Le pire et le meilleur se côtoient dans les médias

Rupture de stock de l’antiviral Tamiflu® dans certaines pharmacies. Baisse de plus en plus marquée de la consommation de volailles dans les pays touchés par la grippe aviaire, comme la Turquie et la Roumanie, mais aussi dans d’autres, épargnés, comme l’Italie ou encore la France⁽¹⁾. Tels sont les premiers effets de la psychose naissante liée à la grippe aviaire.

La maladie est désormais à la une des quotidiens nationaux et de nombreux journaux télévisés. Elle y est plus largement abordée sous l’angle d’une éventuelle pandémie humaine qu’en tant que maladie virulente chez les volailles. Même si les médias ne peuvent être blâmés pour ce mode de traitement, qui correspond aux informations à leur disposition, Bernard Vallat et Jean-Luc Angot, nos confrères de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), ne ménagent pas leurs efforts pour exposer correctement les données du problème. Lors de leurs interventions dans la presse écrite et télévisée, ils insistent sur l’épizootie animale en soulignant que le pire – la pandémie chez l’homme – n’est pas certain.

En effet, si le virus H5N1 a contaminé une centaine de personnes en Asie, dont une soixantaine en sont mortes, ces chiffres restent particulièrement faibles par rapport aux millions de personnes exposées et au type d’élevage (familial) dans cette partie du monde. Par ailleurs, la transmission interhumaine de la maladie n’a pas été rapportée à ce jour.

Le gouvernement, préoccupé par cette menace théorique pour l’homme, met de nouveau en avant le principe de précaution. Cette inquiétude a vite gagné les médias. Les hommes politiques de tous bords jouent la surenchère, faisant savoir à leurs concitoyens-électeurs qu’ils veillent à leur sécurité ou, à l’inverse, dénonçant le manque de masques et d’antiviraux. Ces derniers ont pourtant été commandés par millions, voire dizaines de millions.

Une maladie animale actuellement entre les mains des médecins

Après avoir allumé le feu entre fin août et fin septembre, le gouvernement tente maintenant de le circonscrire. Lors de la réunion interministérielle sur la grippe aviaire du 14 octobre dernier⁽²⁾, Dominique de Villepin a appelé les Français « à ne pas céder à la panique ». Il a expliqué les deux priorités gouvernementales – prévenir la propagation de l’épizootie en Europe en étroite coordination avec les partenaires européens et protéger la santé des habitants – tout en rappelant « qu’à ce stade, il s’agit d’une maladie qui touche les volailles ».

Pourtant, force est de constater que la communication des autorités sur ce sujet émane presque exclusivement du ministère de la Santé et des services du Premier ministre. Les maladies animales ne sont-elles pas du ressort du ministre de l’Agriculture, plus particulièrement de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) qui reste muette face aux médias, quels qu’ils soient ?

Heureusement, nos confrères de l’OIE et quelques autres qui s’expriment sur les ondes pallient cette carence avec bonheur. En outre, sur le terrain, les vétérinaires spécialisés sont évidemment mobilisés pour surveiller l’apparition d’éventuels foyers dans les élevages français. Il reste à espérer que leur ministère reconnaîtra leur action publiquement.

Même si le virus n’est pas là, la crise est déjà présente dans les médias. Il est donc plus que temps de réagir pour expliquer que le pire n’est pas certain et que la filière avicole est particulièrement bien surveillée en France.

• (1) Baisse annoncée le week-end dernier.

• (2) L’intégralité du communiqué est disponible à l’adresse www.premierministre.gouv.fr/acteurs/communiques_4/reunion_interministerielle_sur_grippe_54145.html