Quelles sont les obligations du dépositaire d’un animal ? - La Semaine Vétérinaire n° 1248 du 09/12/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1248 du 09/12/2006

Responsabilité du vétérinaire

Gestion

QUESTIONS/RÉPONSES

Auteur(s) : Céline Peccavy

Lorsqu’un propriétaire confie son chien ou son chat au praticien, il passe avec lui un contrat de dépôt, lequel est régi par le Code civil.

1 LE CONTRAT DE DÉPÔT S’APPLIQUE-T-IL AU VÉTÉRINAIRE ?

La responsabilité des vétérinaires est le plus souvent engagée dans le cadre des soins qu’ils prodiguent. Mais si les obligations du professionnel sont de ce côté-là bien connues, le praticien n’en doit pas moins garder à l’esprit que lorsqu’un animal lui est remis, il endosse également le costume de dépositaire. En effet, le propriétaire, ou la personne qui a la garde de l’animal, qui laisse son chien ou son chat plusieurs heures, voire plusieurs jours à la clinique, entend non seulement que son animal soit soigné, mais aussi qu’il en soit pris le plus grand soin, en dehors des actes médicaux. La remise de l’animal s’inscrit donc totalement dans le cadre d’un contrat de dépôt. Or de ce contrat naissent des obligations contraignantes pour le dépositaire.

2 COMMENT LE CONTRAT EST-IL FORMÉ ?

Le contrat de dépôt, comme tout contrat, ne pourra être valablement formé qu’avec le consentement éclairé des deux parties. Celui du déposant ne pose généralement pas de problème, car la personne qui remet l’animal le fait pour ainsi dire toujours volontairement. En revanche, que dire du chien qui serait déposé devant la clinique avec le petit mot « merci d’en prendre le plus grand soin » ? Il est bien évident que le dépôt ne peut être forcé et, qu’en l’espèce, il n’y aurait pas formation de contrat, en raison de l’absence de consentement du dépositaire. Par conséquent, le vétérinaire serait dégagé de toute obligation.

3 EN QUOI CONSISTE LE PRINCIPE DE RESPONSABILITÉ ?

Le contrat valablement formé, le ton est donné par l’article 1927 du Code civil qui dispose que « le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent ». Il est question, juridiquement, de gestion en bon père de famille, le but étant donc de ne pas faire de distinction entre ses propres biens et ceux qui sont remis.

Cette obligation est renforcée par l’article 1 928 du même Code. Ce dernier précise que le principe énoncé par l’article 1 927 est appliqué avec encore « plus de rigueur » s’il a été stipulé un salaire pour la garde du dépôt. Le temps passé par l’animal au sein de la clinique donne forcément lieu au versement d’une indemnité et place donc le vétérinaire dans le cadre d’une obligation renforcée.

Le vétérinaire est donc tenu de tout mettre en œuvre afin que rien de fâcheux n’arrive à son pensionnaire.

4 QU’EN EST-IL DE LA RESPONSABILITÉ DU VÉTÉRINAIRE EN CAS D’INCIDENT ?

Le dépositaire qui remplit mal sa mission de garde engage sa responsabilité contractuelle. Se pose alors la question classique : obligation de moyen ou obligation de résultat ? La réponse se veut nuancée, car il est plutôt question d’obligation de moyen renforcée. En effet, ce n’est pas au déposant d’établir la faute du dépositaire, mais à ce dernier de s’exonérer en rapportant simplement la preuve de son absence de faute. Il n’est donc nullement besoin de démontrer qu’il s’agissait d’un cas de force majeure. Cela dit, dans ce dernier cas, le vétérinaire ne sera redevable d’aucune indemnité à moins que l’accident ne soit survenu alors que le propriétaire de l’animal lui avait expressément demandé de le lui restituer.

La jurisprudence fait état de cette responsabilité, surtout en matière de chevaux dont la garde est confiée à des pensions. Elle n’en est pas moins transposable, par ses principes, à la profession vétérinaire et son étude est instructive. Ainsi, le13 décembre 1988, la Cour de cassation a rendu un arrêt concernant une jument confiée par son propriétaire à un entraîneur. Au retour de l’entraînement, la jument, rendue inquiète par la présence d’un camion en stationnement à proximité, s’était emballée et blessée mortellement. La Cour a jugé dans cette affaire que le contrat d’entraînement ne comportait qu’une obligation de moyens quant à la sécurité de l’animal. En conséquence, il ne pouvait être question d’engager la responsabilité du gardien. La portée de cette décision hautement favorable au dépositaire a bien vite été atténuée par les arrêts postérieurs. Dès 1990, la Cour de cassation a rendu un arrêt (le 10 janvier) concernant une jument confiée aux fins de saillie. Pendant son séjour, la pouliche avait été victime de blessures compromettant sa future carrière de cheval de course. Le dépositaire avait donc été assigné en justice. La Cour conclut, dans ce dossier, que si le dépositaire « n’était tenu que d’une obligation de moyens, il lui incombait, néanmoins, de prouver que les blessures subies par cet animal au cours de la période pendant laquelle il avait été sous sa garde ne lui étaient pas imputables à faute ». De nombreuses décisions sont venues confirmer cette obligation de démonstration d’absence de faute. Parmi elles, un arrêt du 24 janvier 2006 est intéressant. La responsabilité du dépositaire n’avait pas été engagée dans un premier temps, car il avait produit de nombreuses attestations, ainsi que des articles de presse démontrant qu’il était un professionnel reconnu et jouissant d’une excellente réputation. La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel et rappelé que ces documents étaient impropres à caractériser l’absence de faute.

5 COMMENT S’EXERCE LA RESPONSABILITÉ EN CAS DE FUITE DE L’ANIMAL ?

Au vu des développements qui précèdent, et à moins de démontrer son absence de faute, il est certain que la responsabilité du vétérinaire sera engagée si l’animal qui lui est confié vient à s’échapper. Si, de surcroît, l’animal en fuite vient à causer des dégâts, le vétérinaire sera doublement responsable. Il devra alors indemniser les préjudices subis sur le fondement de l’article 1385 du Code civil à la place du propriétaire. C’est une solution déjà ancienne, puisqu’elle a été posée par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence dans un arrêt du 28 avril 1970.

Questions fréquentes

• Si le propriétaire de l’animal remis n’a pas donné son consentement au dépôt, peut-il être tenu d’indemniser le vétérinaire ?

Non. L’article 1922 du Code Civil précise que le dépôt ne peut être valablement fait que par le propriétaire ou, si ce n’est pas le cas, avec son consentement exprès ou tacite. Dans le cas contraire, le propriétaire ne peut être tenu aux obligations découlant du contrat de dépôt.

• Le vétérinaire peut-il, par contrat, s’exonérer de sa responsabilité ?

Non. Le principe veut que le professionnel ne puisse pas se dégager de sa responsabilité face à un non-professionnel.

• Le vétérinaire qui confie à son tour l’animal à une autre personne se décharge-t-il de sa responsabilité ?

Non. Le sous-dépôt ne crée pas de lien direct entre le déposant et le sous-dépositaire. Le vétérinaire sera responsable, mais pourra se retourner contre la personne à qui il a confié l’animal.

C. P.

CONSEILS PRATIQUES

Droit de rétention. L’article 1948 du Code civil reconnaît expressément au dépositaire le droit de retenir le bien confié tant qu’il ne lui a pas été réglé ce qui lui était dû. Le vétérinaire à qui les honoraires n’ont pas été payés a donc la possibilité de refuser de rendre l’animal qui lui a été remis.

Indemnisation du vétérinaire. Le principe veut que le dépositaire ait le droit d’être indemnisé de toutes pertes que le dépôt peut lui avoir occasionnées. Si l’animal confié a provoqué des dégâts dans la clinique, le vétérinaire est donc en droit d’en demander réparation.

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