Le réchauffement influe sur la physiologie ou le cycle biologique de certaines espèces

La recherche agronomique n’a jamais été aussi passionnante, estime Marion Guilloux. Dans le contexte du changement climatique, elle est au cœur de sa vocation. » La présidente-directrice générale de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) s’est exprimée en conclusion du colloque « changements climatiques et agriculture », organisé par l’Inra dans le cadre du Salon de l’agriculture, le 6 mars dernier à Paris. « La composante “réchauffement” du changement climatique, avéré depuis la fin du siècle dernier, a déjà des conséquences visibles en agriculture », a expliqué Nadine Brisson, directrice de l’unité agroclim (Inra Avignon). Il s’agit principalement du décalage des cycles biologiques (de l’ordre de dix à quinze jours en vingt ans), qui se traduit par des semis de cultures d’été ou des floraisons d’arbres fruitiers plus précoces, ainsi que des moissons et des vendanges avancées. Pour les mêmes raisons, quelques plantes qui avaient atteint leur limite géographique d’extension voient leur aire de culture s’étendre en latitude et en altitude, par exemple le maïs grain. Selon Bernard Seguin, chercheur à l’Inra d’Avignon, il est légitime d’envisager l’éventualité d’un recul des frontières nord d’aptitude de certaines cultures (maïs grain et vigne), d’une remontée (vers le nord ou en altitude) du tournesol ou du sorgho, ainsi que l’introduction de nouvelles cultures (réservées auparavant aux pays chauds) au Sud.

Les forêts françaises sont, bien entendu, également exposées au changement climatique. « Le CO₂ et la température hivernale vont évoluer dans un sens plutôt favorable aux écosystèmes forestiers », selon Denis Loustau, chercheur à l’unité “Ephyse” (Inra Bordeaux). Après des effets plutôt positifs dans les deux ou trois prochaines décennies, le changement climatique, à partir du milieu du siècle, devrait conduire à une réduction des potentialités forestières en France, notamment dans les plaines du centre, de l’ouest et du sud du pays.

Il n’existe aucun moyen de contourner l’échange « eau contre carbone »

Comment adapter les génotypes des cultures agricoles aux changements climatiques ? Le processus le plus complexe à résoudre est la tolérance à la sécheresse, selon François Tardieu, chercheur à l’Inra de Montpellier. « Il s’agit non d’une tolérance, comme dans le cas des températures élevées, mais d’une optimisation des échanges entre la transpiration et l’accumulation de biomasse dans la plante. Toute production de biomasse nécessite en effet une consommation élevée d’eau qui permet la photosynthèse. Il n’existe aucun moyen de contourner cet échange “eau contre carbone”. » Les recherches actuelles s’orientent principalement vers le maintien de la croissance en déficit hydrique, en favorisant le développement des plantes malgré des conditions défavorables. « Nous pouvons prévoir que les plantes de demain toléreront mieux des sécheresses modérées, mais nous n’obtiendrons jamais des plantes capables de produire des rendements élevés en conditions semi-désertiques. »