Gestion médicale de l’arthrose canine
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Manuel Jiménez Peláez*, Nicolas Yeremian**, Bernard Bouvy***
Fonctions :
*service de chirurgie Centre hospitalier vétérinaire Frégis, Arcueil (Val-de-Marne)
**interne Centre hospitalier vétérinaire Frégis, Arcueil (Val-de-Marne)
***service de chirurgie Centre hospitalier vétérinaire Frégis, Arcueil (Val-de-Marne)
Le but est de soulager la douleur de l’animal et de maintenir le fonctionnement de l’articulation atteinte, ainsi qu’une activité normale.
L’arthrose (ostéoarthrite selon les Anglo-Saxons) se définit comme un « trouble inflammatoire inhérent aux articulations très mobiles caractérisé par une détérioration du cartilage articulaire et par la néoformation d’os sur les surfaces articulaires, ainsi qu’à leurs marges ». Deux composantes concomitantes, inflammatoire et dégénérative, sont observées.
Les changements structuraux incluent l’érosion (éburnation) progressive du cartilage articulaire (voir photo 1), la formation d’ostéophytes (voir photos 2 et 3) et un remodelage de l’os sous-chondral (densification appelée sclérose par les Anglo-Saxons).
Le premier signe clinique rencontré chez le chien arthrosique est la douleur due à la synovite. La raideur lorsque l’animal se relève d’une position de repos et la crépitation des articulations sont aussi des signes communs.
Cette maladie ostéo-articulaire irréversible peut néanmoins être contrôlée par la mise en place d’un programme de prise en charge globale.
Pour mieux gérer l’inflammation et la douleur, un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS, toujours associé à une modulation de l’activité physique) est le traitement de choix. L’efficacité des AINS actuels est réelle et assez peu différente de l’un à l’autre. Le challenge majeur porte sur la sécurité d’emploi, ainsi que sur la tolérance.
Les molécules cox-2 sélectives (carprofène, méloxicam), voire cox-2 exclusives (coxibs vrais dont le firocoxib) sont préférées étant donné les effets indésirables observés lors d’inhibition de la cox-1 (tractus digestif, reins). Dans les essais cliniques menés pendant un mois ou trois mois, le firocoxib, comme d’autres AINS, a ainsi montré une bonne efficacité analgésique et anti-inflammatoire dans le traitement de l’arthrose, avec une réduction des effets indésirables.
Pour la plupart des AINS, la durée de traitement conseillée est de l’ordre d’une semaine. Or l’arthrose est une maladie évolutive. Progressivement, la douleur devient plus fréquente, voire permanente, avec des crises algiques plus marquées. La prise en compte des seuls accès de boiterie pour administrer le traitement anti-inflammatoire pendant quelques jours est souvent insuffisante. C’est pourquoi la prescription d’AINS sur le long terme présente un réel intérêt lorsque la molécule bénéficie d’une bonne tolérance. La suppression de l’inflammation en continu et sur le long terme permet de soulager la douleur chronique et de protéger l’articulation en limitant les phénomènes inflammatoires responsables de la dégradation du cartilage. Un AINS prescrit pendant une période d’un mois à six semaines, renouvelable en périodes de crises arthrosiques, semble être un compromis raisonnable.
L’utilisation des AIS dans le processus arthrosique est controversée, surtout en raison de leurs effets secondaires à long terme. Il convient de veiller à la dose utilisée : à dose forte, les AIS inhibent la synthèse de collagène et de PG. A dose faible, ils seraient chondroprotecteurs, car ils interrompent la dégradation enzymatique du cartilage. Néanmoins, ils possèdent une bonne action inhibitrice anti-cox et anti-lox. Leur usage semble devoir être limité aux poussées aiguës rebelles aux autres traitements, notamment aux AINS, ou aux chiens qui ne tolèrent pas les AINS.
En cas de surpoids, les articulations arthrosiques, soumises à des contraintes plus fortes, supportent une pression accrue. L’inflammation et la douleur sont entretenues.
La “nutrigénomique”, dont font partie les aliments contenant de l’EPA (acide eicosapentaénoïque) et enrichis en acides gras essentiels oméga 3 (ratio oméga 6/oméga 3 diminué), suscite de plus en plus d’intérêt. Ces aliments auraient en effet une action anti-ARN messager codant pour les enzymes responsables de la dégradation du cartilage. Des études récentes montrent une amélioration clinique de la locomotion de l’animal (diminution de la douleur) après plusieurs semaines de régime. Des suppléments nutritionnels (nutraceutiques ou chondroprotecteurs) contenant des éléments constitutifs de la matrice cartilagineuse comme les GAG et l’acide hyaluronique peuvent être administrés en “complément de fond”. L’objectif est le ralentissement de la dégradation du “capital cartilage” et le maintien le plus long possible de l’intégrité articulaire, et non la restauration d’un cartilage lésé. Ces éléments pourraient également améliorer la mobilité articulaire. Leur activité bénéfique au niveau structurel reste cependant à prouver par des études. Il semble toutefois que ces substances ont un intérêt non négligeable dans le traitement à long terme de la douleur arthrosique chez le chien. Le bénéfice de leur utilisation ne peut s’obtenir qu’après plusieurs mois de traitement et plutôt aux stades précoces de l’arthrose (par exemple avec une cure d’un mois renouvelable quatre fois par an).
L’inactivité du chien arthrosique, certainement liée à la douleur, favorise l’aggravation de la maladie. Cette inactivité prédispose à la fonte musculaire et à l’ankylose des articulations, ce qui entraîne une intensification des symptômes. Si toute forme d’exercice est proscrite dans les périodes de douleur suraiguë, l’exercice peut être réintroduit progressivement lorsqu’elles s’achèvent. Il ne doit entraîner ni douleur ni boiterie ni raideur, même dans les heures qui le suivent. La marche en laisse quotidienne (ou au minimum trois fois par semaine) est un excellent exemple d’activité adaptée à l’arthrose.
La rééducation fonctionnelle ou la physiothérapie, qui permet la mobilisation des articulations et la restauration de la force musculaire, peut être particulièrement bénéfique. L’exercice dans l’eau présente l’avantage de limiter la mise en charge des articulations tout en les mobilisant activement. Des ultrasons, de l’électrothérapie, etc., peuvent compléter l’arsenal de la physiothérapie spécialisée.
Plus la prise en charge médicale de l’arthrose est précoce, moins les dégâts liés au processus arthrosique seront avancés. Lors de crise arthrosique, l’administration prolongée d’AINS durant plusieurs semaines a un intérêt réel. Ce type de prescription trouve sa place dans une approche multifactorielle incluant également le contrôle du poids et la mise en œuvre d’une activité physique adaptée.
La bibliographie se rapportant à cet article est disponible sur le site Planete-vet.com (rubrique Bibliographie, taper “SV-1253-34”).
Plusieurs AINS vétérinaires oraux sont recommandés contre la douleur arthrosique chronique pendant de longues durées de traitement, par leur autorisation de mise sur le marché (AMM) ou par leur fabricant (liste non exhaustive).
• AINS préférentiels cox-2 :
- carprofène : Rimadyl® F (Pfizer) et le générique Carprodyl® (Ceva) ;
- méloxicam : Metacam® (Boehringer Ingelheim) et deux génériques approuvés mais non encore commercialisés ;
- védaprofène : Quadrisol® (Intervet).
• AINS sélectif cox-2 (coxib) : firocoxib (Previcox®, Merial).
• AINS dual (anti-cox et anti-lox) : tépoxalin (Zubrin®, Schering-Plough)
M. J. P., N. Y. et B. B.Rimadyl® (à base de carprofène) et Metacam® (à base méloxicam) sont aujourd’hui deux spécialités particulièrement utilisées en France pour les traitements de longue durée des chiens arthrosiques. Il en existe d’autres. Au centre hospitalier vétérinaire Frégis, la spécialité la plus employée est Rimadyl® F, notamment en raison de l’appétence, de l’efficacité et de la tolérance à long terme démontrées dans de nombreux essais cliniques publiés avec ce médicament. Une étude réalisée chez 110 chiens atteints d’arthrose et traités avec du carprofène (Rimadyl®) à la dose de 4 mg/kg/j pendant quatre mois a montré une absence d’influence néfaste sur les paramètres hématologiques et les fonctions hépatique et rénale, ainsi qu’une progressive et substantielle amélioration des signes cliniques de l’arthrose, y compris la douleur. Cela établit sa tolérance à long terme. L’étude expérimentale de J.-P. Pelletier et de son équipe a mis en évidence que l’utilisation de ce médicament pendant deux mois réduirait la progression des premiers changements structuraux lors d’arthrose et permettrait de retarder et/ou de prévenir le métabolisme anormal des ostéoblastes sous-chondraux. Cette utilisation à long terme est donc potentiellement bénéfique pour l’articulation et le ralentissement du processus arthrosique.
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