Gérard Larcher (L 73), Matthieu Broussois (A 04) et François Patriat (A 68)
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Auteur(s) : Marine Neveux
Gérard Larcher, ministre délégué à l’Emploi, au Travail et à l’Insertion professionnelle des jeunes (UMP), Matthieu Broussois, vice-président des Jeunes UDF, et François Patriat, ancien ministre et président de la région Bourgogne (PS), s’expriment sur les enjeux de demain pour la profession vétérinaire. Comment garantir le maillage sanitaire, lutter contre la concurrence illégale ou assurer la continuité de soins ? Chacun livre ses réponses selon sa vision de la profession et de la politique.
Gérard Larcher : La profession de vétérinaire reste pour moi l’un des plus beaux métiers. Elle s’appuie sur des valeurs que le serment de Bourgelat résume bien. Cet héritage reçu du règlement des écoles de Lyon et d’Alfort conserve son actualité, notre profession a su s’adapter au monde moderne. Les vétérinaires sont aujourd’hui des acteurs économiques en productions animales et en denrées d’origine animale, des acteurs de santé publique. Ils contribuent à la cohésion sociale, notamment au travers du rôle et de la place des animaux de compagnie.
Les excellents résultats sanitaires obtenus ces dernières années au sein des élevages français sont, pour une bonne partie, dus à l’action des confrères dans leur rôle de vétérinaires sanitaires, au quotidien comme en temps de crise.
Le système français d’épidémiosurveillance a prouvé son efficacité. Parmi les forces de notre profession, je pense qu’il faut en souligner trois essentielles. D’une part, elle constitue un maillage réactif et indispensable en cas d’épizootie. D’autre part, son niveau de formation initiale et continue est en adéquation avec les exigences d’actualisation des connaissances scientifiques que nous impose la gestion des maladies animales. Enfin, ses relations avec l’Etat, autour du mandat sanitaire, sont uniques et primordiales pour le maintien d’un haut niveau de protection de la santé publique.
Si les prophylaxies obligatoires ont diminué, l’Etat a toujours des missions à conduire dans les élevages. L’évolution récente de la législation européenne sur la sécurité sanitaire s’appuie sur une démarche intégrée, de l’amont à l’aval des filières, pour la maîtrise des risques sanitaires. Le “paquet hygiène” appellera à développer de nouvelles formes d’actions pour le vétérinaire en tant qu’auditeur sanitaire des élevages, clé de voûte d’une meilleure prévention et d’une meilleure maîtrise des risques sanitaires, non seulement vis-à-vis des animaux, mais aussi de leurs productions. Les missions qui relèvent du mandat sanitaire sont d’ores et déjà en cours d’évolution, les récentes crises nous l’ont montré, la santé animale est un domaine en constant changement. Il me semble donc primordial de mettre l’accent sur la formation continue. Jusqu’à ce jour, plus de deux mille huit cents vétérinaires sanitaires ont bénéficié d’une formation continue et rémunérée. Ces formations, qui concernaient la fièvre catarrhale ovine et l’influenza aviaire, avaient été mises en place à titre expérimental en 2006.
Matthieu Broussois : La profession vétérinaire a su brillamment s’adapter aux évolutions de la société. La diversité de ses débouchés (laboratoires, DSV, recherche, libéraux, spécialisation en cours, etc.) a permis aux vétérinaires de rester les référents incontestables en matière de sécurité sanitaire et de bien-être animal. Nous aurons désormais à conserver notre maillage territorial, notamment dans les zones rurales, à nous assurer du développement de nouvelles technologies (médicaments, examens complémentaires, etc.) afin de répondre aux exigences de plus en plus poussées de nos clients et à concrétiser nos spécialisations. Nous pourrons alors rendre aux vétérinaires français l’aura qui leur est due sur le plan international.
François Patriat : J’ai la vision, très positive, d’une profession dynamique et aujourd’hui en pleine évolution. Comparée à la profession médicale, la profession vétérinaire est relativement “jeune”. Née avec la maréchalerie, elle a dû et su évoluer en un siècle, s’adapter à la diversification des espèces animales et des pratiques d’élevage : chevaux, puis ruminants, puis animaux de compagnie. Elle a su intégrer parallèlement les préoccupations croissantes en matière d’alimentation et d’environnement. Indéniablement, elle a fait la preuve de son adaptabilité, de sa polyvalence, de sa curiosité. Les vétérinaires ont toujours eu à cœur de s’informer et de se former.
Si nous devions reconnaître quelques défauts aux confrères vétérinaires, c’est sûrement leur individualisme, qui peut rendre la mise en place d’actions collectives difficile, ainsi peut-être que le penchant pour un discours parfois anormalement pessimiste.
Mais, là encore, les choses évoluent dans le bon sens, si nous en croyons la mobilisation massive de la profession à l’occasion des récentes crises sanitaires et la dynamique de regroupement des vétérinaires au sein de structures de plus en plus importantes.
Gérard Larcher : Face à la nécessité de maintenir un nombre suffisant de vétérinaires exerçant en zones rurales, des dispositifs particuliers ont été mis en place par le gouvernement. Ainsi, certains vétérinaires investis du mandat sanitaire peuvent être exonérés de taxe professionnelle. La loi n° 2005-157 du 23 février 2005, relative au développement des territoires ruraux, donne la possibilité aux collectivités territoriales ou à leurs établissements publics de coopération intercommunale dotés d’une fiscalité propre d’exonérer de la taxe professionnelle les vétérinaires investis du mandat sanitaire, sous certaines conditions.
Dans le cas particulier de la lutte contre l’influenza aviaire, les dispositions financières de rémunération des vétérinaires sanitaires sont en cours de révision afin que l’Etat prenne en charge les visites de suspicion et complète le montant des honoraires pour les enquêtes épidémiologiques conduites dans les élevages infectés.
L’instauration de la visite sanitaire annuelle obligatoire des élevages bovins, prise en charge par l’Etat, témoigne aussi de l’évolution du mandat sanitaire et n’est qu’une étape. La réflexion sur une visite annuelle dans les élevages d’autres productions est à l’étude.
Matthieu Broussois : Si nous souhaitons que les vétérinaires restent “LES” professionnels de la sécurité sanitaire, nous devons en effet conserver une présence importante de confrères formés sur tout le territoire. La récente obligation de formation continue pour conserver l’octroi du mandat sanitaire semble à cette fin une bonne initiative, même si beaucoup la vivent aujourd’hui comme une contrainte. Afin d’inciter nos futurs confrères à s’installer en milieu rural, une meilleure information sur les différents débouchés de notre profession semble indispensable. Peu d’étudiants connaissent réellement le manque de vétérinaires ruraux, quand beaucoup de jeunes diplômés ont du mal à trouver un remplacement en clientèle canine. Si cela ne suffit pas, nous devrons peut-être, à l’instar des médecins, mettre en place un système de bourse pour les étudiants qui s’engagent à exercer en zone rurale pendant les années qui suivent leur sortie de l’école.
François Patriat : L’efficacité du réseau sanitaire français a été démontrée à plusieurs reprises : la grippe aviaire, mais aussi la fièvre aphteuse, la peste porcine dans l’Est, la fièvre catarrhale, etc. L’organisation de ce réseau, fondée sur le trépied “Etat, profession vétérinaire, organismes à vocation sanitaire”, ne doit pas être remise en cause, mais des actions doivent être conduites pour garantir la pérennité du dispositif.
Parmi ces actions, celles liées à la formation initiale sont dignes d’intérêt : ouverture du concours général d’accès aux écoles vétérinaires, renforcement de la formation initiale en pathologie bovine, création des GTV Junior dans les écoles vétérinaires, etc.
Les actions engagées depuis deux ans, avec la mise en place de la visite sanitaire annuelle et la création de la base de données nationale Sigal, sont à renforcer dans les meilleurs délais. Elles seules permettront de faire passer le confrère du rôle de vétérinaire “pompier” au rôle de vétérinaire “conseil” et de conforter ainsi son activité au service de l’élevage. A ce titre, il conviendrait de renforcer la formation continue des vétérinaires et de rémunérer ces missions de conseil à leur juste valeur.
S’agissant des zones à très faible densité d’élevage, la situation restera malgré tout critique. Les dispositions prévues par la loi sur les territoires ruraux ne sont pas significatives ; des mesures plus incitatives devront être envisagées pour favoriser l’installation des confrères.
Enfin, il convient que, parallèlement à toutes ces mesures, les éleveurs évoluent vers la prise de conscience de l’importance de l’activité de conseil et d’expertise, que seul un vétérinaire est apte à exercer efficacement.
Gérard Larcher : Les conditions de prescription et de délivrance des médicaments vétérinaires vont prochainement être revues par l’adoption d’un nouveau dispositif réglementaire. Un certain nombre de réponses aux attentes des vétérinaires sur l’évolution de la prescription et de la délivrance seront donc apportées. De l’obligation de faire un examen clinique systématique de l’animal pour pouvoir prescrire, nous allons passer à une surveillance sanitaire de l’élevage. Ceci doit contribuer au renforcement de la présence du vétérinaire dans les exploitations.
Enfin, vous me signalez la récente décision du Conseil d’Etat concernant la délivrance des médicaments vétérinaires par les groupements agréés. Il me semble que, par delà les ajustements nécessaires dans le fonctionnement des groupements à la suite de cette décision, il est indispensable que les deux régimes d’exercice du vétérinaire (salarié ou libéral) puissent coexister et coopérer. De plus, chacun s’accorde à dire que l’acte de prescription doit être mieux valorisé. La valorisation de l’acte vétérinaire est donc l’un des enjeux majeurs que la profession devra relever dans les prochaines années.
Matthieu Broussois : Le premier objectif doit être le respect actuel de la loi. Le praticien doit demeurer la clé de voûte de la prescription et de la délivrance du médicament vétérinaire. Nous devons utiliser le rôle indispensable des confrères pour la sécurité sanitaire et dans la gestion des crises pour inciter les pouvoirs publics à prendre des sanctions lourdes à l’encontre des contrevenants.
De plus, le respect de la loi, notamment en ce qui concerne la prescription “en cascade”, est impératif. Il permet en effet d’assurer aux laboratoires vétérinaires la délivrance des médicaments qui ont nécessité plusieurs années de recherche, des investissements lourds et qui nous permettent de répondre aux attentes des clients.
François Patriat : Le sujet n’est pas nouveau : la loi sur la pharmacie vétérinaire date de 1975 ! L’arrêt Riaucourt est une occasion à saisir pour redonner définitivement au vétérinaire sa légitimité dans la prescription et la délivrance du médicament.
Deux actions restent à enclencher sans délai : l’élaboration du décret d’application de la loi de 1989 sur l’exercice illégal et la mise en place d’un contrôle effectif des services de l’Etat.
Je crois que la profession vétérinaire est prête à réfléchir à la liste des actes qui pourraient être délégués, sous contrôle vétérinaire, aux professionnels agricoles.
S’agissant de la pharmacie vétérinaire, je suis certain que les confrères ont pleinement pris conscience de l’importance du sujet en matière de santé et de sécurité. C’est pour eux l’opportunité de mieux accompagner les éleveurs dans une démarche raisonnée et préventive, en lien avec des actions de conseil ; c’est aussi la chance qui leur est offerte de regagner des parts de marché dans un contexte où, nous devons bien le reconnaître, la profession vétérinaire est loin d’être la mieux rémunérée des professions médicales. Bien respectée, cette disposition est un outil supplémentaire favorable au maintien des vétérinaires en zone rurale et donc à celui d’un maillage du territoire.
Gérard Larcher : Le cadre de référence de notre profession a évolué ces dernières années. Il n’est plus seulement celui de l’exercice d’une profession libérale, le salariat s’est développé. Nous sommes entrés dans le champ plus global des relations du travail et des règles, souvent complexes, qui les régissent. Cette complexité fait peser des contraintes sur les petites structures. Je crois fondamentalement que le droit du travail, pour être bien appliqué, doit être compris de tous. C’est la raison pour laquelle nous avons entrepris une recodification du Code du travail en vue de le rendre plus lisible.
Au travers du développement de la négociation collective entre représentants des employeurs et des salariés, la profession a la possibilité de négocier un cadre professionnel qui intègre les spécificités propres à chaque branche professionnelle.
Selon moi, le vétérinaire a un rôle majeur à jouer dans la filière “production et denrées d’origine animale” comme acteur de santé publique.
N’oublions pas que notre pays est le deuxième exportateur agricole au monde et le premier en matière agro-alimentaire.
Ceci est à prendre en compte pour la profession vétérinaire dans les réflexions en matière de recrutement, de recherche d’enseignement, et de formation tout au long de la vie.
Matthieu Broussois : La récente introduction du statut de collaborateur libéral est un outil fiscal intéressant pour permettre aux structures vétérinaires d’assurer la continuité des soins. La tendance au regroupement des vétérinaires dans des structures de taille importante leur permet aussi de conserver une vie personnelle. Je suis cependant parfois effaré de constater le petit nombre de villes dans lesquelles une entente cordiale entre les confrères permet d’organiser un système de garde collectif.
Enfin, les dérogations au Code du travail sont une piste à explorer. La difficulté sera de distinguer les vétérinaires qui participent réellement à une mission de service public des structures qui assurent des gardes pour apporter un service supplémentaire à leurs clients.
François Patriat : Aujourd’hui, un tiers des vétérinaires sont salariés. Cette augmentation n’est pas surprenante : pourquoi les vétérinaires seraient-ils à l’écart du phénomène sociétal lié à la réduction du temps de travail ?
Quoi qu’il en soit, la continuité des soins répond à une exigence des usagers à laquelle il n’est pas envisageable de déroger. Les solutions au problème sont multiples. L’amélioration des conditions de travail au travers de la mise en place rapide des outils ci-dessus évoqués doit redonner sa place au vétérinaire libéral. La restructuration engagée par la profession sous la forme de cabinets de plus en plus importants doit permettre l’organisation des gardes sans conséquence sur la qualité de vie. Enfin, il appartient à l’Etat, pour satisfaire ses besoins en matière de sécurité sanitaire et, dans des zones de faible densité d’élevage, de trouver la solution, certainement financière, de prise en charge des gardes et des déplacements professionnels. Des actions ont été engagées pour les médecins ruraux. Pourquoi pas pour les vétérinaires, là où la nécessité est évidente ?
Le profil libéral du vétérinaire n’est pas en danger. Les confrères ont actuellement des opportunités à saisir pour valoriser une profession qui fait tous les jours la preuve de sa valeur.
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