Entre nous
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Le clonage me fait immédiatement penser à des fictions comme Bienvenue à Gattaca ou The Island, qui illustrent des dérives désastreuses. La science est douée d'un élan autonome qui permet, certes, un progrès incessant. Le clonage ouvre ainsi des perspectives séduisantes, pour les greffes par exemple. Je reconnais en outre l'avantage du matériel cloné dans le cadre des études pharmacocinétiques. Je me souviens notamment, lorsque j'étais à l'école vétérinaire, de veaux issus de bissection embryonnaire, donc génétiquement identiques, qui recevaient le médicament ou le placebo. Le rêve !
La question n'est donc pas d'accepter ou de refuser le clonage, car la recherche avancera inéluctablement. Mes interrogations sont d'un autre ordre. Ainsi, qui peut être le garant des limites à ne pas franchir ? A quels hommes peut-on confier la responsabilité de déterminer les règles éthiques et leur application ? Aujourd'hui, ma crainte va plutôt grandissant, car la pression exercée par les intérêts financiers est énorme. La recherche privée a pris l'ascendant sur celle animée par des scientifiques “philosophes”. Comment résister ? Ne manquons-nous pas aujourd'hui de patience, en avançant rapidement sans prendre le temps de mesurer les conséquences néfastes que nos essais pourraient occasioner à moyen, voire à long terme ?
Par le clonage, l'homme essaie sans doute d'échapper à sa condition de mortel. Faust, où es-tu ? Si l'intérêt du clonage est de remplacer son vieux chien par un clone à 1 500 $ (www.viagen.com/en/our-services/preserving-your-pets), sans arthrose ni insuffisance cardiaque, je dis non… Par ailleurs, peut-on accepter de créer une réserve de “pièces de rechange” ? En tout cas, Kox, mon border collie, ne sera pas cloné.
Je considère comme loufoque la simple idée de vouloir cloner son animal de compagnie. J'estime qu'un écart considérable existe entre ce que la personne en attend et la réalité du résultat. En effet, le rôle de l'acquis dans la construction de l'individu est indéniable. Un chien cloné, par exemple, ne pourra jamais être élevé dans des conditions identiques à l'original. L'étape de socialisation, avec la mère et le reste de la portée, tout comme l'éducation par le propriétaire, ne peuvent être reproduites. Au final, le maître sera déçu. Ce type de clonage présente aussi une dérive sur le plan psychologique. L'importance des étapes du deuil à franchir par le propriétaire lors du décès de son animal est aujourd'hui connue. Je ne suis pas certain que la possibilité de le cloner lui apporte une aide. En outre, existe-t-il un animal (même un homme !) qui soit si extraordinaire qu'il mérite d'être doublé ? Techniquement, le clonage par transfert nucléaire n'est pas encore une réussite totale. Les clones présentent des troubles spécifiques, une faible longévité. Travailler à partir du seul matériel génétique nucléaire semble insuffisant. Des progrès restent à faire pour mimer le rôle des autres composants de la cellule, les mitochondries notamment. Le clonage autorise de grands espoirs dans le domaine médical. Il est déjà mis à profit en productions animales et les Etats-Unis sont en passe d'autoriser la consommation de viande et de lait d'animaux issus de clonage. L'intérêt est évident pour la sélection génétique, mais il faudra veiller à conserver une certaine diversité. A l'inverse, le clonage est particulièrement intéressant pour aider à la sauvegarde des espèces menacées.
Je distingue trois finalités au clonage. Je ne suis guère favorable à celui que je qualifie “d'alimentaire”, c'est-à-dire destiné à produire des denrées animales. En effet, je pense que l'humanité n'a pas besoin de cela pour réussir à se nourrir. Je crains également d'éventuelles conséquences insoupçonnées liées à la consommation des produits issus de cette technologie. J'émets la même réserve pour les aliments qui contiennent des organismes génétiquement modifiés (OGM). Une chose est certaine, je ne ferai pas manger de viande clonée à mes enfants.
Le clonage “thérapeutique”, pour sa part, est bien entendu une avancée positive. Je redoute néanmoins les dérives qui pourraient découler de la maîtrise des techniques. Ainsi, dans le domaine vétérinaire, il est possible d'imaginer des propriétaires qui souhaiteraient créer un “minet bis” lorsque leur chat vieillit, par exemple pour lui faire greffer un nouveau rein prélevé sur le clone en cas d'insuffisance rénale…
Le dernier type de clonage est celui qui vise à remplacer à l'identique un animal décédé. Certains de mes clients l'ont déjà évoqué, plutôt sur le ton de l'humour. Mais si cette possibilité était à la portée de tous, je pense que 10 à 20 % des propriétaires l'envisageraient sérieusement. Je ne peux pas encourager une telle option, en raison du risque accentué de provoquer un syndrome de l'animal de remplacement. Mais pour l'animal, contrairement à l'homme, il n'y a pas de principe moral, éthique ou religieux qui justifierait de l'interdire. Parfois, les motivations des propriétaires nous échappent. Certains sont prêts à aller jusqu'à ce que nous considérons comme de l'acharnement thérapeutique, pour des raisons qui sont tout à fait recevables. Qui sommes-nous pour nous permettre de juger ?
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