Sachons nous rassembler pour nous faire entendre

Le rapport Cahuc-Kramarz ⁽¹⁾ présente le numerus clausus qui limite l’accès à certaines professions (vétérinaires, experts-comptables, moniteurs d’auto-école, etc.) comme l’un des facteurs du chômage en France. C’est ainsi que ce pays imagine une solution de lutte contre le sous-emploi à laquelle personne n’avait songé : multiplier les patrons plutôt que les salariés. En revanche, nul ne s’interroge sur le fait que les cliniques et cabinets français comptent 0,6 salarié par vétérinaire, tandis que cette proportion est de 3 par praticien en Allemagne et de 5 aux Etats-Unis.

Ce rapport est cependant intéressant : il est le reflet de nos handicaps nationaux. J’y vois la prétention typiquement hexagonale qui consiste à défier le bon sens au profit d’une idée fumeuse, voire de l’idéologie radicale. J’y décèle également l’importance accordée aux administratifs déconnectés des réalités (Francis Kramarz est chercheur au Centre de recherche en économie et statistique) et aussi, sans être exhaustif, le silence assourdissant des petits et grands patrons, comme condamnés à l’aboulie face à d’autres, plus bruyants.

Yvon Gattaz, le prédécesseur d’Ernest-Antoine Seillière à la tête du Mouvement des entreprises de France (Medef), souhaitait le regroupement des décideurs économiques sous la forme d’un “comité de liaison” qui réunirait la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), l’Union professionnelle artisanale (UPA), la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et l’Union nationale des professions libérales (UNAPL) ⁽²⁾. Le projet n’avait pu aboutir. L’idée, excellente, mériterait d’être reprise par Laurence Parisot, l’actuelle présidente du Medef. L’ensemble des forces vives de ce pays, les petits et les grands, y gagneraient une légitimité que n’a pas le Medef, trop “patron”, trop éloigné des préoccupations des Français.

Nombre de “petits” syndicats, dont le nôtre (le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral), trouveraient là l’occasion de se faire mieux entendre de l’administration et des responsables politiques. Nous pourrions alors enquêter sur les raisons qui nous poussent à embaucher si peu et sur les mesures qui nous permettraient d’accroître notre personnel. Comme les grandes entreprises, nous travaillons sans filet et avec le même désir d’entreprendre, d’embaucher et de faire entendre enfin notre voix et notre pragmatisme.

• (1) « De la précarité à la mobilité : vers une Sécurité sociale professionnelle », La documentation française, 2005.

• (2) Les Echos, édition du 5/3/2005.