Noël est une période à risque pour les carnivores domestiques - La Semaine Vétérinaire n° 1207 du 24/12/2005
La Semaine Vétérinaire n° 1207 du 24/12/2005

Intoxications liées aux fêtes de fin d’année

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Laurent Masson

Fonctions : praticien canin à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine)

Les décorations, les repas gastronomiques ou encore la neige et ses conséquences constituent autant de dangers pour les animaux de compagnie.

Les fêtes de fin d’année ne manquent pas d’occasions d’intoxications si les propriétaires d’animaux de compagnie manquent de vigilance. Ainsi, par excès de gourmandise, une tablette de chocolat ou un pot de pâte à tartiner peuvent rapidement finir dans l’estomac du chien. La théobromine est le principe actif responsable de la toxicité du chocolat, loin devant d’autres alcaloïdes présents en quantité moindre (caféine et théophylline). Ces alcaloïdes stimulent les systèmes nerveux et cardiovasculaire, en potentialisant les effets des catécholamines.

Le taux de théobromine du chocolat dépend de sa teneur en cacao. Chez le chien, une dose de 10 à 30 g de chocolat noir par kilo est estimée comme toxique. Elle est trois fois supérieure pour le chocolat au lait. Les chiens de race de petite taille sont plus facilement intoxiqués. Ainsi, une tablette de 100 g de chocolat noir peut tuer un bichon. La théobromine s’élimine plus lentement dans l’espèce canine que chez l’homme. L’ingestion répétée de faibles doses peut donc conduire à l’intoxication (effet cumulatif). La sensibilité est accrue chez les animaux jeunes (même les fœtus), sous-alimentés, recevant des inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) ou encore souffrant d’insuffisance hépatique ou cardiaque (temps de demi-vie augmentés). Les méthylxanthines passent dans le lait et via le placenta. Les femelles en gestation ou en lactation doivent donc faire l’objet d’une attention particulière.

Quelques heures après l’ingestion, le chien présente des troubles digestifs (vomissements, hypersalivation, etc.), puis nerveux (halètement, agitation, tremblements, voire convulsions). Dans les cas graves, il présente une prostration et tombe dans le coma avant de décéder d’un arrêt cardiorespiratoire. D’autres symptômes peuvent compléter le tableau clinique : bradycardie ou tachycardie le plus souvent, tachypnée, arythmies, diarrhée, ptyalisme, douleur abdominale, soif, incontinence urinaire (action diurétique des méthylxanthines) et hématurie.

Face à un tel tableau clinique, le traitement à mettre en place est symptomatique et éliminatoire. En raison du cycle entérohépatique de la théophylline, du charbon est administré plusieurs jours de suite (1 à 5 g/kg, toutes les quatre heures). Il peut être intéressant d’acidifier les urines pour accélérer l’élimination rénale des alcaloïdes.

Le pronostic est assez réservé. La mort survient entre six heures et trois jours après le repas, le plus souvent par collapsus cardiovasculaire. Des cas de mort subite, sans aucun symptôme, sont décrits.

L’intoxication suite à l’ingestion de gui ne doit pas être négligée

La période de fin d’année est propice aux décorations à base de compositions florales. Les plantes les plus représentées sont le gui, le houx, l’étoile de Noël et la jacinthe.

L’intoxication par le gui ne doit pas être négligée. Les baies renferment de nombreux toxiques, dont des saponosides et des alcaloïdes. L’ingestion d’une faible dose donne lieu à des troubles digestifs non spécifiques (ptyalisme, vomissements, diarrhée pouvant prendre un caractère hémorragique, douleur abdominale, ténesme), avec une polyuro-polydipsie et parfois une dyspnée consécutive à un œdème du pharynx. A forte dose apparaissent des troubles cardiovasculaires (arythmie, hypotension) pouvant conduire à l’arrêt cardiaque. Des symptômes nerveux sont associés dans la plupart des cas : perte ou augmentation de la sensibilité, convulsions, mydriase, ataxie, parésie du train postérieur, paralysie puis coma. Plus rarement, une hypothermie, une polyurie et une hémolyse peuvent être observées.

Ces alcaloïdes ont également des propriétés nécrosantes sur la peau et les muqueuses.

Quelques baies de houx peuvent suffire pour se révéler toxiques

Les feuilles de houx sont peu consommées à cause de leur saveur amère, mais leurs extrémités peuvent avoir une action mécanique blessante. L’ingestion de baies est beaucoup plus fréquente, mais la toxicité n’apparaît qu’après le mâchonnement. Les doses toxiques sont peu précises. Ainsi, une vingtaine de baies pourraient tuer un chien de grande taille, mais les premiers symptômes peuvent apparaître après l’ingestion de deux baies seulement. Au bout de quelques heures, l’animal souffre de troubles digestifs, comme des nausées, des vomissements, une diarrhée violente, une douleur abdominale. Si les quantités ingérées sont importantes, des symptômes nerveux sont ensuite notés : somnolence, ataxie, convulsions, torpeur, coma et mort.

Après l’ingestion de jacinthe, les symptômes sont essentiellement gastro-intestinaux, avec l’apparition rapide d’hypersalivation et de vomissements. Une diarrhée plus ou moins violente, parfois hémorragique, est observée dans les heures qui suivent. Une toxicité cardiaque et nerveuse est décrite chez l’homme et suspectée chez les animaux (en raison de la présence d’hétérosides et d’alcaloïdes). Ainsi, une tachycardie, une dyspnée, une hypotension et des troubles nerveux (prostration, ataxie, convulsions) sont parfois décrits. Le tableau clinique est complété par une lymphocytose et une augmentation des transaminases hépatiques.

La toxicité du poinsettia, ou “étoile de Noël”, est controversée. Elle peut se traduire par des troubles digestifs (régurgitations, vomissements, diarrhée, ptyalisme), mais une irritation cutanée est plus fréquemment notée après un contact avec la sève.

Dans tous les cas d’intoxication par ces plantes, le traitement est symptomatique et l’évolution est généralement favorable. Il convient par ailleurs d’évoquer les intoxications par le cannabis, responsable de changements de comportement, de troubles de l’équilibre et d’hyperesthésie. Même si l’évolution est le plus souvent favorable, ce n’est pas une raison pour en laisser traîner…

Le sapin enduit de neige artificielle est redoutable

Hormis lorsqu’ils sont en plastique, les sapins peuvent être à l’origine d’intoxication, notamment chez les chats, à cause de leurs aiguilles. L’ingestion de celles-ci provoque une irritation orale, des vomissements, de la diarrhée, de l’abattement, des tremblements et une faiblesse des postérieurs. La toxicité augmente de façon importante après une pulvérisation de neige artificielle en décoration. Fabriqué à partir d’hydrocarbures, ce produit peut provoquer de l’érythème et des œdèmes cutanés lors de contamination cutanée ; un blépharospasme, un épiphora et une conjonctivite en cas de projection oculaire ; des vomissements, une stomatite et du ptyalisme lors d’ingestion directe ou après le léchage du pelage. La pneumonie d’inhalation est une complication fréquente, à l’origine de toux, de dyspnée, voire de cyanose. Des troubles nerveux (ataxie, prostration, convulsions) sont également possibles.

Les dangers se rencontrent également à l’extérieur

L’hiver peut être synonyme de neige et de verglas, donc de sel de déneigement. Son ingestion en grande quantité conduit à une hypernatrémie qui peut être fatale. Les symptômes rencontrés sont une faiblesse généralisée, des vomissements, des coliques, des convulsions, une tachycardie, un œdème cérébral et pulmonaire. Par exemple, une cuillère à soupe (environ 250 mEq de sodium) peut élever la natrémie jusqu’à  mEq/l chez un chien de 15 kg. Le traitement consiste en une réhydratation massive (perfusion intraveineuse de glucose isotonique) et en l’administration de corticoïdes d’action rapide pour lutter contre l’œdème cérébral.

Les propriétaires doivent également faire attention aux produits antigels (à base d’éthylène glycol), particulièrement toxiques, qui attirent les animaux par leur consistance sucrée et sirupeuse. Rapidement après l’ingestion (de trente minutes à trois heures), l’animal présente des troubles digestifs (vomissements, coliques, anorexie), nerveux (ataxie, tremblements, convulsions), cardiorespiratoires (dyspnée, œdème pulmonaire) et surtout une insuffisance rénale aiguë et une acidose. Le pronostic est réservé, en raison notamment de la faible dose létale (de 3 à 5 ml/kg chez le chien). Le traitement symptomatique est complété par l’administration d’un antidote, l’éthanol (Curethyl®), à raison de 2 ml/kg en bolus intraveineux, puis en perfusion intraveineuse à la dose de 0,3 ml/kg dilué de moitié dans une solution de NaCl à 0,9 %.

Enfin, en cas de vomissements répétés le lendemain des fêtes, il convient de s’assurer que l’animal n’a pas fortuitement avalé les restes de foie gras ou de bûche, susceptibles de provoquer une indigestion, ceux de dinde ou encore un bouchon de champagne, risquant cette fois une gastro-entérite hémorragique ou une occlusion intestinale.

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