Le diagnostic étiologique des avortements nécessite des prélèvements pertinents - La Semaine Vétérinaire n° 1198 du 15/10/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1198 du 15/10/2005

Pathologie de la reproduction ovine

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet

Le fœtus, le placenta et les sérums sont les ingrédients des analyses de laboratoire lors d’avortement d’origine infectieuse. Ils répondent à des critères de représentativité, de qualité, de quantité et de traçabilité.

Lors d’un épisode d’avortements(1), la pertinence des prélèvements, leur qualité et celle des commémoratifs sont essentielles pour pouvoir poser un diagnostic cohérent avec l’anamnèse (voir schéma en page 46). En effet, compte tenu de la non-spécificité des symptômes cliniques, le recours au laboratoire est incontournable pour confirmer une suspicion clinique et épidémiologique.

Des confrères espagnols et français, ainsi qu’Annie Rodolakis, chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), ont exposé la situation sanitaire au sein de leur clientèle et les points clés à respecter pour obtenir un résultat de laboratoire de qualité lors du 3e symposium ovin organisé par le laboratoire Ceva Santé animale, à San Sebastian (Espagne), le 16 novembre 2004, sur le thème des « avancées dans le contrôle des maladies abortives des petits ruminants ».

En France comme en Espagne, les maladies abortives les plus fréquentes sont la salmonellose, la chlamydiose, la toxoplasmose et la fièvre Q. La border disease semble être plus préoccupante en Espagne qu’en France. Néanmoins, les principales causes d’avortements diffèrent d’un bassin de production à un autre, et donc selon les intervenants.

Une synthèse des analyses de 234 prélèvements provenant de brebis ayant avorté (voir tableau 1) a été présentée par Rafael Baselga, du laboratoire Exopol de Saragosse. Dans la clientèle de notre confrère Gómez Garcia, 44 % des avortements sont dus à l’association de Chlamydophila avec un autre agent pathogène. L’étude des résultats de trois laboratoires espagnols montre une grande variabilité de la prévalence des maladies abortives, liée d’une part aux techniques employées et, d’autre part, aux différences interrégionales des statuts sanitaires des troupeaux.

Antón Esnal de la Presa, du laboratoire de diagnostic Analitica Veterinaria de Mungia, a détaillé les caractéristiques du prélèvement en vue du diagnostic infectieux direct des avortements dans l’espèce ovine. Selon notre confrère, l’échantillon envoyé au laboratoire doit être représentatif du processus clinique, être en quantité suffisante et de qualité et doit respecter les règles inhérentes à la traçabilité.

Fœtus, placenta et sérums répondent à des questions différentes

Le prélèvement doit tout d’abord provenir d’un animal représentatif. Par exemple, si les avortements surviennent chez de jeunes brebis, il convient de le réaliser dans cette classe d’âge, et non chez de vieilles femelles qui viennent d’avorter.

Pour la qualité, deux volets sont à considérer : d’une part, la pertinence du prélèvement au regard de la question posée et, d’autre part, sa valeur intrinsèque et les conditions de son expédition. Fœtus, placentas, écouvillons et sérums font l’objet de prélèvements complémentaires qui donnent lieu à des réponses différentes voir tableau 2 en page 46. Ainsi, le placenta est le prélèvement de choix pour diagnostiquer les infections à Chlamydophila et à Coxiella.

« Lorsque les fœtus et les placentas sont fortement contaminés, cela ne sert à rien de les envoyer », a précisé Gómez Garcia, praticien à Chinchilla. La présence de fèces et de paille accélère le processus d’autolyse. Dans ce cas, et pour les animaux qui ont avorté les jours précédant la visite, l’écouvillon vaginal peut remplacer le placenta. La charge cellulaire doit être suffisante, car les Chlamydia et Coxiella sont des germes intracellulaires. Il convient donc d’effectuer un frottis énergique, le plus profond possible. « En matière de salmonellose, l’écouvillon permet de réaliser un diagnostic jusqu’à deux à trois semaines postavortement », a souligné notre confrère Pierre Autef, praticien à Bellac (Haute-Vienne).

Selon Annie Rodolakis, un écouvillon prélevé juste après l’avortement est idéal pour l’isolement, la PCR (polymerase chain reaction) ou la recherche d’antigènes par la technique Elisa. Elle privilégie la manipulation des écouvillons vaginaux à celle des cotylédons.

Le choix des organes prélevés dépend de la pathogénie de la maladie

En ce qui concerne le fœtus, le prélèvement idéal est le jeune animal en entier. L’envoi doit comprendre deux ou trois fœtus par épisode abortif, ce qui est parfois difficile à obtenir selon l’état du fœtus, pour des raisons évidentes de praticité, voire de sécurité sanitaire de l’expédition. Sinon, les meilleurs échantillons sont le liquide fœtal de la cavité thoracique (exsudat), le contenu de l’estomac et l’encéphale. Ces prélèvements sont stockés dans des flacons stériles, sous couvert du froid (voir photos en page 44.

Le liquide fœtal permet de réaliser des analyses sérologiques. Le contenu de l’estomac (abomasum) convient pour la mise en culture et l’identification des salmonelles, des Brucella, des campylobacters, des mycoplasmes et des leptospires. En effet, en raison de la déglutition du liquide amniotique par le fœtus, la bactérie est trouvée dans l’abomasum pour la plupart des infections.

Lors d’infestation parasitaire à toxoplasmes, l’encéphale, le cœur et le placenta sont des prélèvements de choix pour isoler le parasite. « Il faut être généreux avec les échantillons destinés au laboratoire », ont insisté les différents intervenants. L’histologie réalisée à partir du foie, du rein et du poumon permet de confirmer une origine bactérienne. Bien qu’il soit limité aux causes bactériennes et parasitaires, le diagnostic direct autorise l’interprétation de l’épisode abortif, conjointement à l’examen clinique, à l’épidémiologie et aux résultats sérologiques. Ces derniers possèdent une valeur d’orientation.

Les analyses sérologiques permettent d’attribuer un statut de troupeau

Pour ce qui est de la sérologie, notre confrère Antón Esnal de la Presa a précisé, en préambule, qu’il est important de poser la question qui correspond à la réponse souhaitée. En effet, « le diagnostic indirect comprend deux niveaux : le diagnostic d’avortement et le diagnostic d’infection », a confirmé Pierre Autef. Pour le premier, la cause la plus probable se rapporte à l’observation du plus grand nombre d’animaux présentant des taux supérieurs au seuil d’infection évolutive avec la technique utilisée. Dans le cadre du diagnostic d’infection ou d’attribution de statut sanitaire, l’infection est latente, avec les agents pathogènes pour lesquels certains animaux présentent des taux voisins du seuil de positivité. Dans ce cas, il n’est pas toujours possible de distinguer l’origine des anticorps, vaccinale ou infectieuse.

Selon la question posée, le nombre d’animaux à prélever n’est pas le même. Le diagnostic sérologique, dans le cadre d’un épisode abortif, nécessite le prélèvement d’au moins cinq ou six sérums. En matière de chlamydiose et de fièvre Q, Annie Rodolakis conseille de prélever dix animaux. Elle a rappelé que si la sérologie permet de déterminer un statut de troupeau, en aucun cas cette technique de laboratoire ne peut différencier les animaux infectés et les excréteurs.

En l’absence d’une cinétique d’anticorps, qui exige un second prélèvement chez les mêmes animaux au minimum quinze jours plus tard, l’interprétation reste souvent limitée. En outre, lors de l’intervention du vétérinaire, les brebis qui viennent d’avorter présentent un taux d’anticorps bas voir graphique en page 48). Ce n’est donc pas le meilleur moment pour réaliser un prélèvement en vue d’un diagnostic sérologique. Lorsqu’il n’est pas possible de pratiquer deux prélèvements, Pierre Autef réalise artificiellement une cinétique d’anticorps en réalisant des prélèvements, le même jour, chez des brebis qui viennent d’avorter et d’autres qui ont avorté deux à trois semaines plus tôt.

En ce qui concerne la toxoplasmose, cinq sérums indemnes certifient un diagnostic négatif, a expliqué José Maria Blasco du laboratoire de diagnostic Centro de investigación y tecnologia agroalimentaria (Cita) de Aragón. Une analyse sérologique réalisée à partir de liquide thoracique confirme une infection à Toxopasma gondii. Pour ce qui est de la salmonellose abortive ovine, les résultats sont peu spécifiques, et donc de peu d’utilité. Néanmoins, « lors de fortes positivités, lorsque le titre d’anticorps est supérieur à 1 sur 1 280, il est possible de poser le diagnostic », a précisé Pierre Autef. Il n’existe pas de tests sérologiques pour le diagnostic indirect de la campylobactériose.

José Maria Blasco, a rappelé le rôle épidémiologique joué par les mâles dans la transmission des maladies abortives. Ces animaux ne doivent donc pas être oubliés au moment des prélèvements. La transmission n’est pas obligatoirement limitée à la voie vénérienne. Pour la salmonellose abortive ovine, le portage se fait par voie digestive. Le risque de contamination des animaux par une femelle ou par un mâle infecté est donc équivalent.

Veiller aux documents d’accompagnement

L’expédition des prélèvements nécessite un envoi diligent et le respect de la chaîne de froid. En effet, les processus d’autolyse des fœtus sont rapides et les écouvillons ne doivent pas arriver desséchés au laboratoire.

Si la congélation des prélèvements ne pose pas de problème pour ce qui est du diagnostic bactériologique, elle rend l’histologie beaucoup plus délicate. Il convient de ne pas congeler du sang entier.

Les prélèvements sont à attribuer à un animal, avec l’indication de l’historique clinique de ce dernier, des symptômes prédominants, des vaccinations, des autres affections du troupeau telles que l’agalactie contagieuse. Le laboratoire peut ainsi orienter le choix des analyses, ce qui entraîne une réduction des coûts et une optimisation de l’interprétation.

Antón Esnal de la Presa a insisté sur la qualité du conditionnement des prélèvements et leur expédition dans les règles de l’art. Ils doivent être emballés dans un récipient étanche et isotherme, avec du papier absorbant et des packs réfrigérants en quantité suffisante.

« Les conditionnements négligents, tels que des placentas ou des fèces dans des gants, mettent en jeu la santé du personnel de laboratoire. De même, les colis qui coulent représentent un risque de santé publique évident. »

  • (1) Un avortement est l’expulsion avant terme d’un fœtus mort ou qui meurt dans les vingt-quatre premières heures.

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