Pathogènes émergents
Formation continue
FILIÈRES
Auteur(s) : Béatrice Bouquet
Les isolats sont peu pathogènes, mais pourraient être des réservoirs de facteurs de virulence. Seule une caractérisation précise permet d’évaluer leur importance en termes de santé publique.
Une équipe de l’école de Toulouse a traqué dans les effluents d’abattoir les Escherichia coli entérohémorragiques (EHEC), considérés, à l’heure actuelle, comme des agents pathogènes émergents en santé publique. Ces travaux avaient notamment trouvé un soutien dans le cadre du réseau de recherche transversal sur les maladies émergentes Epiémerge, mis en place par l’Institut national pour la recherche agronomique (Inra). Les résultats ont été publiés en mai dernier, puis présentés brièvement par notre consœur Estelle Loukiadis, inspectrice en santé publique vétérinaire doctorante, dans le cadre du colloque Emergences 2006, organisé à Paris, le 3 octobre dernier.
Depuis 1982, les EHEC ont été responsables d’épidémies de colites hémorragiques et de syndromes hémolytiques et urémiques (SHU) dans le monde entier, en particulier en France (voir encadré). La majorité des épidémies recensées à ce jour sont associées à la consommation d’aliments d’origine bovine, mais l’ingestion d’autres denrées alimentaires ou d’eau, les contacts directs avec les animaux, le fumier ou le sol et les visites d’exploitations ont également été incriminés. Les ruminants, en particulier les bovins, sont porteurs sains de souches EHEC et semblent être les principaux réservoirs de ces E. coli pathogènes. Cette étude est fondée sur la recherche de souches EHEC dans les effluents des abattoirs. En effet, les eaux usées des abattoirs, majoritairement contaminées par la flore du tractus digestif des animaux de boucherie, concentrent artificiellement de nombreuses espèces et souches bactériennes dont des E. coli potentiellement pathogènes. De plus, les EHEC semblent pouvoir survivre et rester infectieux pendant plusieurs semaines dans l’environnement agricole (sédiments d’abreuvoir, fèces, fumier, boues d’épuration des eaux usées issues des industries de transformation des produits d’origine animale, sol). Ainsi, l’épandage des boues de station d’épuration des abattoirs et le rejet des effluents traités dans les rivières pourraient favoriser la dissémination des EHEC à grande échelle dans l’environnement et représenter un risque pour la santé publique.
Les effluents de douze abattoirs français ont été prélevés lors de plusieurs étapes du processus d’épuration, à diverses saisons et dans des bassins de production différents (Sud-Ouest et Ouest de la France). Au total, 224 échantillons de lisier, d’effluents et d’eau de rivière ont été collectés et ont permis la constitution d’une banque de 5 032 isolats d’E. coli. Ces derniers ont fait l’objet d’un criblage par réaction d’amplification génique simultanée (PCR multiplex) pour la recherche des trois principaux gènes de virulence connus à ce jour pour les EHEC (eae, stx1 et stx2).
Les résultats de cette étude confirment la forte présence, dans les effluents d’abattoir, de bactéries de la flore intestinale des animaux abattus (103 à 107 ufc /ml). De plus, des E. coli porteurs du gène stx ou eae sont isolés dans 25 % des effluents analysés, soit 55 sur 224 (voir figure1). Cette proportion est similaire pour chacun des abattoirs étudiés, ce qui suggère que des E. coli potentiellement pathogènes pourraient être largement présents dans l’environnement des abattoirs français. Les E. coli porteurs du gène stx ou eae ont été plus fréquemment détectés dans les effluents prélevés aux premiers stades du processus d’épuration que dans ceux prélevés à la fin du processus. Ainsi, le traitement des effluents des abattoirs semble être aussi efficace sur la survie des E. coli porteurs du gène stx ou eae que sur celle des E. coli commensaux. Néanmoins, le dénombrement des E. coli ne peut être considéré comme un indicateur fiable de la présence d’E. coli potentiellement pathogènes. En effet, le nombre total d’E. coli ne semble pas être corrélé à la présence ou à l’absence d’E. coli potentiellement pathogènes dans les échantillons analysés. Par ailleurs, des E. coli porteurs du gène stx ou eae ont parfois été retrouvés dans les effluents destinés à être rejetés dans l’environnement. Ces résultats suggèrent que des E. coli potentiellement pathogènes pourraient être capables de persister au cours du processus d’épuration des effluents des abattoirs. L’épandage des effluents des stations d’épuration pourrait donc contribuer à la contamination régulière des eaux de surface et à l’entretien du cycle épidémiologique des EHEC et, par conséquent, constituer un risque pour la santé publique.
L’originalité de l’étude toulousaine tient à la précision de la caractérisation des souches d’E. coli d’intérêt afin de mieux évaluer leur importance en termes de santé publique. Les facteurs de virulence les plus fréquents chez les EHEC sont présents chez les E. coli étudiés, mais la majorité des souches isolées présentent des combinaisons de facteurs de virulence et de sérotypes peu fréquentes chez les souches EHEC.
Ces résultats montrent que la majorité des E. coli isolés sont probablement plus spécifiques de la flore intestinale des animaux de boucherie et sont peu pathogènes pour l’homme (voir figure 2). Néanmoins, ces isolats pourraient jouer un rôle non négligeable dans les réassortiments des facteurs de virulence codés par des éléments génétiques mobiles dans la population des E. coli présents dans les effluents des stations d’épuration et dans le milieu récepteur (les eaux de surface), et pourraient être à l’origine de nouveaux clones pathogènes pour l’homme. L’environnement pourrait ainsi constituer l’un des principaux réservoirs où de nombreux échanges de gènes à l’origine de l’émergence de nouveaux clones pathogènes pour l’homme s’effectueraient.
Afin d’engager une analyse quantitative du risque d’émergence de nouveaux clones d’E. coli pathogènes pour l’homme, l’équipe souhaiterait réitérer ce type d’étude pour disposer d’une vision dynamique de l’évolution de la population de colibacilles présents dans les effluents des abattoirs et dans l’environnement. Elle aimerait également mener le même type de recherches dans les effluents des stations d’épuration urbaine.
• E. Loukiadis, M. Kérourédan, L. Beutin, E. Oswald, H. Brugère : « Characterization of shiga toxin gene (stx)-positive and intimin gene (eae)-positive Escherichia coli isolates from wastewater of slaughterhouses in France », Applied and Environmental Microbiology, 2006, n° 72, pp. 3245-3251.
Des accidents graves dus à des EHEC pathogènes pour l’homme ont été rapportés récemment en France en 2000, 2004 et 2005. Avec les EHEC, sont à craindre :
- des colites hémorragiques ;
- des syndromes hémolytiques et urémiques (SHU) avec insuffisance rénale sévère pouvant entraîner des séquelles graves, voire la mort, surtout chez les enfants âgés de moins de trois ans et les personnes âgées.
Ces symptômes résultent de l’action d’un véritable arsenal de facteurs de virulence dont la liste et le rôle exacts restent à déterminer. Les deux protéines majeures impliquées dans le pouvoir pathogène des EHEC sont, d’une part, l’intimine, codée par le gène eae et responsable de lésions intestinales, d’autre part, les shiga-like toxines, codées par le gène stx1 ou stx2 et capables de provoquer de graves lésions intestinales, vasculaires, cérébrales et rénales.
B. B.Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »
L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.
En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire
Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.
Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.
Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire