LA TÉLÉMÉDECINE PLACE LES SPÉCIALISTES À PORTÉE DE CLIC - La Semaine Vétérinaire n° 1205 du 10/12/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1205 du 10/12/2005

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Auteur(s) : Alexandra Beck

Quelles évolutions connaîtront la médecine et la chirurgie canines dans les prochaines années ? Certaines possibilités diagnostiques ou thérapeutiques, non encore accessibles en pratique vétérinaire, devraient le devenir dans un proche avenir. Quelle que soit l’échéance des perspectives, elles feront partie tôt ou tard du quotidien des praticiens.

En matière de diagnostic et de traitement en médecine vétérinaire, certaines techniques semblaient du domaine de l’anticipation voici seulement quelques années. Elles sont pourtant devenues accessibles et sont entrées dans les habitudes des praticiens. Il s’agit par exemple de l’emploi d’équipements d'imagerie médicale comme l’échographie et l'endoscopie, désormais acquis par de nombreuses cliniques vétérinaires. En revanche, une technique comme le scanner est et restera certainement réservée à des structures spécialisées, pour des raisons de coût et d’installation. Toutefois, davantage de praticiens peuvent y accéder via l’implantation de scanners dans plusieurs régions de France.

D’autres procédés, couramment employés en médecine humaine, gagnent peu à peu le secteur vétérinaire. Ainsi, « la radiologie numérique fait déjà partie du présent et continuera à se développer. D’ici à une dizaine d’années, il est possible qu’une bonne partie des cliniques canines en seront équipées, car la qualité des images augmente et le prix des matériels diminue. Il existe deux types de systèmes : la radiologie assistée par ordinateur (système CR, qui consiste à insérer des plaques radiographiques dans un lecteur laser), et la radiologie numérique DR (radiographie digitale ou directe), plus récente, où un capteur inclus dans la table de radiographie transmet directement les images vers un ordinateur. Les premiers sont désormais accessibles à partir de 40 à 50 000 € et les seconds à partir de 80 à 100 000 €, ce qui était encore impensable voici quelques années », explique Paul Barthez, professeur en imagerie médicale à l’école vétérinaire d’Utrecht (Pays-Bas).

La radiographie numérique présente de nombreux avantages pratiques

La radiographie numérique ne nécessite pas l’utilisation de produits chimiques (ce qui supprime leur élimination !). Elle est donc plus respectueuse de l’environnement. Le praticien n’a pas besoin d’une chambre noire et d’un équipement spécial pour le développement des films. La visualisation directe des images permet de savoir aussitôt – sans attendre le développement et faire patienter l’animal et son propriétaire – si les clichés sont de bonne qualité ou s’ils doivent être refaits. Cela permet aussi de limiter l’exposition aux rayons X, tant pour l’animal que pour le personnel, puisqu’il suffit de retravailler l’image informatiquement dans certains cas.

En outre, la radiographie numérique permet de stocker facilement les données, par rapport au procédé traditionnel : cela se traduit par une meilleure gestion du dossier du client et un gain en termes de stockage. Il est même possible d’envoyer les clichés obtenus à des confrères éloignés via l’Internet, pour solliciter leur avis (ce qui est le principe même de la télémédecine).

« Dans le domaine de l’échographie vétérinaire, la révolution a déjà eu lieu. De nombreuses cliniques sont équipées. Certes, la technologie évolue encore, mais à un rythme moins soutenu que dans les années 80 et 90. En matière de tomodensitométrie, comme pour la radiologie numérique, les structures importantes continueront sans doute à s’équiper d’un scanner dans les années à venir, compte tenu de la diminution progressive des prix. En revanche, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) devrait rester limitée à quelques établissements spécialisés, car son coût est trop élevé pour des clientèles privées », estime Paul Barthez.

La circulation extracorporelle est en phase préliminaire en chirurgie canine

Dans le domaine cardio-vasculaire, « l’imagerie vétérinaire s’est largement développée durant les vingt dernières années. L’échocardiographie et le Doppler conventionnel sont désormais couramment utilisés chez les carnivores domestiques. Ces techniques non invasives sont et resteront probablement les examens de choix pour établir le diagnostic de certitude des cardiopathies animales », selon Valérie Chetboul, professeur à l’unité de cardiologie d’Alfort. « En outre, d’autres techniques ultrasonores émergent. Elles sont pour le moment réservées à des structures de recherche : il s’agit de l’échographie transœsophagienne (ETO) et du Doppler tissulaire myocardique (ou TDI, Tissue Doppler Imaging). L’unité de cardiologie d’Alfort vient d’acquérir un échographe de dernière génération muni de la fonction TDI en mode 2D couleur (1). Cette technique, validée par notre équipe chez le chien et le chat, laisse espérer des perspectives intéressantes pour l’étude du suivi de la fonction myocardique. » Ses applications résident aussi dans le dépistage précoce, voire in utero chez le chien, des cardiomyopathies, avant que l’écho-Doppler conventionnel ne détecte des signes de dysfonction évidente. Le TDI permet aussi d’évaluer l’effet délétère ou bénéfique d’un traitement sur le myocarde. « L’autre technique, l’ETO, a pour avantage de visualiser directement le cœur grâce à une sonde échographique placée dans l’œsophage. En évitant les interférences (entre autres avec le tissu pulmonaire), l’ETO fournit des images d’excellente qualité. Elle est indiquée lorsque l’échographie conventionnelle est insuffisante. Elle peut aussi servir au monitoring cardiaque au cours d’une anesthésie, d’une intervention thoracique ou lors de cathétérisme interventionnel ou d’angiographie. Pour le moment réservées à des structures de recherche, ces nouvelles techniques devraient se développer en médecine canine dans un avenir proche », estime Valérie Chetboul.

En matière de traitements en cardiologie, les perspectives sont principalement chirurgicales. « Les interventions sous circulation extracorporelle, bien maîtrisées chez l’homme, sont encore en phase préliminaire en médecine vétérinaire. Les premiers résultats sont cependant encourageants. Deux interventions ont ainsi été réalisées avec succès en France chez le chien, grâce à la collaboration de l’unité de cardiologie d’Alfort et de l’Institut mutualiste Montsouris (IMM recherche) : il s’agissait d’un remplacement valvulaire mitral (par implantation d’une bioprothèse) (2) et d’une plastie de la valve mitrale (par commissurotomie afin de lever une sténose congénitale) (3). Espérons que ces interventions pourront être reproduites chez d’autres animaux cardiaques et devenir ainsi plus accessibles », souligne notre consœur.

De nouveaux tests de laboratoire réalisables à la clinique verront le jour

En matière d’examens complémentaires, plusieurs nouveautés devraient apparaître sur le marché français. Si les analyseurs hématologiques et biochimiques sont quasi incontournables dans les cliniques canines, les analyseurs d’électrolytes ou les appareils qui permettent les dosages hormonaux sur place n’ont fait leur apparition que récemment en France. « Environ 30 % des structures canines disposent d’un équipement destiné à doser les hormones thyroïdiennes ou le cortisol. Un test permettant en plus le dosage des acides biliaires devrait être bientôt disponible. A l’avenir, des machines autorisant la réalisation d’un bilan de la coagulation devraient également apparaître », explique Patrick Govart, directeur France des laboratoires Idexx.

« Toutefois, l’évolution majeure en matière de diagnostic clinique concernera le traitement de l’information. Actuellement, les résultats d’analyses de laboratoire sont essentiellement archivés sous forme papier, ou saisis manuellement pour être intégrés dans les fiches des animaux. L’un des axes de développement est de permettre l’accès à la totalité de l’historique des analyses d’un animal et à autoriser l’intégration des données directement dans les dossiers “clients” du logiciel de gestion de la clinique. Les résultats d’analyses devront pouvoir être transmis automatiquement vers le dossier de l’animal. A l’avenir, ce service constituera un élément clé dans le choix des laboratoires extérieurs. Cette évolution ira de pair avec une plus grande informatisation des cliniques », poursuit Patrick Govart.

Le dépistage ADN de maladies génétiques est également un secteur d’avenir, puisqu’il permet de les diagnostiquer précocement, avant l’apparition des signes cliniques, mais aussi de sélectionner les reproducteurs et ainsi d’enrayer la propagation de ces affections en élevage. Plusieurs tests, destinés à certaines races canines et félines, sont déjà disponibles (par exemple pour la polykystose rénale chez différentes races de chats). De multiples recherches sur d’autres tests sont en cours.

Bien entendu, les perspectives en matière de traitement concernent l’arsenal thérapeutique, mais aussi les approches médicales et chirurgicales.

« Dans le domaine de l’orthopédie quotidienne, un examen complémentaire comme la ponction articulaire (ou l’arthroscopie), peu répandue aujourd’hui, devrait se développer. Vu la communication actuelle autour de ces techniques, il est probable qu’elles seront pratiquées par un plus grand nombre de confrères à l’avenir et non uniquement par les “spécialistes des boiteries” », estime Bernard Bouvy, chirurgien au centre hospitalier vétérinaire Frégis (Arcueil, Val-de-Marne).

« En imagerie, l’IRM et les échographes de dernière génération feront certainement reculer les frontières de nos possibilités diagnostiques (notamment dans le cadre des boiteries de l’épaule). En implantologie canine, la prothèse totale de coude (qui fonctionne sur des principes proches de la prothèse totale de hanche cimentée) est une technique utilisée à faible échelle aux Etats-Unis et au Royaume-Uni et encore moins en France. Indiquée lors d’arthrose cubitale au stade terminal, elle constituera peut-être une alternative à l’arthrodèse », poursuit notre confrère.

Pour certaines affections, la gestion médicale remplacera la chirurgie

« Par ailleurs, la progression des connaissances fait apparaître une évolution des indications chirurgicales. Certaines affections qui relevaient de la chirurgie ne font désormais plus l’objet d’opérations. Et il est probable que ce que nous opérons actuellement sera bientôt traité différemment. Pour ma part, j’implantais plus de prothèses de hanche voici quelques années, mais les avancées significatives enregistrées dans le domaine des antalgiques (en termes d’efficacité et de tolérance à long terme) permettent d’être moins interventionniste qu’auparavant, notamment dans le management au long cours de l’arthrose », explique Bernard Bouvy. Inversement, pour certains cas, comme les ruptures de ligaments croisés chez les grands chiens, « je suis plus que jamais convaincu qu’il s’agit d’une affection qui relève de la chirurgie, et je conseille aux propriétaires d’avoir recours à l’ostéotomie de nivellement du plateau tibial, en première intention ».

En outre, selon notre confrère, le secteur de la rééducation fonctionnelle, déjà bien développé en Amérique du Nord où une majorité d’orthopédistes travaillent en partenariat avec des équipes de rééducation, devrait progresser en France. « Le centre de physiothérapie-rééducation fonctionnelle de l’unité de médecine de l’élevage et du sport (UMES), notamment, propose déjà de tels services. A terme, la rééducation fonctionnelle prescrite à bon escient pourrait supplanter certaines indications chirurgicales », estime Bernard Bouvy.

Notre confrère évoque également l’ingénierie tissulaire (tissue engineering), encore au stade de la recherche fondamentale, même si elle se pratique déjà en médecine humaine. Il considère qu’elle « ouvrira sans doute de nombreuses perspectives. L’utilisation de tissus (prélevés sur l’animal destinataire ou sur un donneur), de facteurs de croissance, etc., permettra de potentialiser la cicatrisation de lésions (fractures), de régénérer des tissus biologiques ou encore de les remplacer (reconstitution de cartilage dans les ostéochondroses ou les lésions de ménisque). Les facteurs de croissance sont par exemple déjà utilisés en milieu universitaire aux Etats-Unis, sur des cas de non-union ou de fractures complexes. Toutefois, même dans notre exercice spécialisé, nous n’y avons pas encore recours. Une telle avancée ne remplacera jamais l’application des principes de base de réparation des fractures ».

Par ailleurs, s’il était auparavant admis « que les grandes ouvertures feraient les grands chirurgiens, la chirurgie des tissus mous évolue vers une tendance inverse, souligne Cyrill Poncet, chirurgien au centre hospitalier vétérinaire Frégis. Ainsi, la chirurgie vidéo-assistée (cœlioscopie, thoracoscopie) constitue un progrès indéniable, car très peu invasive. La généralisation de ces techniques permettra d’étendre les indications, mais aussi de mieux les cibler ».

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1201 des 5 et 12/11/2005 en page 27.

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire, n° 1202 du 19/11/2005 en page 26.

  • (3) Voir Veterinary Surgery, 2004, vol. 33, n° 2, pp. 138-145.

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