Pour sauver les hommes, sauvez les singes

Qui remplit une salle de deux mille personnes, plus une deuxième avec vidéo transmission ? Un homme ou une femme politique en campagne ? Devant quelle star des fans s'effondrent-ils en larme tout en brandissant leur mascotte (dans le cas présent, un petit singe en peluche dévorant une banane) ? Un chanteur à la mode ? Vous n'y êtes pas. Il s'agit d'une vieille dame aux cheveux grisonnants, dont les yeux reflètent un caractère tenace à la hauteur du défi qu'elle s'est fixée : sauver la planète, à commencer par ses animaux préférés, les singes. Une femme pas comme les autres, la primatologue Jane Goodall, dont les travaux en éthologie font autorité.

« Chacun de nous compte, chacun de nous a un rôle à jouer pour changer le destin des grands singes et de l'humanité », a martelé Jane Goodall, en visite à Paris pour une conférence à la Cité des sciences, le 20 février dernier (le lendemain, elle recevait la Médaille de la ville de Paris). La situation est urgente. Tous les grands singes (chimpanzés, bonobos, gorilles, orangs-outans) sont actuellement menacés de disparition à plus ou moins court terme, victimes d'épizooties, de braconnage (en particulier pour leur viande), de la déforestation et des conflits armés. Les chimpanzés sont passés d'une population estimée d'un million en 1960 à environ cent mille aujourd'hui. Il ne reste plus que dix à vingt mille bonobos. Quant aux orangs-outans, ils auront sans doute disparu d'ici à 2015.

Protéger les grands singes dans un contexte économique et humain

Face à cette situation, ce “messager de la paix” des Nations unies a créé sa fondation dès 1977, l'Institut Jane Goodall (IJG), qui vise à la fois à protéger les singes et à alerter l'opinion publique. Dès 1980, la primatologue a mis en place en Afrique des sanctuaires pour répondre aux problèmes des chimpanzés orphelins, qu'il est toujours possible de “parrainer”. Via le programme Roots and Shoots (des racines et des pousses), l'IJG sensibilise la jeunesse et l'incite à participer à des activités pratiques pour la protection de l'environnement, des animaux, mais aussi des communautés locales. Il est maintenant développé jusque dans les universités et des participants interviennent dans les prisons, les grandes sociétés ou encore les camps de réfugiés. En effet, l'une des particularités des actions menées par Jane Goodall est de replacer la protection des grands singes dans son contexte économique et humain. Ainsi, le programme Tacare met l'accent sur le développement socio-économique et permet une formation en gestion durable des ressources naturelles. Il inclut aussi des actions dans les domaines de l'agriculture extensive, la gestion des forêts, les micro-entreprises, la microfinance, la santé (notamment pour la lutte contre le Sida), le planning familial et l'éducation. De même, l'IJG a développé un programme à long terme intitulé Conservation centrée sur les communautés (CCC) qui implique les communautés locales dans la protection de la réserve et des ressources naturelles, tout en stimulant leur propre développement économique et social.

Et Jane Goodall continue d'insister : « Il est urgent d'agir ! Si la biodiversité africaine continue à se détériorer, le continent africain tout entier sombrera dans le gouffre, entraînant des conséquences dramatiques pour ses populations et ses millions d'enfants. Et ne croyons pas que le reste du monde sera épargné ! Se battre pour les grands singes, c'est se battre pour l'avenir de l'humanité ! »

• Pour en savoir plus, voir le site de l'Institut Jane Goodall France (www.janegoodall.fr)