Une obstruction nasale est traitée par rhinotomie - La Semaine Vétérinaire n° 1238 du 23/09/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1238 du 23/09/2006

Dentisterie chez un chien de prairie

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Jean-François Quinton

L’animal a recouvré une capacité respiratoire par les voies naturelles.

Un chien de prairie (Cynomis ludovicianus) mâle, âgé de quatre ans, qui vit seul en cage, est présenté à la consultation pour un encombrement respiratoire, sans jetage, évoluant depuis trois mois. Le principal symptôme est une dyspnée inspiratoire marquée, consécutive à l’obstruction nasale. En effet, la conformation particulière de l’oro-pharynx chez le chien de prairie n’autorise pas une respiration buccale aisée. Ce type de respiration épuise les animaux, entraîne une distension aérique de l’estomac très douloureuse et empêche une alimentation correcte, car la déglutition provoque des étouffements.

Une anorexie, un amaigrissement et une dégradation de l’état général sont également constatés. Les traitements médicaux à base d’antibiotiques se révèlent inefficaces. Les résultats de la numération-formule sanguine et du bilan biochimique sont normaux.

L’animal est anesthésié avec de l’isoflurane afin de procéder à un examen de la région oro-pharyngée et pour réaliser des radiographies. A l’examen buccal, deux nodules sont mis en évidence sur le palais. Les radiographies thoraco-abdominales ne révèlent pas d’anomalies. Le cliché de profil de la tête met en évidence une surface irrégulière et un renflement de la base des incisives supérieures.

Une tumeur odontogène, à l’origine d’un rétrécissement des voies aériennes supérieures, est diagnostiquée.

L’extraction des dents est rejetée en raison de l’ancienneté des symptômes

Le traitement classique de l’odontome passe par l’extraction des incisives. Cependant, la réussite de l’intervention dépend de la précocité du traitement. En effet, l’extraction de la dent ne permet pas l’exérèse du tissu conjonctif tumoral qui l’entoure et qui constitue également un facteur d’obstruction de la cavité nasale. En outre, la dyspnée associée à l’obstruction entraîne une dégradation progressive de l’état général et cette intervention choquante devient d’autant plus risquée.

Ici, une rhinotomie en arrière de la tumeur, qui permet de shunter les cavités nasales obstruées, est préférée en raison de l’ancienneté des symptômes. L’anesthésie est induite avec de la kétamine et du diazépam (50 mg/kg et 10 mg/kg, par voie intramusculaire), puis maintenue à l’isoflurane administré au masque.

Après une incision cutanée, la cavité nasale est trocardée en région médiale entre le front et les narines avec une petite fraiseuse, puis une broche de 1,5 mm de diamètre est introduite en arrière des incisives. Un cathéter en plastique (segment d’environ 1 cm de sonde urinaire jaune), dont l’extrémité distale est suturée à la peau, est mis en place (voir photo).

Le lavage des cavités rhino-sinusales avec du sérum physiologique provoque un écoulement muco-purulent par les narines.

L’animal reste hospitalisé six jours, pendant lesquels il est réhydraté et nourri à la bouillie pour bébé (de force si nécessaire afin d’éviter l’apparition d’une lipidose hépatique, d’installation rapide chez les rongeurs). Un traitement antibiotique (céfalexine à la dose de 20 mg/kg, deux fois par jour) et antalgique (buprénorphine, 0,05 mg/kg, trois fois par jour(1)) est administré par voie sous-cutanée et les cavités nasales sont irriguées deux fois par jour par la sonde avec de la polyvidone iodée diluée au 20e.

Un milieu de vie inadapté serait un facteur déclenchant de l’odontome

L’infection et la rhinite obstructive disparaissent. Les lavages sont poursuivis une fois par jour. La cage de l’animal est remplacée par un vivarium. En effet, le comportement de morsure des barreaux, probable déviation du comportement naturel de creusement de terriers, est suspecté d’être à l’origine de l’odontome. L’hébergement du chien de prairie dans des terrariums (verre ou plexiglas), avec un sol épais de copeaux ou de terre, est à privilégier.

Après plusieurs mois, la sonde est retirée en raison des difficultés d’observance des soins quotidiens.

Après une dizaine de jour, une oblitération de l’orifice se produit, sans que la dyspnée réapparaisse. L’animal a donc retrouvé une capacité respiratoire suffisante par les voies normales. Avec un recul de six mois, aucune récidive n’est constatée et le chien de prairie vit normalement.

L’odontome fait partie du diagnostic différentiel des affections nasales

Les obstructions respiratoires sont relativement fréquentes chez le chien de prairie. L’odontome est une cause sous-jacente d’obstruction, fréquemment sous-diagnostiquée. Les échecs des traitements anti-infectieux et mucolytiques orientent le diagnostic vers cette maladie.

L’odontome est une tumeur bénigne, dérivée de l’épithélium odontogène (tissu à l’origine de l’émail dentaire), avec ou sans formation de tissu minéralisé. Lorsqu’il implique les incisives supérieures, l’envahissement des cavités nasales peut provoquer une obstruction mécanique, accompagnée de troubles respiratoires. Cette obstruction est souvent compliquée d’une infection bactérienne secondaire. Les odontomes des incisives inférieures n’ont pas de conséquences pathologiques.

Ce cas semble indiquer que la rhinotomie est plus qu’une méthode de traitement palliatif de dernière chance de l’odontome avec obstruction nasale. Cette technique pourrait trouver une indication en première intention lors d’odontome associé à une infection respiratoire, évitant ainsi de recourir à une extraction dentaire, beaucoup plus délabrante et aux résultats incertains. Elle pourrait également être utilisée plus systématiquement pour traiter les obstructions liées à une simple infection et dont le pronostic est souvent de réservé à sombre, en raison du manque d’efficacité des traitements par voie générale. Cette deuxième indication pourrait en outre être extrapolée à d’autres espèces de rongeurs (telles que le chinchilla), chez lesquelles les affections respiratoires obstructives sont également courantes et présentent des difficultés comparables de traitement.

  • (1) Molécule disponible dans un médicament à usage humain.

REFERENCES

• J.-F. Quinton : « Tumeur odontogène du chien de prairie (Cynomis ludovicianus) ; diagnostic et traitement », Pratique des animaux sauvages et exotiques, 2004, vol. 4, n° 1, pp. 9-11.

• R.A. Wagner, R.H. Garman, B.M. Collins : « Diagnosing odontomas in prairie dogs », Exotic DVM, 1999, vol. 1, n° 1, pp. 7-10.

• R.A. Wagner, D. Johnson : « Rhinotomy for treatment of odontoma in prairie dogs », Exotic DVM, 2001, vol. 3, n° 5, pp : 29-34.

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