Pathologie aviaire
Formation continue
FILIÈRES
Auteur(s) : Karim Adjou
La prophylaxie vaccinale est incontournable en raison de la résistance remarquable du virus de l’EMA et de la possibilité de sa transmission aux poussins par l’intermédiaire de l’œuf.
L’encéphalomyélite aviaire (EMA), également appelée epidemic tremors, est une maladie infectieuse, virulente, contagieuse et inoculable qui affecte plusieurs espèces aviaires. Elle est due à un virus spécifique (voir encadré) transmissible par l’œuf.
L’importance de cette virose est double, médicale et économique : la mortalité (surtout des jeunes) et la morbidité sont assez élevées, et l’expression de la maladie chez la poule est associée à une chute de ponte.
Le pouvoir pathogène du virus de l’EMA varie selon le tropisme des souches virales. Toutes les souches sauvages sont considérées comme entérotropes (Calnek, 2003). D’autres souches, notamment celle de Van Roekel (souche de laboratoire), peuvent présenter un tropisme nerveux. Cela n’infirme pas l’existence d’un neurotropisme au sein des souches sauvages. Quant au pouvoir antigénique du virus de l’EMA, il est unique. En effet, quelle que soit la souche virale, l’animal infecté développe des anticorps circulants (neutralisants et précipitants) capables de neutraliser le virus. La réponse immunitaire protège longtemps les volailles infectées contre la maladie (cinq à six semaines). La transmission passive des anticorps vitellins à l’œuf semble protéger efficacement la descendance jusqu’à dix semaines après l’éclosion. Il apparaît que cette immunité est liée à la bourse de Fabricius. En effet, la bursectomie peut entraîner l’apparition de l’affection, contrairement à la thymectomie.
Actuellement, la répartition de l’EMA est mondiale, sans fluctuation saisonnière, étant donné la résistance considérable du virus (Tannock et Shafren, 1994).
Les animaux s’infectent soit à partir de leurs congénères malades, soit à partir des sujets guéris qui peuvent excréter le virus dans leurs fientes pendant plusieurs semaines.
La réceptivité à la maladie est conditionnée par un certain nombre de facteurs, notamment l’espèce, la race, ainsi que l’âge. En effet, l’EMA s’observe naturellement chez la poule, la dinde, la caille, le faisan et la perdrix. L’étude sérologique menée par Cadman et son équipe (1994) montre également la présence d’anticorps contre la maladie chez l’autruche. Quant à l’enquête de Van Steenis (1979), elle n’a révélé aucune trace d’anticorps chez le pigeon qui ne succombe probablement qu’à l’infection expérimentale. Mais, récemment, Toplu et Alcigir (2004) ont diagnostiqué et confirmé la maladie naturelle chez le pigeon en Turquie. Certaines races lourdes de poulet (leghorn) semblent plus résistantes à l’infection. En revanche, d’autres races plus légères (plymouth rock) sont plus sensibles. Enfin, l’âge constitue le facteur dominant de la réceptivité. En effet, la gravité clinique de la maladie est inversement proportionnelle à l’âge des animaux.
La transmission du virus est horizontale et verticale. La transmission horizontale peut être directe ou indirecte, par l’intermédiaire de vecteurs (personnel, matériel d’élevage, aliment, litière, vent). Quant à la transmission verticale, de la poule au poussin par l’intermédiaire de l’œuf, elle constitue la voie la plus importante. En effet, la poule infectée excrète le virus dans le vitellus pendant environ trois semaines. L’embryon est alors infecté de façon massive. Qu’il meure ou qu’il survive, il donnera un poussin cliniquement malade et, surtout, excréteur de virus. Les fèces de ces poussins contaminent alors les autres animaux à l’éclosoir. Chez les animaux sensibles, le virus pénètre principalement par la voie orale. La voie oculaire reste aussi plausible.
La période d’incubation de la maladie est d’un à sept jours chez le poussin infecté in ovo et d’onze à treize jours chez les sujets infectés par contact ou inoculés par voie orale. Les manifestations cliniques de la maladie sont plus marquées chez des oiseaux âgés d’une à deux semaines.
Les animaux infectés in ovo ou après l’éclosion au couvoir présentent une mortalité subite avec parfois de la diarrhée. La forme classique de la maladie se caractérise par l’apparition de troubles nerveux sous forme de parésie et d’ataxie progressive en raison de l’incoordination musculaire qui peut être extériorisée en “exerçant” les poussins. Ces derniers prennent une posture assez caractéristique en se maintenant assis sur les tarses. Dans les formes graves, les animaux se paralysent et chutent latéralement (voir photo). Des tremblements de la tête et du cou peuvent être observés, de fréquence et d’amplitude variables. La perturbation des volailles et leur excitation peuvent provoquer ces tremblements qui sont généralement tardifs et non perceptibles, d’où l’intérêt de maintenir un poussin dans la paume de la main afin de les mettre en évidence (Calnek, 2003).
Ce tableau clinique évolue pendant trois jours et débouche sur la mort à la suite de la prostration ou vers la guérison. Dans ce dernier cas, les animaux présentent des séquelles d’iridocyclite et de cataracte.
Chez l’animal plus âgé, une résistance à l’expression clinique de l’EMA semble exister après l’âge de deux ou trois semaines. En effet, chez les oiseaux matures, l’infection est inapparente et seule une chute temporaire et modérée de la production des poules pondeuses est notée. La modification du tracé de ponte se traduit par un écrêtage de la courbe, dessinant un “V” caractéristique touchant 5 à 10 % de la production étalé sur deux à quatre semaines avant que la production retrouve son niveau normal. Chez les reproducteurs, une baisse de la fertilité et de l’éclosabilité constitue un signe d’alerte de la présence de la maladie au sein de l’élevage.
La mortalité, surtout chez les jeunes, oscille entre 25 et 50 %, alors que la morbidité varie généralement entre 40 et 60 %. Ces taux diminuent considérablement si les animaux sont issus de parents immunisés.
Les principales lésions provoquées par le virus de l’EMA sont résumées dans le tableau 1.
Le diagnostic clinique de la maladie se révèle assez facile si les tremblements sont nets. Il convient de ne pas confondre l’EMA avec de nombreuses affections qui s’accompagnent d’une symptomatologie nerveuse et avec les causes de chute de ponte (voir tableau 2).
La confirmation de la maladie se fonde sur les examens de laboratoire qui reposent sur des examens histologiques et/ou sur la mise en évidence du virus ou des anticorps sériques ou vitellins qu’il produit(1).
En l’absence de traitement efficace, le contrôle de l’EMA repose principalement sur la prophylaxie vaccinale. En effet, la résistance remarquable du virus dans l’environnement de l’élevage limite l’intérêt de la prophylaxie sanitaire. L’immunisation des troupeaux reproducteurs au moins quatre semaines avant l’entrée en ponte permet d’éviter la transmission verticale du virus vaccinal. Cela favorise le passage d’une immunité passive capable de protéger les oiseaux pendant les deux à trois premières semaines de vie, critiques. Cette vaccination peut aussi être adaptée aux élevages des poules pondeuses d’œufs de consommation afin de prévenir la chute temporaire de la production.
Les vaccins utilisés sont de deux types : vivants atténués (souches 1143, C2653) et inactivés (souche Van Roekel). L’administration des vaccins à virus vivants atténués, dans l’eau de boisson, est recommandée pour les élevages en sol avant l’entrée en production (douze à seize semaines). La vaccination de 1 à 4 % du troupeau permet d’assurer l’immunisation du reste des animaux à la suite de l’excrétion de la souche vaccinale (entérotrope) dans le milieu d’élevage (vaccination entéro-orale). La réponse immunitaire, qui s’installe au bout de trois semaines, est durable. Dans leur étude sur la réponse postvaccinale obtenue par différentes méthodes de vaccination contre l’EMA, Shafren et son équipe (1992) signalent que l’instillation oculaire de 10 % du troupeau donne de meilleurs résultats que la vaccination dans l’eau de boisson de tous les animaux.
Quant aux vaccins inactivés, ils sont disponibles uniquement pour l’immunisation des reproducteurs déjà en ponte. Administrés par la voie parentérale, ce type de vaccins garantit une protection de six à douze mois, ce qui signifie qu’une seule administration est généralement suffisante avec des rappels annuels.
(1) Un tableau disponible sur Planete-vet.com résume le diagnostic de laboratoire de l’EMA (rubrique Bibliographie, taper SV-1254-32). La bibliographie de cet article figure sur le site Planete-vet.com (rubrique Bibliographie, taper SV-1254-32).
Le virus de l’encéphalomyélite aviaire (EMA) appartient actuellement à la famille des Picornaviridae (Todd et coll., 1999).
Il est référencé dans le genre Enterovirus. Le virus de l’EMA est un virus à ARN simple brin de polarité positive, caractérisé par sa faible taille (20 à 30 nm) et par l’absence d’une enveloppe, ce qui fait de lui un agent particulièrement résistant dans le milieu extérieur. Il supporte particulièrement le froid (un an à - 20 °C) et sa thermostabilité s’amplifie en présence des cations bivalents, notamment des ions Mg++ (1 h à 56 °C).
Il résiste aussi en milieu acide. Cependant, il se révèle sensible à l’action des désinfectants usuels (formol, chlore).
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