Profils biochimiques des vaches laitières
Formation continue
RURALE
Auteur(s) : Anne Thébault
L’interprétation des profils biochimiques nécessite la connaissance de l’alimentation, des facteurs de variation des constituants sanguins et des écarts de valeurs usuelles, propres à chaque analyseur.
Avec le développement des analyseurs dans les cabinets vétérinaires, depuis les années 1990, les éleveurs sont de plus en plus demandeurs d’analyses sanguines. Cet acte, facile à réaliser, donne rapidement de nombreux renseignements. La biochimie permet de confirmer une suspicion clinique et d’adapter le traitement des individus malades, à partir de quelques constituants sanguins. Les profils, ou bilans biochimiques, permettent d’évaluer l’état métabolique et/ou nutritionnel d’animaux apparemment en bonne santé, également à partir de constituants sanguins.
Ces examens ont cependant des limites. Leur interprétation nécessite la connaissance de l’alimentation, des facteurs de variation des constituants sanguins et des fluctuations de valeurs usuelles, propres à chaque analyseur. Le lieu de prélèvement sanguin est un facteur important de variation. C’est ainsi que le taux de phosphore prélevé au niveau de la veine caudale est supérieur de plus de 20 % par rapport à un prélèvement à la veine jugulaire. Ceci est également valable, dans une moindre mesure (3 à 4 %), pour le potassium, le sodium, le magnésium et l’albumine. La veine mammaire ne peut être utilisée pour un prélèvement en raison d’un métabolisme mammaire tellement important qu’il entraîne des fortes variations dans les concentrations sanguines. Par ailleurs, il convient de ne pas oublier, bien entendu, d’utiliser des aiguilles neuves pour chaque animal. Le stress parfois causé aux vaches par le prélèvement influence le taux de glucose (hyperglycémie modérée) et celui des acides gras libres (en augmentation).
Les conditions de température et de stockage représentent d’autres facteurs de variation des constituants sanguins. La glycémie d’un sang recueilli sur tube sec ou sur EDTA, à température ambiante, diminue de 5 à 10 % par heure et jusqu’à 20 % dans le même laps de temps, mais à la température de 37 °C. Il est indiqué de procéder au dosage de la glycémie sur un anticoagulant à base de fluorure, car celui-ci inhibe les enzymes glycolytiques leucocytaires et érythrocytaires, ce qui assure une bonne stabilité.
Lorsque les dosages ont lieu sur le plasma (Zn, Cu, K, Ca, Mg, P, urée, glucose, certaines enzymes), il convient de réaliser la centrifugation permettant la séparation plasma/sérum le plus rapidement possible. A défaut, quelques altérations sont possibles. Le calcium migre dans les globules rouges, le cuivre est piégé dans le caillot et l’hémolyse est responsable d’un relargage en constituants cellulaires minéraux (K, P, Mg, Zn) ou enzymatiques (LDH/ASAT).
En outre, certains bouchons en caoutchouc peuvent contaminer le plasma par du zinc. L’idéal est de centrifuger sur place (dans l’exploitation), ou de placer le tube dans un bain de glace pendant le retour (une heure au maximum).
En pratique, il convient de réaliser des prélèvements sur différents anticoagulants (fluorure/ oxalate, héparine, EDTA), sur tubes secs et de centrifuger au plus vite. Il est éventuellement possible de congeler les plasmas et les sérums, ce qui assure une stabilité d’au moins un mois. Le praticien qui réalise lui-même les analyses doit savoir identifier les risques d’erreur : les tests semi-quantitatifs (urée, glucose) sont peu précis et peuvent induire des inexactitudes lors de modifications légères de concentration sanguine. De même, il existe des différences importantes en enzymologie, selon les techniques utilisées. En outre, il est nécessaire de contrôler les analyseurs régulièrement (comparaison à un étalon, tests de répétabilité, recherche des erreurs systématiques et aléatoires).
“L’effet saison”, qui regroupe la photopériode, la température et l’alimentation, est à prendre en considération. Il s’observe pour les protéines, l’albumine, l’urée, le glucose, le phosphore, le magnésium, l’hémoglobine et l’hématocrite. Le calcium apparaît insensible. L’hématocrite, l’hémoglobine, le potassium et l’urée ont des concentrations plus élevées en été. A l’inverse, le phosphore est plus concentré en hiver.
Les effets nuit/jour et alimentation (préprandial/post-prandial) sont liés, dans la mesure où la prise alimentaire dépend de la fréquence et de l’importance des repas, elles-mêmes dépendantes du moment de leur distribution. Les variations diurnes sont évidentes pour le β-hydroxybutyrate (β-HB), la créatine-kinase et le lactate. Un peu moins marquées pour l’urée, elles le sont très peu pour les protéines totales, l’albumine, le glucose et les minéraux.
En revanche, les taux d’urée et de glucose sont directement associés aux repas : la concentration d’urée est maximale dans le sang deux à quatre heures après le repas et dans le lait trois à huit heures après.
La connaissance de ces variations est importante pour les analyses. Les prélèvements seront donc toujours réalisés à la même heure (quatre heures après le repas, par exemple).
L’âge et la race des animaux influent sur les taux plasmatiques de certains constituants. Ainsi, la concentration en phosphore diminue fortement, alors que celle en protéines totale augmente entre le veau et le bovin adulte.
Le numéro de lactation influence aussi les concentrations plasmatiques, dans la mesure où il est lié à la production laitière. La glycémie, au cours des deux mois post-partum, est plus élevée de 10 % chez les primipares par rapport aux multipares. En revanche, le taux de cholestérol est plus faible. La différence s’annule après la troisième lactation.
Le stade physiologique (lié à celui de production) est déterminant et affecte la plupart des constituants sanguins sous influence hormonale et alimentaire. Les variations sont significatives dans les deux ou trois semaines de fin de gestation et dans les six ou huit semaines de début de lactation pour le glucose, les acides gras non estérifiés (AGNE), le β-HB et le cholestérol. Pour la glycémie, par exemple, il existe un pic au vêlage, puis la glycémie décroît lorsque la production de lait augmente (pendant les deux premiers mois). Enfin, elle remonte lentement en relation avec les réserves de glycogène. Le taux de cholestérol croît de façon significative pendant le premier tiers de la lactation, proportionnellement à la quantité de lait produite. Les teneurs plasmatiques en AGNE et en β-HB sont maximales pendant la phase de lipomobilisation. Les prélèvements qui visent à doser ces métabolites peuvent être réalisés entre la première et la deuxième semaine de lactation. L’évolution de l’urée est controversée. Passés les deux premiers mois de lactation, les concentrations de ces métabolites se stabilisent.
L’interprétation des paramètres repose sur une comparaison avec des valeurs de référence. La normalité ou non d’un paramètre dépend donc de la technique d’analyse, de la population choisie comme référence et d’un seuil fixé d’interprétation. Pour obtenir des résultats interprétables, dans le cas des vaches laitières, l’idéal est de réaliser les prélèvements :
- chez des animaux au même stade physiologique de reproduction ou de lactation. Le nombre d’animaux testés est de sept à dix par groupe, avec un minimum de cinq. Par exemple, les vaches laitières peuvent être divisées en trois groupes : à soixante-dix jours de lactation, à cent cinquante jours de lactation et au moment du tarissement ;
- à partir de la cinquième semaine post-partum. Il faut éviter le premier mois de lactation, où les fluctuations sont les plus importantes ;
- en milieu de journée ou quatre heures après le repas, pour éviter les variations diurnes ;
- chez des animaux de la même catégorie (génisses/multipares) ;
- dans les mêmes conditions de contention et au même site de prélèvement.
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