Le narval utilise sa défense pour évaluer son environnement - La Semaine Vétérinaire n° 1217 du 11/03/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1217 du 11/03/2006

Dent hypertrophiée du maxillaire supérieur gauche

Formation continue

FAUNE SAUVAGE

Auteur(s) : Alain Zecchini

La dent spiralée de ce cétacé serait un organe sensitif.

La dent maxillaire du narval (appelé dans les temps anciens “licorne de mer”) jouerait le rôle d’un senseur, permettant à cet animal de détecter les paramètres de son environnement. Cette suggestion a été faite par une équipe américaine, menée par Martin Nweeia (école de médecine dentaire d’Harvard et Smithsonian Institution), qui l’a étayée par un travail en Arctique et en laboratoire depuis 2000.

Cette dent hypertrophiée, saillant du maxillaire supérieur gauche, est l’attribut des mâles qui, pour certains, en possèdent aussi une du côté droit, mais plus petite. Seulement 15 % des femelles en sont pourvues.

La défense crée un champ électrique pour détecter les proies

La dent mesure, chez les mâles, de 2 à 3 m de long, ce qui équivaut à la moitié du corps. Son analyse montre qu’elle possède une structure inversée par rapport aux autres dents. Habituellement, la dentine entourant la pulpe est poreuse et peu minéralisée. L’émail qui recouvre la couronne, en revanche, est très dur. Chez le narval, une couche fortement minéralisée enserre la pulpe, alors que la surface extérieure de la dent est peu minéralisée. Cette particularité permettrait d’absorber les chocs et de résister aux pressions en cas de plongée profonde (jusqu’à 900 m pour ce cétacé). Le deuxième constat, le plus important, concerne les tubules dentinaires (canaux par lesquels passent des terminaisons nerveuses). Normalement, elles ne progressent pas au-delà de la face interne de l’émail, mais chez le narval, elles s’ouvrent à la surface externe de la dent. Celle-ci est donc pourvue d’une sorte de membrane sensitive, grâce à laquelle l’animal recueillerait les informations dont il a besoin sur les sons, la température et la salinité de l’eau. Cette dernière, notamment, est primordiale, car les migrations des narvals sont liées à la formation des glaces, laquelle influe sur les concentrations en sel de l’océan.

Dans cette perspective, l’habitude des mâles de se tenir près de la surface, leur défense émergée, servirait à détecter les changements de température et de pression barométrique signalant l’arrivée des fronts froids et du gel.

La fonction de la dent comme organe sensitif semble prédominante

La détection des proies serait un autre usage de la dent comme senseur. Elle créerait ainsi un champ électrique, par le phénomène de la piézo-électricité (émission de charges électriques à la surface de cristaux d’un corps, lorsqu’ils sont soumis à une contrainte). En l’occurrence, la contrainte serait la force du déplacement de la défense à travers l’élément liquide. La dent du narval aurait en outre son utilité pour communiquer, aidant à transmettre ou recevoir les sons produits lors des vocalises, comme cela a déjà été suggéré en observant ces animaux en captivité.

Jusqu’à ces travaux, de nombreuses théories ont été émises sur les fonctions de la dent des narvals. Certes, elle sert probablement aux mâles pour afficher leur statut face aux femelles, conformément à une règle commune dans le monde animal. Elle est parfois utilisée par les mâles lorsqu’ils se battent entre eux ou se défendent des prédateurs (morses, en particulier), car plusieurs cas de dents brisées ont été relevés. Mais ces usages (ou d’autres) restent secondaires et les observations qui s’y rapportent sont parfois contradictoires. Il apparaît désormais que la fonction prédominante de la dent est celle d’un organe sensitif.

Les recherches actuelles de Martin Nweeia portent notamment sur le cheminement évolutif ayant entraîné les modifications structurelles de cette défense. Plusieurs points particuliers restent à élucider, comme la raison d’être des spirales qui entourent la dent en sens inverse des aiguilles d’une montre.

La défense du narval vaut de l’or

Contrairement à la licorne, immortelle, le narval est menacé. Sa survie s’est considérablement réduite de nos jours. Déjà éliminé de certaines zones de son aire de répartition historique, ses populations auraient chuté annuellement de 6 % en moyenne lors des dix-sept dernières années. Il ne resterait que 20 000 à 50 000 individus, répartis entre le Canada et le Groënland (Danemark), où les réglementations de la chasse au narval sont assez laxistes. De fait, la cause principale de son déclin serait bien la chasse, pratiquée par les Inuits.

La chair de ce mammifère et sa peau sont fort appréciées. Et par-dessus tout peut-être, la défense, très recherchée, peut se vendre cher (600 $ et davantage). En outre, une certaine concurrence alimentaire existe entre l’homme et le narval. Tous deux se nourrissent de flétan, et le cétacé n’est pas de taille à lutter contre l’industrie de la pêche. Enfin, les changements climatiques représentent une menace déjà à l’œuvre. S’ils se traduisent de plus en plus par une contraction des glaces de mer, dans la baie de Baffin (Canada), un lieu d’hivernage privilégié des narvals, c’est leur extension qui est constatée. Et la mer gelée représente pour eux un piège mortel.

A. Z.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur