatiques) dès 1992 pour la tremblante naturelle du mouton, avec une sensibilité de 87 % (Race et coll., 1992). Cette technique présente l’avantage de confirmer qualitativement la spécificité de la détection, par l’estimation directe du poids moléculaire des protéines mises en évidence. En effet, la PrPres est reconnaissable en western blot par les trois bandes détectées, qui correspondent aux trois formes de la PrPres biglycosylée, monoglycosylée et non glycosylée (voir encadré en page 40).
Une autre technique de détection de la PrP anormale, intermédiaire entre le western blot et l’immunohistochimie, est suggérée (Schulz-Schaeffer et coll., 2001). Il s’agit d’une nouvelle méthode de détection de la PrPres sur des coupes de tissus inclus en paraffine, transférées sur des membranes de nitrocellulose (le Paraffin-Embeded Tissue blot ou PET blot). Cette méthode associerait la sensibilité et la spécificité de l’immunohistochimie et du western blot
Une nouvelle génération de tests diagnostiques, dits “rapides”, s’est développée à la suite de la première crise de la “vache folle”, fondés sur la détection immunologique de la PrPres. Quatre d’entre eux sont validés par la Direction générale XXIV (DG XXIV) de l’Union européenne, chargée de la sécurité du consommateur (voir encadré ci-dessus).
En 2000, la deuxième crise de la “vache folle” conduit à la mise en place des tests systématiques chez les bovins de plus de trente mois (limite descendue, depuis, à vingt-quatre mois). Près de 8,5 millions de tests sont réalisés en 2001 en Europe. Au total, plus de 1 000 animaux infectés seront identifiés, dont 279 destinés à la consommation humaine. Ces mesures, reconduites en 2002, fourniront des résultats similaires (10,3 millions de tests, 1 393 animaux positifs dont 287 destinés à la consommation humaine).
Outre un gain de sécurité, ces analyses à grande échelle ont permis d’identifier la présence de l’ESB dans de nombreux pays européens. Elles ont aussi révélé que tous ceux qui n’avaient enregistré aucun cas jusqu’en 2000 (Allemagne, Espagne, Italie, par exemple) présentaient une incidence équivalente ou plus élevée que celle de la France, qui a pourtant enregistré des cas depuis 1991. Par ailleurs, depuis 2002, une surveillance active des ESST chez les ovins et les caprins est mise en place en Europe, avec l’obligation pour les Etats de soumettre aux tests un nombre important d’animaux abattus normalement ou issus des populations à risque. Actuellement, la France utilise les tests Prionics Check et Biorad.
Cinq nouveaux tests sont en outre en développement. Ils ont été évalués en 2001 sur de petites séries d’échantillons (200 bovins, dont 152 sains et 48 atteints d’ESB) par la Commission européenne
Le typage électrophorétique, réalisé grâce à la technique du western blot, a récemment permis d’identifier de nouvelles formes de tremblante chez les petits ruminants, appelées “atypiques”. En effet, cette PrPres a des particularités biochimiques différentes de celles des cas de tremblante classique. Elle présente un profil électrophorétique de cinq bandes, bien distinct de celui de trois bandes rencontré habituellement. En outre, cette PrPsc (scrapie) offre une résistance réduite à la digestion par la protéinase K, par rapport à celle de la PrPsc des formes de tremblante classique.
• Le test développé par la société anglaise E.G. & G. Wallac repose sur une procédure immunométrique non compétitive Delfia, comprenant deux anticorps monoclonaux anti-PrP.
• Le test développé par la société suisse Prionics est fondé sur la détection du fragment de PrPres résistant à la dégradation par les protéases, au moyen d’un immunoblot faisant appel à un anticorps monoclonal anti-PrP.
• Le test développé par Enfer Ltd, société irlandaise, utilise la technique Elisa de chimioluminescence, avec un anticorps polyclonal anti-PrP.
• Le test développé en France par le Commissariat à l’énergie atomique (test CEA-Biorad) s’appuie également sur un test de type Elisa
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