Vaccination. Réflexion scientifique sur l’acte vaccinal
Actualité
Auteur(s) : Alexandre Girard
Les durées d’immunité protectrice des valences vaccinales canines “Core”, épreuves virulentes à l’appui, sont revues à la hausse. La pratique quotidienne est profondément remise en question.
Proposer des voies de réflexion et d’action pour “redorer le blason” de l’acte vaccinal, tel était l’objectif du symposium « vaccination canine et féline, réévaluation scientifique », organisé par Intervet à Prague du 7 au 11 septembre dernier(1). Plus de deux cents personnes (praticiens vétérinaires, chercheurs, enseignants, etc.) ont présenté les derniers résultats des travaux sur les durées d’immunité protectrice des valences vaccinales canines et félines. Fondés sur des épreuves virulentes, ils montrent qu’il est possible d’espacer les rappels de certaines valences vaccinales après un protocole classique de primovaccination, suivi d’un rappel à l’âge d’un an (voir l’article en page 25). Ainsi, chez le chien, les rappels Carré-adénovirose/parvovirose (Core) pourraient être effectués tous les trois ans. Le rythme annuel des rappels leptospirose et rage doit en revanche être maintenu. Cette profonde remise en question de l’un des fondements de la pratique vétérinaire quotidienne est présentée comme l’occasion de repenser l’acte vaccinal dans son ensemble, afin de le réhabiliter.
« La vaccination n’est pas un acte sexy, a déploré Marian Horzinek, professeur en maladies infectieuses et immunologie à la faculté de médecine vétérinaire d’Utrecht et rédacteur en chef de Veterinary Microbiology. Ce n’est pas aussi sexy qu’une ostéosynthèse… » Ainsi, l’acte vaccinal est réalisé de manière routinière, parfois sans réflexion. Selon lui, s’il est pratiqué annuellement, c’est « parce que nous avons toujours fait ainsi ! ».
La difficulté de la vaccination vient, selon le professeur Horzinek, du fait que le propriétaire de l’animal de compagnie perçoit uniquement les effets indésirables. Ce phénomène est en partie responsable des campagnes anti-vaccination anglo-saxonnes. Marian Horzinek propose donc quelques voies de réflexion pour réhabiliter la vaccination canine et féline.
Il convient ainsi de rappeler que « le choix de vacciner est fondé sur une balance bénéfice/risque nettement en faveur de la vaccination ». Son utilité est évidente à l’échelle des populations, elle est en revanche difficilement perceptible à celle de l’individu.
A la manière des campagnes anti-tabac ou de prévention routière, une première méthode de sensibilisation pourrait consister à rappeler au propriétaire, par exemple par un affichage en salle d’attente, l’existence des maladies infectieuses et leurs manifestations dramatiques chez le chien et le chat. « Car pour le maître, la maladie contre laquelle le praticien vaccine ne survient presque jamais. Le bénéfice de la vaccination est donc énorme, mais impalpable », conclut Marian Horzinek.
Dans le cadre de la consultation vaccinale, le vétérinaire doit donc convaincre le propriétaire du bien-fondé de la vaccination en lui rappelant la réalité du risque infectieux et en relativisant celui lié à l’injection vaccinale.
Afin de faire prendre conscience des effets bénéfiques de la vaccination, Sarah Cleaveland, du Centre de médecine tropicale de l’université d’Edimbourg, a décrit l’impact de la vaccination antirabique canine dans les villages du district du Serengeti, en Tanzanie. Grâce à quatre campagnes réalisées entre 1996 et 2001, une couverture vaccinale antirabique proche de 70 % a été atteinte et l’incidence de la maladie a diminué de 97 %. Ces résultats montrent, si c’est encore nécessaire, l’intérêt de vacciner lors de forte prévalence. Le contexte exotique de cette étude pourrait faire penser qu’un tel risque d’épizootie n’existe pas en France et en Europe, en raison de la prophylaxie appliquée depuis des années. Ce serait oublier les récents cas de rage importés dans l’Hexagone, ainsi que l’épidémie de maladie de Carré survenue en Finlande au cours de l’été 1994 (cinq mille chiens) en raison d’un taux insuffisant d’animaux correctement vaccinés et d’une baisse critique de l’immunité de la population canine.
L’observance vaccinale décrit ainsi des cycles. La forte prévalence incite dans un premier temps à la vaccination. Puis, sa généralisation fait disparaître la maladie. La couverture vaccinale diminue alors, jusqu’à un seuil (60 à 70 %) en dessous duquel l’affection peut réapparaître, à la faveur de l’importation d’un cas ou d’une contamination auprès d’un réservoir sauvage.
Il est donc essentiel d’atteindre et de maintenir une couverture vaccinale proche de 70 %. Or elle est rarement atteinte en pratique. En Allemagne, par exemple, la couverture vaccinale canine n’excèderait pas 30 %, selon le professeur Horzinek. Son mot d’ordre reste donc de « vacciner moins chaque animal, mais un plus grand nombre d’animaux ». Il reste à savoir comment faire venir ces chiens non médicalisés dans les cliniques pour les vacciner.
L’expérience en vaccination infantile de Joanne Yarwood, une infirmière du programme gouvernemental de promotion de la vaccination au Royaume-Uni, est également intéressante. Les grands principes de la communication des risques et des bénéfices de la vaccination sont en effet transposables de l’homme à l’animal de compagnie : « L’expérience personnelle et la connaissance de la maladie influencent la perception par les parents de la gravité de la maladie et de la probabilité d’être affecté par elle » (voir schéma en page 22).
L’une des missions les plus difficiles est d’expliquer pourquoi il est raisonnable de prendre un risque à l’échelon individuel, si petit soit-il, pour protéger la communauté dans son ensemble.
Ainsi, la mère d’un enfant, comme le propriétaire d’un animal de compagnie candidat à la vaccination, attend des professionnels de santé :
- de la clarté, sur ce qui est fait et pourquoi ;
- une cohérence et une homogénéité du message délivré, au risque de perdre de la crédibilité et la confiance ;
- de la transparence, qui induit d’informer sur les effets indésirables potentiels.
Le praticien a donc la responsabilité d’être scientifiquement informé, pour pouvoir ensuite exprimer sa propre opinion éclairée.
Pour lutter contre la peur du vaccin canin, Jolle Kirpensteijn (maître-assistant en sciences cliniques vétérinaires à l’université d’Utrecht) propose en outre de mettre en avant les résultats d’une étude(2) menée de manière indépendante par l’Animal Health Trust. Elle ne décèle aucune relation temporelle entre la vaccination chez le chien et la survenue de signes de maladie. Elle ne montre pas non plus d’augmentation de la fréquence des affections chez le chien récemment vacciné. « Les résultats des travaux sur les effets indésirables de la vaccination féline sont en revanche moins tranchés », analyse Jolle Kirpensteijn. Malgré la publication de plus de quatre-vingt-cinq articles sur le sujet depuis 1993, le lien de cause à effet entre vaccination et sarcome félin au site d’injection n’est toujours pas clairement établi. Aucun facteur, ni aucun vaccin en particulier n’a pu être significativement corrélé avec une augmentation des sarcomes, dans une étude prospective cas-témoin multicentrique. Selon Jolle Kirpensteijn, l’espacement des intervalles de rappel pourrait minimiser les risques. Il propose également de réaliser les injections au niveau de l’abdomen, afin de rendre les éventuels fibrosarcomes postvaccinaux traitables chirurgicalement.
Si le modèle anglo-saxon fait école, il se pourrait que l’entretien vaccinal débouche sur une vaccination “à la carte”, avec ou sans injections selon le contexte épidémiologique, voire sur la sérologie pour vérifier une séroconversion… Quel que soit le scénario à venir, il semble plus que jamais essentiel d’instaurer une réelle visite vaccinale annuelle et d’y pratiquer l’écoute active pour adapter le service selon le client. Nouvelles valences vaccinales contre des maladies infectieuses mineures ou régionales, vaccins recombinants, surtitrés, Combo, vaccination plus espacée, sérologie de contrôle peuvent ainsi répondre à des attentes particulières.
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