Les fourmis électriques se multiplient aussi par clonage

Un cas sans précédent dans le monde animal a été décrit en Guyane, chez la fourmi électrique (Wasmannia auropunctata, aussi appelée petite fourmi de feu). Les mâles et les femelles se reproduisent indépendamment les uns des autres, par clonage. La différenciation évolutive entre les deux sexes est si nette que l’hypothèse d’une distinction entre deux espèces est même avancée⁽¹⁾. Ce cas illustre également la “guerre des sexes” constatée en génétique.

Les reines sont issues du clonage, pas les ouvrières

Chez la plupart des fourmis et des hyménoptères⁽²⁾, les mâles sont produits d’œufs non fécondés et sont donc haploïdes (ils n’ont qu’une seule copie de chaque gène). Pour leur part, les femelles proviennent d’œufs fécondés et sont diploïdes (deux copies). Dans le cas de la fourmi électrique, ce schéma est modifié. Les reines se multiplient par clonage, se passant des mâles. Dans la quasi-totalité des nids de fourmis examinés (trente-trois sur trente-quatre), les reines et les futures reines avaient le même génotype. Le pool génique des reines est donc favorisé. Pour répondre à ce “défi reproductif”, les mâles ont développé une stratégie semblable. Les chercheurs ont constaté qu’ils avaient aussi tous le même génotype. Ils estiment que leur reproduction par haploïdie a été abandonnée et que les mâles contre-attaquent en se clonant eux-mêmes. Dans l’œuf, le génome du mâle éliminerait celui de la femelle, et s’auto-reproduirait.

Les ouvrières, elles, sont toujours issues de la reproduction sexuée. Mais elles sont stériles. Toutefois, comme elles reçoivent les gènes des mâles et des femelles, elles conservent une diversité génétique importante bénéfique à la colonie, qui permet d’une manière générale de s’adapter plus efficacement aux changements environnementaux.

Avec cette ségrégation des pools géniques des mâles et des femelles, deux lignées distinctes apparaissent. Mais qu’il soit ou non possible de parler de deux espèces, les mâles et les femelles continuent d’évoluer de concert, car ils sont liés par le même destin, qui se traduit en premier lieu par la nécessité de produire les ouvrières, sans lesquelles la colonie n’existerait pas.

• (1) D. Fournier et coll. : « Clonal reproduction by males and females in the little fire ant », Nature, 30/6/2005.

• (2) Les hyménoptères rassemblent les symphytes (mouches à scie), les guêpes, les abeilles et les fourmis.