Le kouprey, bœuf sauvage et animal national du Cambodge, serait un croisement de banteng et de zébu

Le kouprey (Bos sauveli), désigné comme « animal national du Cambodge » par le prince Sihanouk en 1960, voit son statut vaciller. Car si elle est confirmée, l’annonce que cette espèce sauvage serait en fait un hybride remettrait en question sa place dans le monde de la conservation. Classé « en danger critique d’extinction » par l’Union mondiale pour la nature (UICN), il a été largement décimé par les guerres qui ont agité la péninsule indochinoise durant les dernières décennies et par la chasse alimentaire et commerciale (pour ses cornes et son crâne) dont il a fait l’objet.

La paternité du banteng est largement confirmée

En tant que grand bovidé, le kouprey est pourtant l’une des découvertes zoologiques majeures du XX^e siècle. Pressenti en 1918, son statut spécifique est reconnu en 1937. Il peuple alors le nord et l’est du Cambodge. Mais dès 1939, ce statut commence à être remis en question, hypothèses d’hybridation à l’appui. En 1961, il est établi que la morphologie du kouprey est intermédiaire entre celle du banteng (Bos javanicus), un autre bovidé sauvage, et celle du zébu domestique (Bos indicus). Une équipe américano-cambodgienne vient de renforcer la suggestion de l’hybridation, grâce à des études génétiques sur l’ADN mitochondrial⁽¹⁾. Les séquences du cytochrome b mitochondrial ont été comparées entre plusieurs bovidés (banteng, kouprey, gaur, yack, zébu et bœuf). Les résultats montrent que l’holotype et l’haplotype du banteng sont les plus proches de celui du kouprey. Selon les auteurs, le kouprey combine une partie de l’ADN mitochondrial du banteng avec certains aspects de la morphologie de celui-ci. Il serait issu de bantengs domestiqués, avec une parenté complémentaire, celle du zébu. Il serait ensuite devenu sauvage. De fait, les bantengs domestiqués sont fréquents en Asie du Sud-Est, ainsi que les hybrides banteng/zébu et zébu/bœuf. Mais une question reste non résolue : si le kouprey possède également des traits morphologiques du zébu, les auteurs n’ont pas confirmé sa proximité génétique avec lui… En tout cas, pour la filiation avec le banteng, ils reconnaissent que des études complémentaires, fondées sur des prélèvements d’ADN de bantengs vivant dans l’aire de répartition historique du kouprey, seront nécessaires pour tester pleinement leur hypothèse.

• (1) G. J. Galbreath, J. C. Mordacq et F. H. Weiler, « Genetically solving a zoological mystery : was the kouprey (Bos sauveli) a feral hybrid ? », Journal of Zoology, 2006, vol. 270, n° 4.