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Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet
Il n’a pas encore de visage, mais va faire beaucoup parler de lui. La création d’un statut d’auxiliaire vétérinaire spécialisé en productions animales sera débattue dans les prochains mois. L’éventuelle délégation d’actes vétérinaires à un technicien “nouvelle génération” est au cœur de ce dossier épineux.
Les auxiliaires vétérinaires en productions animales se substitueront-ils bientôt aux techniciens d’élevage ? Un rapport sur l’acte vétérinaire, confié par le Conseil général vétérinaire à notre confrère François Durand et rendu public début décembre 2005, souligne que des actes vétérinaires sont réalisés illégalement « par un grand nombre d’acteurs »(1). Au premier rang d’entre eux figurent les techniciens d’élevage. En effet, l’exercice de la médecine et de la chirurgie vétérinaires est assorti de dérogations (article L. 243-2 du Code rural). Celle relative aux techniciens d’élevage n’est pas utilisée, faute de décret d’application, rappelle François Durand, inspecteur général en santé publique vétérinaire. Il propose donc d’introduire dans la loi la notion « d’auxiliaire vétérinaire pour les productions animales, placé sous l’autorité vétérinaire », et de renvoyer à un décret le détail du dispositif.
L’idée est novatrice, surtout en pratique rurale où il est a priori plus difficile d’imaginer un ou une auxiliaire réaliser des actes courants, tels que des prélèvements sanguins ou des parages de pieds, dans des élevages bovins. Pourtant, cette idée a déjà fait son chemin lors de réunions sur l’avenir de l’exercice rural. Le travail du Conseil général a relancé le débat. Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) et Conseil supérieur de l’Ordre (CSO) s’accordent toutefois pour dire que vigilance et prudence sont de mise. Les discussions devraient durer plusieurs mois, de façon à mesurer l’impact et l’intérêt économique de la création d’un tel statut.
Les actes délégués à l’auxiliaire vétérinaire en productions animales pourraient être des prélèvements sanguins, des autopsies, des écornages, des parages, des inséminations artificielles, des castrations, etc. Dans les filières hors sol, l’intérêt serait de recadrer les pratiques des techniciens d’élevage, déjà nombreux à intervenir dans les exploitations.
Pour la filière bovine traditionnelle, moins habituée à ce mode d’exercice, l’intérêt d’une telle délégation d’actes apparaît moins évident. Le CSO, le SNVEL et la SNGTV insistent sur la nécessité de prendre le temps de la réflexion avant de graver des décisions dans le marbre. « Dans les filières traditionnelles, la création d’un corps intermédiaire entre l’éleveur et le vétérinaire ne semble pas opportune a priori, tant d’un point de vue technique qu’économique », estime ainsi Christophe Brard, président de la SNGTV (voir article en page 30). « Il faut rester vigilant, car une dérive est possible. Une étude d’impact, conduite sans, s’impose », souligne quant à lui Rémi Gellé, président du SNVEL.
Une des voies à explorer concerne la délivrance du médicament vétérinaire. A la clinique, l’auxiliaire pourrait être habilité à le délivrer, sous la responsabilité d’un praticien, à l’instar des préparateurs en pharmacie.
La délégation d’actes ruraux offrirait également l’opportunité de reconquérir des marchés, tels que l’insémination artificielle ou le parage des pieds. D’autant que la nouvelle réglementation vis-à-vis de l’insémination facilitera peut-être, dans quelques années, l’accès des praticiens à cet acte (voir article en page 31). L’organisation du travail au sein des structures vétérinaires pourrait également être optimisée par ce système. Du temps serait en effet dégagé pour la réalisation des suivis d’élevages, par exemple. Pourtant, des confrères s’interrogent sur la rentabilité d’une délégation d’actes à faible valeur ajoutée. Il se peut que le système n’intéresse finalement que quelques grosses entreprises vétérinaires. Au lieu d’une délégation, ne serait-il pas plus pertinent que les praticiens se lancent eux-mêmes dans la reconquête de ces marchés ?
Une difficulté supplémentaire réside dans le fait que d’autres intervenants de l’élevage ont déjà pignon sur rue, notamment vis-à-vis du parage et de l’insémination artificielle. « Je ne vois que peu de place pour la délégation d’actes en pratique rurale bovine. Il est difficile de changer les habitudes et de reconquérir certains marchés comme ceux du parage ou de l’écornage, même si quelques rares praticiens ont réussi à le faire, estime ainsi Pierre Buisson, praticien à Saint-Galmier (Loire) et vice-président du SNVEL. Je préfère embaucher un jeune praticien qui réalise des actes simples au début de sa formation plutôt que de les déléguer à un auxiliaire. Mais le point positif de la création d’un statut d’auxiliaire en productions animales est la clarification du rôle des techniciens qu’elle peut engendrer. Si les conditions de leur responsabilité civile sont alignées sur celle des praticiens, c’est-à-dire d’une obligation de moyens, alors la concurrence déloyale pourra cesser. »
L’un des points qui ne plaident pas en faveur de ce nouveau corps de métier est qu’il pourrait un jour désirer son indépendance, comme en Grande-Bretagne. En effet, les auxiliaires vétérinaires britanniques, ainsi que d’autres paraprofessionnels tels que les pareurs de pieds de bovins ou les techniciens en dentisterie équine, souhaitent être régulés par une instance qui leur serait propre. Le conseil du Royal College of Veterinary Surgeons (RCVS, instance ordinale) a constitué un groupe de travail pour réfléchir à la question(2).
Par ailleurs, « l’un des risques est de voir apparaître de grosses structures libérales et surtout des coopératives employant un grand nombre de salariés non vétérinaires et monopolisant le marché », souligne Rémi Gellé. Dans ce contexte, « pourquoi ne pas former les éleveurs eux-mêmes ? », proposent alors des confrères. Cela se fait déjà dans plusieurs départements via la formation « l’éleveur, infirmier de ses bovins ». Il s’agit de la seconde action mise en œuvre dans le cadre de la politique de maîtrise volontaire des risques sanitaires en élevage, officialisée le 28 avril dernier. Le programme développe deux thèmes, qui se déroulent sur une journée chacun : la bonne utilisation des médicaments vétérinaires et l’examen d’un bovin malade. La formation, rémunérée, est dispensée à un petit groupe d’éleveurs par le vétérinaire traitant, en collaboration avec un animateur du Groupement de défense sanitaire (GDS) local.
Le contenu de ces formations se restreint aujourd’hui à des gestes de base. Il pourrait cependant être enrichi et permettre alors une délégation d’actes chronophages pour le praticien.
(1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1207 des 24 et 31/12/2005, pp. 12-13.
(2) La Semaine Vétérinaire n° 1184 du 28/5/2005 en page 54.
Dans son rapport, notre confrère François Durand estime que le statut d’auxiliaire vétérinaire en productions animales mérite d’être légalisé.
Il serait placé sous l’autorité directe d’un vétérinaire responsable des actes accomplis, serait qualifié pour une espèce déterminée et devrait être connu des services administratifs (enregistré auprès de la Direction départementale des services vétérinaires). L’auxiliaire effectuerait un certain nombre d’actes vétérinaires, comme des vaccinations, des opérations d’identification, des prélèvements sanguins et autres. Il pourrait également collecter toute information sanitaire ou intéressant l’aspect sanitaire. Outre cette compétence légale, l’auxiliaire vétérinaire pourrait réaliser, selon les espèces, des actes vétérinaires nommément désignés : écornage des veaux, castration, parage de pied, insémination artificielle, amputation (queue, dents), débecquage, chaponnage, etc. En revanche, il ne poserait pas de diagnostic et n’établirait pas de prescription ou de traitement.
En outre, notre confrère estime qu’il convient de fixer un nombre maximal d’auxiliaires placés sous l’autorité effective d’un vétérinaire.
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