Une mère porteuse met bas un faon d’une autre espèce - La Semaine Vétérinaire n° 1243 du 28/10/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1243 du 28/10/2006

Reproduction assistée. Une biche élaphe porte un faon sika

Actualité

Auteur(s) : Valentine Chamard

L’enjeu est d’adapter la technique à des cervidés menacés d’extinction.

Une première mondiale vient de se produire chez les cervidés : la naissance d’un faon sika du Japon (Cervus nippon nippon), porté par une biche élaphe, espèce commune dans nos contrées (Cervus elaphus), grâce à la fécondation in vitro (FIV). La naissance de ce faon a été permise grâce à la collaboration entre le Muséum national d’histoire naturelle (réserve de la Haute-Touche, Indre) et l’Inra (Tours, Indre-et-Loire). Le site de l’Inra de Tours est dédié à l’étude de la physiologie de la reproduction et du comportement animal, en particulier aux méthodes de reproduction assistée des animaux de rente. Les chercheurs du muséum ont, quant à eux, apporté leurs compétences en termes de sauvegarde des espèces et mis à disposition les animaux qui ont permis l’opération. Le centre Inra de Clermont-Ferrand-Theix, où a eu lieu la naissance, a également participé à l’opération grâce à son savoir-faire en élevage des cervidés.

De la sélection zootechnique à la conservation des espèces

Pascal Mermillod, chercheur à l’Inra de Tours, explique les techniques maîtrisées par le centre, dont la fécondation in vitro. L’objectif zootechnique de l’expérience menée chez les cervidés est d’amplifier la descendance d’une femelle et, ainsi, de conserver un patrimoine génétique. Ce n’est pas une première en matière de fécondation in vitro. « Les premiers bovins issus de la fécondation in vitro ont vu le jour dès 1982 et permettent de sélectionner des critères zootechniques d’intérêt économique, comme la quantité de lait produite. »

Yann Locatelli, chercheur au muséum, précise l’historique et les étapes de cette expérience, qui ont nécessité dix ans de recherches. La succession de deux thèses pour adapter les techniques de reproduction assistée aux cervidés a été un préalable à seule fin de résoudre une triple difficulté : production d’embryons in vitro, qui nécessite un milieu d’écoculture adapté (culture de cellules d’oviducte en particulier), viabilité de ces embryons et réussite du transfert chez la mère porteuse. Les chercheurs précisent que cette « mise au point a été longue et difficile car, à la différence des ovaires des bovins qui peuvent être prélevés à l’abattoir, ceux de cervidés ne sont disponibles qu’en faible quantité ».

La première étape, créer des embryons de faons élaphes portés par des biches élaphes, a été menée à bien en 2004. La phase suivante a été la prouesse technique du transfert interspécifique d’embryon, en l’occurrence entre les espèces sika du Japon et élaphe. Le protocole de FIV en lui-même consiste d’abord à prélever les ovocytes immatures chez des femelles sika du Japon. Ces ovocytes sont, après une maturation de vingt-quatre heures, fécondés par des spermatozoïdes issus de mâles de la même espèce. Après une maturation de sept jours, l’embryon sika au stade blastocyste ainsi obtenu est congelé puis transféré dans une mère porteuse élaphe synchronisée. Huit embryons ont ainsi été transférés chez huit mères porteuses pour, au final, aboutir à une gestation, qui a donné lieu à la naissance de Milou, en août dernier. Le renouvellement de ce type de transfert aura lieu en décembre prochain, notamment pour tenter d’améliorer la qualité des embryons et ainsi augmenter le taux de gestation arrivant à terme.

La prochaine étape sera d’adapter ces techniques à des cervidés proches du sika japonais, espèce asiatique non menacée (bien représentée à la Haute-Touche) mais proche de sous-espèces menacées d’extinction, comme le cerf du Viêtnam (Cervus nippon pseudaxis) ou le cerf de Formose (Cervus nippon taiouanus). La mère porteuse restera la biche élaphe.

Il restait à laisser faire la nature pour certains paramètres envers lesquels la science ne peut intervenir, notamment en ce qui concerne les particularités anatomiques de chaque espèce.

En dépit des différences morphologiques, biche et faon se sont adaptés l’un à l’autre

« Un faon sika du Japon pèse 3,5 kg, contre 8 kg pour un élaphe, ce qui aurait pu poser des problèmes pour l’allaitement », précisent les chercheurs. Dans les faits, le petit a pu téter sa mère sans difficulté. De même, la gravité de la voix, différente entre les deux espèces, n’empêche pas la reconnaissance entre la mère (primipare) et son petit. La durée de la gestation, différente entre les deux espèces, a aussi soulevé des interrogations lors de la conception, mais n’a posé aucune difficulté. Le petit sika est né après la même durée de gestation que les autres sika.

Xavier Legendre, directeur de la réserve de la Haute-Touche, précise que le faon sera introduit dans un troupeau, avec ses pairs. « Le but est aujourd’hui de constituer des troupeaux hiérarchisés. Il est à l’heure actuelle illusoire et inconcevable de réimplanter ces animaux nés de fécondation in vitro dans leur milieu naturel, puisque c’est la destruction de celui-ci qui a en grande partie conduit à la menace d’extinction des animaux. »

La congélation possible des embryons pourra, en outre, permettre de se donner du temps pour préserver les écosystèmes. A terme, le développement de ces techniques pourrait conduire à un échange d’embryons entre parcs zoologiques, plus facile que les échanges d’animaux.

L’autre extrapolation possible de la méthode concerne la FIV chez la femme. « La maturation in vitro, courante chez les animaux, est une technique qui commence tout juste à faire son apparition en médecine humaine. Elle permettrait un allègement des traitements de stimulation de la femme », précise Pascal Mermillod.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur