Crise sanitaire et santé publique
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FILIÈRES
Auteur(s) : Jean-Paul Demonchaux*, Rémy Michel**
Les approches médicale et vétérinaire de l'épidémiologie et de la santé publique se sont révélées d'une complémentarité fondamentale lors du tremblement de terre au Pakistan, l'an dernier.
Le 8 octobre 2005, un tremblement de terre d'une magnitude de 7,6 sur l'échelle de Richter frappe l'Asie du Sud. Au Pakistan, le bilan provisoire de ce séisme d'une grande ampleur fait état de 73 000 morts, 70 000 blessés et 3,3 millions de personnes déplacées. Il génère la destruction massive d'habitations, de routes, de réseaux électriques, téléphoniques, de distribution d'eau et d'élimination des effluents, dans un contexte géopolitique particulier (zone montagneuse de revendication territoriale entre l'Inde et le Pakistan).
Dès le 10 octobre et durant un mois, un dispositif français médico-chirurgical (service de santé des armées, Samu, pompiers) intervient à Muzaffarabad, au cœur de la catastrophe. La composante militaire comporte en particulier une antenne chirurgicale et une cellule épidémiologique formée d'un vétérinaire et d'un médecin. Grâce à leur complémentarité, cette cellule s'est révélée déterminante, tant pour le soutien du détachement français qu'au niveau de l'aide aux populations sinistrées.
Dès l'installation de l'équipe se pose le problème de la maîtrise des dangers sanitaires auxquels le détachement français est exposé (maladies transmissibles par l'eau, les aliments et l'environnement). L'eau de boisson est fournie par des bouteilles d'eau minérale acheminées de France. Mais pour alimenter le bloc chirurgical et réaliser les ablutions, la priorité est donnée au vétérinaire de rechercher un approvisionnement régulier en eau de qualité suffisante.
Les premiers jours sont difficiles. L'eau provient de la rivière qui traverse la vallée et les glissements de terrain, les éboulements l'ont chargée en cadavres, en matière organiques et en déchets les plus divers. En l'absence de matériels pour procéder à une coagulation/ floculation des matières en suspension, seules des opérations de décantation et de filtration successives permettent de diminuer la charge organique. Ce procédé est long et fastidieux. Rapidement, un partenariat s'établit avec l'armée pakistanaise qui fournit, les jours suivants, une eau de source canalisée, acheminée par camion citerne. Une chloration contrôlée permet d'en maîtriser la qualité microbiologique. En revanche, le risque chimique ne peut être évalué…
La disposition du campement et l'implantation des matériels (zone de vie, antenne chirurgicale, douches, toilettes, lavabos, cantine, stockage des déchets, lavage du linge, etc.) sont réalisées en respectant les règles d'hygiène de vie en campagne (marche en avant, sectorisation propre/sale, distances minimales, etc.), tout en satisfaisant aux contraintes logistiques (alimentation en eau, élimination des eaux usées, instabilité du terrain).
Les rations de combat, base de l'alimentation, sont complétées par les ressources locales qui augmentent de jour en jour : fruits et légumes frais, conserves, féculents, pain. Les produits à risque sanitaire (viandes, lait, œufs, abats, produits de la mer, etc.) sont évités. La maîtrise des dangers est fondée sur le choix des approvisionnements et le traitement des denrées achetées (par exemple, désinfection des végétaux au permanganate de potassium dans une région où l'engrais est d'origine naturelle, etc.). Ces précautions permettent d'éviter toute toxi-infection alimentaire collective durant la mission.
La prévention des zoonoses et autres maladies transmissibles nécessite la mise en œuvre de plusieurs actions :
- une chimioprophylaxie antipaludique par la doxycycline ;
- une lutte antivectorielle intradomiciliaire et péridomiciliaire (en particulier l'élimination des mouches, qui trouvent un terrain propice à leur multiplication dans ce type de catastrophe) ;
- des moyens de protection contre les animaux errants (mesures défensives contre les chats) ou les nuisibles (utilisation de raticides).
Ces actions sont menées grâce à une sensibilisation régulière des personnels.
Sur demande du gouvernement français, une évaluation initiale de la situation sanitaire à Muzaffarabad (lieu de coordination des actions humanitaires) est réalisée : moyens disponibles, risques à court et moyen termes, besoins sanitaires et médicaux. Elle montre que les principales conséquences directes du séisme sont les lésions traumatiques sévères, la constitution de camps de personnes déplacées et le manque d'eau de qualité suffisante, aggravées par la destruction des structures sanitaires locales. Les risques identifiés sont liés à l'eau (maladies du péril fécal), à l'absence de programme vaccinal régional (rougeole, diphtérie et tétanos), à la promiscuité des personnes déplacées dans les camps (infections respiratoires, gale, pédiculoses) et au froid à l'approche de l'hiver.
Parallèlement, la cellule épidémiologique française s'est mise à la disposition de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la participation :
- aux réunions quotidiennes de coordination des actions humanitaires ;
- à la surveillance épidémiologique, via la déclaration quotidienne de l'activité médico-chirurgicale française et l'information des médecins des structures sanitaires internationales, les incitant à déclarer leurs cas d'affections soumises à surveillance ;
- à l'investigation autour de cas suspects ou d'épidémies avérées, annoncés par l'OMS en réunion quotidienne (choléra, épidémie d'affections cutanées, par exemple) ;
- à l'évaluation des besoins vaccinaux dans un district voisin et des besoins sanitaires dans les principaux camps de Muzaffarabad.
A la suite de ces investigations et évaluations, des recommandations sont formulées à l'OMS qui assure la planification, la gestion, la supervision et l'évaluation des actions menées, en concertation avec les représentants des différentes organisations présentes. Un retour dans un des camps évalués a permis de constater qu'en trois jours, toutes les recommandations (approvisionner en eau, installer des latrines, fournir une équipe médicale et planifier une campagne de vaccination) ont été suivies.
La présence d'un vétérinaire et d'un épidémiologiste est un atout dans ce type de situation de crise. Les approches médicale et vétérinaire de l'épidémiologie et de la santé publique se sont révélées d'une complémentarité fondamentale pour l'évaluation initiale de la situation sanitaire, l'implantation du dispositif, le soutien du détachement français et l'aide aux populations sinistrées. En effet, de par sa formation pluridisciplinaire, non limitée à la connaissance de l'animal, le vétérinaire apporte une contribution reconnue de ses collaborateurs dans l'appréciation de l'interaction entre l'homme et son environnement naturel.
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