Troubles biochimiques du rumen de la vache laitière
Formation continue
RURALE
Auteur(s) : Anne Thébault
Sans traitement, l’issue de l’acidose aiguë, de l’alcalose ou de la météorisation ruminale spumeuse est fatale.
Parfois regroupés sous le terme générique “d’indigestions”, les troubles biochimiques du rumen sont généralement observés à la suite d’une mauvaise adaptation quantitative ou qualitative de la ration. Ils sont variés, mais les plus fréquents sont les modifications des caractères physiques du rumen (météorisations spumeuses) et les variations du pH (alcalose et acidose).
Les bovins sont “équipés” de trois compartiments situés en avant de l’estomac fonctionnel qu’est la caillette, lieu de sécrétion des sucs gastriques. Le rumen (ou panse) est le plus volumineux. Le réseau (ou réticulum) n’est que partiellement séparé du rumen, et le feuillet (ou abomasum), qui constitue le passage entre le réseau et la caillette, y est généralement inclus.
Le rumen est rempli d’une masse alimentaire fibreuse en cours de fermentation. Celle-ci dépasse 80 kg chez une vache laitière de 600 kg en pleine lactation. L’eau représente 85 à 90 % du contenu frais du rumen. Elle provient des aliments, de l’abreuvement, et surtout de la salive sécrétée au cours de l’ingestion et de la rumination : 150 l/j chez le bovin adulte. Cette salive est légèrement alcaline (pH = 8,2) et riche en substances tampons (bicarbonates et phosphates), ce qui contribue à maintenir le pH du milieu dans une zone précise, entre 6,2 et 6,5.
Le rumen est approvisionné pendant cinq à huit heures par jour par l’ingestion des aliments. Son contenu est brassé en permanence par des contractions des parois (broyage mécanique). Sa température est constante. Le milieu est caractérisé par une quasi-absence d’oxygène.
Toutes ces conditions sont favorables à l’existence d’une flore microbienne anaérobie importante : bactéries, protozoaires et champignons. L’ensemble des corps microbiens représente 2 à 3 kg. L’équilibre entre les espèces dépend de la ration, par l’intermédiaire de sa composition et du pH créé lors de sa fermentation.
Les produits finaux de la fermentation sont des acides gras volatils (acide acétique, acide propionique et acide butyrique, en proportions variables selon la composition de la ration) et des gaz (gaz carbonique et méthane).
L’acidose correspond en général à une acidose lactique du rumen, c’est-à-dire une indigestion consécutive à la consommation de rations hyperglucidiques fermentescibles (graines de céréales, betteraves sucrières, fruits, mélasse, lactosérum, etc.) ou riches en acide lactique (ensilage de maïs, d’herbe, etc.) et/ou insuffisamment pourvues en fibres longues. L’apport brutal de sucres fermentescibles entraîne la perturbation de la microflore : les micro-organismes qui utilisent habituellement l’acide lactique sont détruits. Le pH du rumen tombe alors rapidement en dessous de 5. Il s’ensuit des perturbations ruminales (ruminites ou parakératose), une diarrhée osmotique suivie de déshydratation et une acidose sanguine rapidement mortelle. L’acidose est fréquente, à tout âge des vaches laitières, surtout chez les animaux inaccoutumés à un fort apport énergétique.
L’alcalose est liée à une indigestion consécutive à un régime riche en azote. Il s’agit en général d’un excès d’azote non protéique dans la ration (urée, sels d’ammonium, acide urique) ou de l’ingestion d’aliments avariés, ou d’herbe particulièrement azotée (printemps et automne), ou encore d’un défaut de sucres dans la ration. Cela donne rapidement naissance à de l’ammoniac dans le rumen, d’où une alcalose digestive, puis sanguine, à l’origine d’une indigestion, d’une entérite et de troubles nerveux bientôt mortels.
Les météorisations sont des troubles caractérisés par l’accumulation rapide de gaz de fermentation dans le rumen. Si ces gaz sont libres, la météorisation est “gazeuse”. S’ils forment des mousses stables avec les liquides et les débris alimentaires, il s’agit alors d’une météorisation spumeuse du rumen (MSR). Chez les vaches laitières, elle survient essentiellement au pâturage. Le facteur déterminant est l’ingestion de jeunes légumineuses, qui favorisent la formation de mousses (elles emprisonnent les gaz de fermentation) et leur stabilisation. Le phénomène est aggravé par l’acidose du rumen, liée à l’insuffisance d’éléments grossiers, responsable d’une hyposalivation. Les mousses formées sont responsables d’une obstruction du cardia, qui rend impossible l’éructation, et d’un gonflement du rumen, provoquant l’arrêt de la motricité. La météorisation peut aussi apparaître en stabulation, quand la ration ne contient pas assez de fourrages ou trop de farines fines de céréales.
L’acidose aiguë évolue rapidement vers la mort si aucun traitement n’est mis en place. Les premiers symptômes apparaissent quelques heures après l’ingestion de la ration hyperglucidique : douleur abdominale, augmentation des mouvements respiratoires et tachycardie (dues à l’acidose métabolique), décubitus, déshydratation éventuellement accompagnée d’anurie, diarrhée profuse d’odeur douceâtre. Cette dernière peut être considérée comme un signe d’évolution favorable. Le flanc gauche augmente de volume en partie inférieure, en raison de la fluidification du contenu ruminal due à la présence de lactate. La percussion révèle une matité hydroviscérale. Les animaux qui survivent peuvent développer une infection mycosique du rumen, une nécrobacillose hépatique ou une fourbure chronique quelques semaines ou quelques mois plus tard.
L’acidose chronique est probablement sous-estimée en France. Elle se manifeste par un appétit ondulant dans les trois semaines qui suivent le vêlage. Les bouses sont plus liquides, avec des grains non digérés et des fibres non dégradées. D’autres troubles sont fréquemment associés à l’acidose chronique : mauvais état corporel malgré un apport énergétique correct, anorexie, diarrhée, coliques, abcès (hépatiques et rénaux), boiterie, fourbure, chute du taux butyreux dans le lait, immunodépression provoquant une recrudescence des mammites, métrites et autres maladies infectieuses.
Tous les symptômes de l’alcalose peuvent être rapportés à l’hyperammoniémie : troubles nerveux (tremblements, convulsions, apathie, incoordination motrice), digestifs (douleur abdominale, hypersalivation, grincements des dents, mictions et défécations fréquentes) et variés (mouvements des oreilles). La météorisation survient rapidement à la suite de l’arrêt de la motricité gastrique. Le pouls jugulaire est marqué. La mort se produit par arrêt respiratoire, moins de quatre heures après l’ingestion de la ration hyperazotée.
Les météorisations spumeuses évoluent sur un mode aigu ou suraigu au pâturage. Vingt minutes après le repas, les vaches présentent une distension abdominale (aspect “en pomme” assez caractéristique), une augmentation de la fréquence cardiaque, une détresse respiratoire (jusqu’à soixante mouvements respiratoires par minute) et circulatoire (cyanose). De nombreux crépitements sont entendus à l’auscultation, ce qui n’est pas le cas lors des météorisations gazeuses. La mort survient rapidement par asphyxie.
Dans tous les cas, il est possible de réaliser un prélèvement de liquide ruminal, de façon simple et non traumatisante, en ponctionnant avec une aiguille (60/20) la partie inférieure de la paroi abdominale en avant du pli du grasset. Les quelques gouttes de liquide recueilli permettent d’apprécier le pH et les caractères principaux du jus de rumen (odeur, couleur, absence de protozoaires, etc.).
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