Suivi effectif des prescriptions vétérinaires
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Alexandra Beck
Le bon diagnostic et la prescription du traitement adéquat ne suffisent pas à garantir la guérison de l’animal et la satisfaction du propriétaire.
En médecine humaine, l’observance est la capacité à prendre la totalité du traitement en conformité avec l’ordonnance. En moyenne, les études rapportent que la moitié des patients ne respectent pas la totalité de la prescription, quelle que soit la gravité de la maladie, même lorsqu’il s’agit d’enfants. L’inobservance peut être involontaire (oubli, manque de temps, erreur de compréhension, difficultés pratiques) ou volontaire (arrêt dès la disparition des symptômes ou, à l’inverse, découragement face à une guérison trop lente, craintes des effets secondaires, complexité du traitement). Ainsi, les traitements prescrits “à vie” favorisent l’abandon, y compris pour les affections graves. La multiplication du nombre de médicaments augmente aussi les risques d’erreur et d’oubli (l’observance passe de 76 % pour le premier médicament prescrit sur l’ordonnance à 34 % pour le troisième).
Toutefois, lors d’échec thérapeutique, l’inobservance est rarement perçue comme responsable. Cela entraîne l’insatisfaction du patient et sa perte de confiance envers le médecin. C’est pourquoi la qualité de l’information et des explications données oralement, mais aussi par écrit, est essentielle. En outre, l’observance doit être entretenue, car elle n’est jamais définitivement acquise, en particulier pour les maladies chroniques.
En médecine vétérinaire, l’observance repose sur la personne responsable du respect de la prescription. Une étude récente, réalisée aux Etats-Unis, montre que seulement 64 % des ordonnances vétérinaires sont effectivement suivies. Une autre, menée en 2003 auprès des propriétaires américains de 1 400 animaux (1), met en évidence qu’un sur quatre seulement suit les recommandations du praticien en matière de diététique thérapeutique. Un sur trois fait réaliser les bilans gériatriques et les soins bucco-dentaires préconisés. En France, une analyse de Panelvet, effectuée en mai 2005 chez 887 chiens et 319 chats, porte sur le taux de réachat au sein des cliniques vétérinaires. Elle fait apparaître 75 % d’abandons de traitement aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA, achetés chez le vétérinaire) un mois seulement après la prescription.
Qu’il s’agisse de traitement à court ou long terme, les différentes études confirment que l’observance vétérinaire est globalement faible. Cette notion, récente, devient un nouvel enjeu que les praticiens doivent intégrer dans leur quotidien. En effet, le bon diagnostic et la prescription du traitement adéquat ne suffisent pas à garantir la guérison de l’animal et la satisfaction du client.
Entre les points de vue des praticiens et des propriétaires, des divergences de perception intéressantes apparaissent (voir tableau). Il existe quatre motifs principaux de non-observance, dont la mauvaise compréhension des recommandations, soulignée par l’écart constaté avec le discours formulé. Ainsi, lors d’une prescription, il convient d’accorder de l’importance aux explications sur la maladie et son niveau de gravité. Dans le cas d’une affection asymptomatique en particulier, le principal risque est l’abandon du traitement par le propriétaire, qui ne parvient pas à en matérialiser les effets bénéfiques (par exemple lors de thérapeutique cardiaque). Ne pas présenter les effets secondaires possibles ou le risque lié à l’arrêt prématuré du traitement constitue aussi un motif de non-observance. La description de l’évolution de l’affection renforce sa visualisation par le propriétaire et donc son adhésion au traitement. Même si cela paraît paradoxal, un médicament efficace trop rapidement peut nuire au suivi du traitement jusqu’à son terme, en faisant croire à une guérison de l’animal.
Un discours homogène entre les différents membres d’une clinique est également fondamental pour éviter toute confusion d’explications lors du renouvellement des médicaments prescrits. Les éventuelles difficultés d’approvisionnement et d’administration du traitement par le propriétaire (horaires de travail, personne âgée, etc.) doivent être prises en compte pour s’y adapter. Ainsi, des travaux ont montré que l’observance d’une antibiothérapie varie de 91 à 38 %, selon que le médicament nécessite une à trois prises quotidiennes. Lors de polymédication, le nombre de produits et leur place sur l’ordonnance jouent un rôle non négligeable, le premier prescrit étant celui qui bénéficie de la meilleure observance. Par ailleurs, le coût des produits peut être un frein, qui semble toutefois minoré lorsque l’adhésion du propriétaire au traitement est forte.
En médecine vétérinaire, une dimension particulière entre en compte. Il s’agit de l’animal qui, par ses attitudes et la perception que son propriétaire en a, agit de manière directe ou indirecte. Ainsi, l’acceptabilité ou le refus d’un traitement, la perception de son efficacité et de l’évolution de la maladie dépendent aussi :
- du degré d’attachement du maître à l’animal ;
- de la perception que le client a des symptômes de l’animal, et notamment de sa douleur.
Le propriétaire peut craindre de le maltraiter pendant l’administration des soins. Pour certains, confiner un chien ou un chat à la maison à la suite d’une intervention chirurgicale ou lui faire des injections quotidiennes s’apparente à une véritable punition. Dans certains cas, les clients n’agissent pas, simplement parce que les signes extérieurs de douleur chez l’animal sont peu éloquents ;
- de la crainte des réactions de l’animal lors de l’administration des soins (peur de se faire mordre, de ne plus être aimé, etc.).
Tout se passe comme si le propriétaire s’appropriait la maladie et décidait de soigner ou non. Le client vient parfois à la clinique plus parce qu’il est inquiet ou gêné que parce que l’animal est malade. Nombreux sont ceux qui privilégient leur bien-être par rapport à celui de l’animal. Ce facteur est à prendre en considération dans l’établissement de la relation thérapeutique qui associe le praticien et le propriétaire.
Outre l’enjeu direct pour la santé de l’animal traité et vis-à-vis de la satisfaction du propriétaire, l’observance d’un traitement ou d’une recommandation préventive a aussi des conséquences sur l’activité économique du vétérinaire. L’adhésion au traitement augmente la fidélisation du propriétaire à la clinique, souvent synonyme d’une médicalisation accrue. A l’inverse, la non-observance conduit à une interruption de traitement et à un manque à gagner pour le praticien.
En intégrant les attentes de ses clients à ses habitudes de prescription et en faisant participer l’ensemble de l’équipe à cet enjeu, le vétérinaire développera sans doute une partie inexploitée de son activité, tout en assurant un meilleur suivi de ses prescriptions. En outre, le constat d’incapacité à convaincre les propriétaires et le sentiment de contribuer faiblement à améliorer le bien-être animal peuvent être à l’origine d’une déception, voire d’une frustration pour certains. Au contraire, l’observance contribue à la satisfaction du travail bien fait.
Le praticien peut apprendre au propriétaire, dès le plus jeune âge de l’animal, à lui administrer un comprimé ou à réaliser des soins. Certaines manipulations (ouverture de la bouche, examen des oreilles, etc.) ne doivent pas être confondues avec des punitions et le maître doit distinguer les cris de douleur de ceux de soumission. Les conseils à donner sont multiples, mais ils doivent rester limités en nombre et adaptés à chaque cas pour être efficaces. Ils peuvent porter sur la contention, la technicité, la gestion de l’environnement (par exemple pour placer l’animal sur une table, dans une pièce inhabituelle pour un chien sociopathe ou agressif). Se livrer à une démonstration pratique, en consultation, en faisant participer les maîtres, est un bon moyen d’évaluer leurs compétences. Cela permet parfois de reconnaître une impossibilité de soins à domicile et de proposer leur réalisation à la clinique, sans culpabiliser les clients. En effet, il convient d’évaluer leur mise en danger lors de la mise en œuvre des soins prescrits (notamment lorsque la douleur rend l’animal agressif).
L’alliance thérapeutique, qui consiste à établir un rapport de confiance avec le propriétaire dans le but de résoudre un problème particulier, implique que les deux parties se mettent d’accord sur les objectifs à atteindre. D’autant que les attentes en matière de guérison sont souvent différentes pour le client et pour le vétérinaire. Tout ce qui aura été dit sera accepté. Les tâches prescrites doivent être claires et faire l’objet d’un véritable “contrat thérapeutique”. Il convient d’informer le propriétaire des différentes options et d’obtenir son consentement. Le praticien peut être amené à reformuler et synthétiser ce qu’il a expliqué et à s’assurer que le client a bien compris et est d’accord. Il peut aussi, en cours de traitement, encourager et souligner les résultats déjà obtenus.
Différents supports et techniques d’aide sont à la disposition du propriétaire et du vétérinaire pour encourager l’observance des traitements mis en œuvre. Les comprimés appétents et les conditionnements adaptés (blister de sept unités pour un suivi hebdomadaire, notice conviviale, fiches de suivi) sont des outils précieux. Le client peut aussi s’aider d’un pilulier (notamment lorsque plusieurs personnes d’un foyer administrent les médicaments) ou, à défaut, d’une fiche papier de suivi avec des cases à cocher matérialisant la prise du comprimé. Les autocollants sont particulièrement utiles pour les traitements administrés à faible fréquence (mensuel par exemple), pour mémoriser la date de la prise suivante. Des systèmes de scoring, reposant sur une évaluation des résultats par le propriétaire, sont intéressants dans le cadre d’affections chroniques (insuffisance cardiaque, arthrose, etc.). Ces outils impliquent le client et lui font prendre conscience de l’efficacité réelle du traitement instauré.
Du côté du vétérinaire, il est illusoire de penser qu’une fois rentré chez lui, le propriétaire appliquera à la lettre la prescription et appellera en cas de difficulté. Il doit donc vérifier activement que le traitement est correctement suivi. Un simple appel téléphonique, sous-utilisé en pratique, est souvent apprécié et entretient ou relance la motivation du client. Lors de traitement court, il peut être utile d’inclure une ou plusieurs visites de contrôle dans le coût de la consultation initiale. Pour des traitements plus longs, les visites peuvent être espacées dès l’apparition des premiers signes de guérison ou remplacées périodiquement par un appel téléphonique. Par ailleurs, le suivi objectif de la fréquence de délivrance des traitements par la clinique peut être intéressant, soit de façon informatisée, soit via l’auxiliaire. Ainsi, avant chaque consultation, cette dernière peut être chargée d’inspecter le dossier du client pour vérifier la fréquence de renouvellement des traitements habituels. Cela lui permet d’indiquer au praticien toute interruption. Ce point sera abordé en consultation pour approfondir les raisons de l’échec de l’observance de la prescription.
(1) The path to high-quality care. Practical tips for improving compliance, 2003, American Animal Hospitalisation Association.
Rachel Jouan-Daniel, Luc Hazotte,
Philippe Nicollet, Edith Beaumont-Graff,
Nathalie Marlois, Catherine Mège,
Loïc Dombreval, Alain Mondon.
Article réalisé d’après le symposium « Education à l’observance : un enjeu d’avenir pour la profession », organisé par Virbac en partenariat avec le Germ et le Gecaf, présenté lors du congrès annuel de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), à Toulouse, du 2 au 4 décembre 2005 (le proceeding est disponible sur demande auprès de Virbac Assistance, 08 11 90 46 06).
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