Une réussite chirurgicale fait passer un cap dans le traitement des cardiopathies létales

L’intervention à cœur ouvert d’une large communication interventriculaire (plus de 1 cm de diamètre), réalisée en juin dernier par l’équipe médico-chirurgicale constituée de l’unité de cardiologie d’Alfort (UCA) et de l’équipe de recherche de l’Institut mutualiste Montsouris (IMM, Paris) chez un chien malinois, est une réussite totale. Agé de trois ans, cet animal de la base cynophile de l’Armée de terre de Suippes (dont le suivi est assuré par notre confrère Thierry Lamour) avait été mis à la réforme en raison de sa cardiopathie. La communication interventriculaire (CIV) représente 2 % des cardiopathies congénitales des carnivores diagnostiquées à l’UCA⁽¹⁾ (^{voir photo 1}). Elle correspond à l’absence de fermeture du septum interventriculaire. Cette ouverture entre les ventricules droit et gauche du cœur entraîne un passage anormal de sang de la circulation systémique à la circulation pulmonaire, créant ainsi un shunt gauche-droit. Lorsque le diamètre de l’orifice est de taille conséquente, le shunt gauche-droit entraîne une surcharge de la circulation pulmonaire avec, secondairement, le développement d’une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Dans les cas les plus évolués, la pression artérielle pulmonaire devient si élevée qu’elle dépasse la valeur de la pression systémique, à l’origine de l’inversion de sens du shunt. Il est alors nécessaire d’intervenir chirurgicalement, afin de fermer la communication avant cette dernière complication d’évolution fatale.

L’animal a été opéré à cœur ouvert et battant par un abord chirurgical transatrial droit

L’intervention chirurgicale, la première du genre en médecine vétérinaire, a consisté à occlure le défaut septal par la pose d’un patch (^{voir photos 2} et ³). A la faveur d’une thoracotomie latérale droite, l’atrium droit a en effet été isolé. Afin de vider le cœur droit de son sang, les veines caves craniale et caudale ont été isolées et canulées. Les canules veineuses ainsi placées ont permis de récupérer tout le sang arrivant au cœur droit et de le dévier vers une pompe de circulation extracorporelle qui remplaçait le bloc cœur-poumon pendant l’intervention. Cette pompe a pris ainsi en charge l’oxygénation du sang qu’elle a réinjecté dans la circulation artérielle de l’animal via une canule placée dans l’artère fémorale. Le cœur droit ainsi vidé, les chirurgiens ont pu ouvrir l’atrium droit et récliner la valve tricuspide sous laquelle se trouvait l’anomalie septale. Une fois la communication repérée, celle-ci a été occluse par la suture d’un patch de Gore-Tex® qui a recréé l’étanchéité parfaite entre les deux ventricules. L’atrium droit a ensuite été suturé après vidange de l’air, l’animal sevré de sa pompe, les canules retirées et la thoracotomie refermée classiquement.

L’animal a repris l’entraînement trois mois après l’intervention

Cette intervention chirurgicale constitue un traitement curatif total. L’animal est sorti d’hospitalisation seulement quelques jours après l’opération. Les différents contrôles écho-Doppler réalisés le lendemain de la chirurgie, puis un et trois mois plus tard, ont confirmé une parfaite étanchéité du patch (^{voir photo 4}) avec une disparition complète de l’hypertension artérielle pulmonaire détectée lors de l’examen Doppler préopératoire. L’animal a retrouvé une vie normale et a même recommencé l’entraînement trois mois après l’intervention, avec des premiers footings de 4 km puis de 11 km, sans aucune intolérance à l’effort. L’équipe médicale de Valérie Chetboul et Jean-Louis Pouchelon (unité de cardiologie d’Alfort, UCA) et l’équipe chirurgicale de Luc Behr, Nicolas Borenstein et François Laborde (IMM recherche, Paris), à l’origine de cette prouesse technique, collaborent étroitement depuis maintenant près de dix ans afin de proposer de nouvelles méthodes chirurgicales pour le traitement des cardiopathies létales des carnivores. Fortes de leur expérience et de leur savoir-faire, ces équipes sont en mesure de proposer des interventions chirurgicales curatives que ce soit pour des cardiopathies de type shunt, sténoses ou encore valvulopathies. Il y a un an, elles s’illustraient déjà par la pose d’une bioprothèse de valve chez un chien atteint d’une dysplasie mitrale évoluée⁽²⁾.

• (1) Taux établi sur 414 cardiopathies congénitales, V. Chetboul et coll., J. Vet. Med. A., 2006.

• (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1202 du 19/11/2005 en page 26.