Lutte contre les zoonoses. Séance de l’Académie vétérinaire
Actualité
Auteur(s) : Nathalie Devos
Insister sur le travail des vétérinaires dans la lutte contre les zoonoses, souvent oublié par les médias, permettrait de pérenniser le système de surveillance en place.
Dans les années trente, 25 % du cheptel bovin français était tuberculeux, 1 enfant sur 4 était contaminé. Dans les années soixante-dix, il y avait encore 400 000 cas de brucellose d’origine bovine ayant causé la mort d’une dizaine de personnes. Aujourd’hui, grâce au travail accompli par les vétérinaires, la France est considérée comme indemne de brucellose bovine. » C’est ainsi que notre confrère Jean Blancou a introduit le sujet des zoonoses, au programme de la séance du 5 octobre de l’Académie vétérinaire, à Paris. « Ce thème nous semblait également important parce qu’il est “prisé” des médias grand public », a-t-il ajouté. La grippe aviaire l’a en effet démontré ces derniers temps. Malheureusement, la presse ne se fait généralement pas l’écho du rôle fondamental – et réel – de notre profession pour prévenir les zoonoses. Jean Blancou, membre de l’Académie, a aussi souligné les efforts réalisés par différentes nations pour se doter d’un système de surveillance vétérinaire efficace, permettant de contrecarrer les risques émergents, dus en partie à la mondialisation.
« La lutte contre les épizooties et les zoonoses s’est faite progressivement, grâce à la mise au point d’outils diagnostiques et de prévention (comme les vaccins) par la recherche vétérinaire, aussi bien publique que privée », a tenu à rappeler, dans un premier temps, notre confrère Bernard Toma. Mais il a ajouté qu’elle doit également tenir compte des analyses coûts/bénéfices. Certaines maladies sont combattues de manière sanitaire, faute de moyens médicaux disponibles. C’est le cas de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). La lutte contre cette affection s’est fondée sur l’interdiction des farines de viande et d’os (FVO), l’écartement des matériaux à risque spécifié (MRS) à l’abattoir et le dépistage, d’abord clinique des animaux, puis systématique à l’abattoir et à l’équarrissage (fin des années quatre-vingt-dix). « Si toutes ces mesures ont permis de diminuer l’incidence annuelle des cas d’ESB chez les bovins, il est toutefois possible de s’interroger sur l’intérêt de continuer à dépister les animaux à l’abattoir (mesure onéreuse), puisque les MRS sont systématiquement écartés. En 2003, cette détection a coûté environ 1,56 million d’euros à l’Union. Une analyse des coûts et des bénéfices serait dans ce cas nécessaire, estime Bernard Toma, car cet argent dépensé pourrait permettre de lutter de manière plus efficace contre d’autres maladies animales et zoonoses. »
Le succès de la lutte contre la rage vulpine, elle, a été essentiellement médicale. Pendant une vingtaine d’années (de 1968 à 1998), la lutte contre les renards (battues et empoisonnements des animaux) et la vaccination des animaux domestiques, n’ont pas permis d’éradiquer la maladie. Ce n’est que grâce à la vaccination orale des renards à la fin des années quatre-vingt-dix que l’incidence de la rage vulpine a diminué et a permis d’éradiquer la maladie chez le chien, donc le risque zoonotique pour l’homme. L’analyse des coûts et des bénéfices, réalisée alors, a permis de montrer l’efficacité de cette méthode dans ce cas précis.
Le contexte sociopolitique actuel nécessite que les dispositions existantes en matière de lutte contre les zoonoses soient repensées, a expliqué pour sa part notre confrère Bernard Vallat, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Dans un monde où les démocraties sont majoritaires, les élus, face à leurs électeurs, ne peuvent pas prendre le risque de négliger une crise sanitaire. D’autre part, la mondialisation a des effets de plus en plus marqués sur le flux d’agents pathogènes, comme en témoignent les crises de la “vache folle”, du Sras ou encore de la grippe aviaire. L’organisation de la surveillance des maladies animales et des zoonoses sur quatre niveaux, mondial, régional, national et local, est essentielle, a expliqué Bernard Vallat. A l’échelle mondiale(1), l’OIE(2), unique organisation entièrement dédiée à la santé animale et à sa surveillance, coopère avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), dont le rôle s’inscrit d’abord dans un objectif de promotion des productions animales, notamment dans les pays pauvres. Les synergies entre ces deux organisations sont formalisées au sein d’un programme, nommé GF-TADS : cadre global pour la lutte contre les maladies animales transfrontalières.
La collaboration de l’OIE et de la FAO avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) concernant les zoonoses est récente et encore “frileuse”. Fin juillet dernier, elle a donné naissance au lancement d’un système mondial d’alerte rapide et d’intervention pour les maladies animales transmissibles à l’homme, dénommé Glews. « La collaboration entre les trois organisations s’est renforcée grâce à la grippe aviaire. Une conférence mondiale sur ce sujet, organisée en novembre 2005 a, enfin, permis de parler d’une seule voix. L’OIE et la FAO reprochaient en effet vertement à l’OMS d’avoir massivement communiqué dès le début de l’année 2004, sans aucune base scientifique crédible, sur l’éminence d’une pandémie humaine. Cela a poussé les décideurs dans le monde à investir en priorité dans une prévention à une éventuelle pandémie, au détriment de la lutte contre sa source animale », a souligné Bernard Vallat. Il continue par ailleurs à déplorer que le nouveau règlement sanitaire international de l’OMS n’intègre aucune disposition permettant, dans le cadre des zoonoses, des synergies appropriées avec les services vétérinaires nationaux. Le terme « vétérinaire » n’y apparaît pas…
Au niveau régional, hormis les représentations de l’OIE, qui reçoivent l’appui de celles de la FAO en Afrique, en Amérique du Nord et du Sud, en Europe, au Moyen-Orient et en Asie, Bernard Vallat met en exergue le rôle unique de la Commission européenne qui se charge d’harmoniser les législations vétérinaires et de veiller à l’application des règlements et des directives au sein de l’Union. Son efficacité repose sur l’existence de systèmes communautaires d’inspection, de sanction, d’identification des animaux, d’un fonds de financement vétérinaire pour la maîtrise des maladies, etc. « Un exemple de ce qu’il faudrait faire un jour au niveau mondial », selon notre confrère.
Les niveaux national et local de surveillance des maladies animales sont bien évidemment tout aussi importants. « Un seul pays défaillant peut mettre en danger le reste de la planète », a insisté Bernard Vallat. D’où la priorité, également de mise pour l’OIE, d’améliorer les services vétérinaires nationaux dans le monde, via l’élaboration récente d’un référentiel d’évaluation des services vétérinaires(1). Le modèle français, qui repose sur un partenariat entre la Direction générale de l’alimentation (DGAL), la Direction départementale des services vétérinaires (DSV), les vétérinaires sanitaires, le Groupement de défense sanitaire et la Fédération nationale des groupements de défense sanitaire (FNGDS) est, à cet égard, un exemple à suivre, selon notre confrère, même s’il ajoute que la désaffection actuelle pour les zones rurales nécessite une réelle politique volontariste de l’Etat pour y remédier.
En conclusion, Bernard Vallat a expliqué que pour apporter aux décideurs et aux acteurs politiques des arguments permettant de garantir la pertinence et la consolidation de tels systèmes de surveillance, dans un contexte de compétitivité budgétaire publique, l’OIE, en collaboration avec l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) et l’Agence française de développement (AFD), a lancé trois études qui sont respectivement destinées à :
- chiffrer le coût du maillage sanitaire territorial et national par rapport à celui d’une crise sanitaire, beaucoup plus onéreuse ;
- créer un fonds mondial permettant d’indemniser les éleveurs des pays pauvres lors d’abattage d’animaux ;
- réfléchir à un système d’assurance mondial lors de grandes crises sanitaires ;
- responsabiliser les gouvernements quant à leur priorité en termes d’investissements publics dans le domaine de la prévention vétérinaire.
Ces initiatives pourraient permettre de pérenniser la prévention et la surveillance des maladies animales et donc des zoonoses.
(1) Voir La Semaine vétérinaire n° 1237 du 16/9/2006 en page 39.
(2) L’OIE a reçu mandat de ses 167 (bientôt 169) pays membres pour garantir la transparence de la situation des maladies animales et des zoonoses dans le monde via d’autres missions. Ces dernières sont de collecter, d’analyser et de diffuser l’information scientifique vétérinaire, de stimuler la solidarité internationale pour contrôler les maladies, de garantir la sécurité du commerce mondial en élaborant des normes sanitaires pour les échanges internationaux des animaux et de leurs produits dans le cadre de l’accord SPS de l’OMC, de promouvoir le cadre juridique et les ressources des services vétérinaires.
Le rôle de diverses organisations internationales citées dans l'article est détaillé sur les sites : www.oie.int, www.fao.org, www.who.int
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