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Auteur(s) : Nathalie Devos
Le réchauffement planétaire n’est plus, aujourd’hui, remis en doute. Echaudées par la canicule de 2003, les autorités sanitaires françaises ont, à différents degrés, commencé à prendre des mesures. Côté santé animale, les experts de l’Afssa estiment que six maladies (dont quatre susceptibles d’affecter l’homme) devraient faire l’objet d’une surveillance particulière. Ils insistent en outre sur « l’éducation sanitaire » nécessaire des médias et du grand public.
A l’été 2003, près de soixante-dix mille personnes décèdent en Europe des suites d’une hyperthermie, d’une déshydratation aiguë ou encore de problèmes cardiaques et respiratoires. La prise de conscience collective du réchauffement climatique s’accentue après la canicule estivale de cette année-là, dont la surmortalité consécutive est estimée à environ quinze mille décès en France. Bien qu’encore frileuses, des mesures de protection sanitaire des personnes vulnérables commencent à voir le jour.
A la suite de cette canicule, la Direction générale de l’alimentation (DGAL) interroge l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa)(1) sur l’impact d’un éventuel réchauffement climatique sur les maladies animales. Un groupe de travail est alors chargé d’identifier les différentes affections (notamment vectorielles) et les zoonoses susceptibles d’apparaître à la faveur d’un changement du climat, ou celles dont l’incidence pourrait évoluer sur le territoire national. Il est ensuite chargé d’évaluer le risque d’apparition de ces maladies et de les hiérarchiser selon leur degré de probabilité d’occurrence.
L’analyse des maladies “candidates” est conduite en tenant compte de la nature de l’agent pathogène (et notamment sa résistance et/ou sa pérennisation dans le milieu extérieur), de son mode de transmission et de ses réservoirs (vecteurs ou hôtes intermédiaires). Le processus d’évaluation conduit par le groupe de travail permet ainsi d’identifier six maladies animales, parmi celles retenues dans l’étude (voir tableau en page 40), dont la surveillance est qualifiée de prioritaire. Ces dernières, dont quatre peuvent affecter l’homme(2), sont pour la plupart transmises par des vecteurs, insectes ou tiques. Il s’agit de quatre arboviroses, c’est-à-dire des maladies virales transmises par des arthropodes vecteurs (la fièvre de West Nile, la fièvre catarrhale ovine, la fièvre de la vallée du Rift, la peste équine), d’une protozoonose à vecteur (la leishmaniose viscérale) et d’une maladie bactérienne (la leptospirose).
Les experts de l’Afssa, à la suite de cette évaluation, ont formulé des recommandations générales. Il convient, selon eux, d’anticiper une modification de l’incidence ou de la répartition géographique des maladies animales sensibles aux changements climatiques. Cela concerne en particulier le développement de la veille sanitaire dans les zones indemnes, pour vérifier l’absence d’infection et/ou de vecteur.
Pour chacune des maladies considérées comme préoccupantes, un réseau multidisciplinaire d’alerte est jugé nécessaire, à l’échelle nationale et internationale, tout comme l’établissement de plans d’intervention d’urgence et de programmes de lutte mis à jour périodiquement. La surveillance épidémiologique des zones infectées doit aussi être renforcée. Selon le rapport, elle peut comprendre quatre déclinaisons : le suivi du développement de l’aire de répartition de la maladie, grâce à la surveillance clinique et syndromique ; la détection de l’apparition de nouveaux biotypes ou variants, grâce à la surveillance sérologique ; l’étude de la dynamique de population des vecteurs, grâce à la surveillance entomologique ; l’évaluation de l’efficacité des mesures de lutte.
Les experts préconisent par ailleurs d’améliorer les capacités de diagnostic, de dépistage et d’explorer de nouvelles pistes, notamment les nanotechnologies. Ils soulignent en outre l’importance des vecteurs arthropodes (insectes et tiques), qui jouent un rôle manifeste et majeur dans le contexte du changement global du climat et donc dans l’évolution des maladies. « Les compétences dans le domaine de l’entomologie médicale et vétérinaire sont essentielles, mais les formations correspondantes dans les cursus universitaires ont été négligées », déplorent les rapporteurs.
« Pour mener à bien les actions préconisées, il faudrait disposer d’un nombre suffisant d’infectiologues, d’épidémiologistes, de spécialistes de santé publique, de taxinomistes, d’entomologistes, d’écologues, de naturalistes, etc. Malheureusement, certaines de ces disciplines sont en voie d’extinction. C’est pourquoi il est nécessaire de consentir rapidement un effort de formation dans ces domaines », ajoutent les experts. Ils recommandent par ailleurs d’associer les spécialistes des sciences humaines et sociales aux recherches en épidémiologie pour les maladies zoonotiques. « L’expérience montre que, lors d’une épidémie, au moment de mettre en place les mesures adéquates, il est possible de se heurter à des résistances culturelles souvent difficiles à apprécier et à vaincre », expliquent-ils. « Il y a en outre une autre raison de s’intéresser à la psychologie et à la sociologie : ces connaissances se révèlent indispensables lorsqu’il faut recourir à l’éducation sanitaire pour diminuer les risques infectieux. »
Les experts estiment qu’une meilleure implication du personnel de santé et du grand public dans la lutte contre les maladies zoonotiques devrait être obtenue par un effort d’éducation sanitaire. Cela comprend, d’une part, la formation des différents intervenants impliqués dans la recherche, la surveillance et la lutte contre ces maladies et, d’autre part, l’information du public dans les zones où une maladie est présente (protection contre les moustiques, mesures prophylactiques lors de voyage ou de baignade). Pour les rapporteurs, « il serait aussi fortement souhaitable que les médias, qui sont généralement les premiers informateurs, soient dotés d’un référentiel de maladies et de spécialistes à contacter, afin que leur message, le cas échéant, ne présente aucune ambiguïté lors de sa diffusion ».
En conclusion, les experts insistent sur le fait que l’analyse de l’impact d’un éventuel réchauffement climatique sur l’émergence de nouvelles maladies et le développement de maladies déjà présentes sur le territoire, nécessite d’être actualisée périodiquement. Pour cela, elle devra tenir compte notamment des nouvelles données relatives aux évolutions du climat, à la biologie des arthropodes vecteurs et aux maladies animales transmissibles, ainsi que de leur confrontation avec les évolutions d’incidence constatées sur le terrain. En outre, les projections de changement climatique, ramenées à l’échelle d’une région de la planète et a fortiori à celle de la France, demeurent incertaines. Toutefois, l’augmentation de température dans l’Hexagone pourrait atteindre 2 à 3 °C en hiver et 3 à 4 °C en été, selon un scénario qui prédit un doublement de la concentration de gaz carbonique vers la fin du XXIe siècle. Cette hausse est significative, selon les experts, puisqu’une augmentation de 1 °C correspond grossièrement à un déplacement de 100 km vers le nord des zones climatiques en France. Selon ces mêmes prévisions, les pluies pourraient augmenter de 10 à 20 % en période hivernale (voire localement de 40 %) et diminuer de 25 à 50 % durant l’été. L’évolution des agents et des vecteurs de maladies vis-à-vis de ces nouvelles conditions de vie fait, à n’en point douter, le lit de nombreux travaux à venir pour tous les acteurs de la santé animale et humaine.
(1) Rapport sur l’évaluation du risque d’apparition et de développement de maladies animales compte tenu d’un éventuel réchauffement climatique, Afssa, 2005, 77 pages.
(2) La fièvre de la vallée du Rift, la fièvre de West Nile, la leptospirose et la leishmaniose.
Source : Afssa.
Remis en doute il y a encore quelques années, le changement climatique terrestre est aujourd’hui attesté par de nombreuses observations. Les prévisions pour les décennies à venir sont fondées sur l’analyse combinée des données issues de l’étude des climats dans le passé et des projections contemporaines. Selon les modèles, le nord de l’Europe aurait tendance à s’humidifier, alors que le pourtour méditerranéen pourrait plutôt s’assécher. Si la rapidité avec laquelle se produiront ces phénomènes et leur ampleur à l’échelle régionale et locale demeurent incertaines, il est certain que le changement climatique aura des conséquences sur le fonctionnement des écosystèmes.
Ses impacts seront sensibles au niveau de la biodiversité, de la composition des communautés d’espèces et des cycles de nutrition, mais aussi sur les activités humaines (migrations de populations, voyages, alimentation, hygiène, économie, loisirs) et enfin sur la transmission des maladies, en agissant sur les hôtes, les agents pathogènes et les vecteurs (épidémiologie, biologie, etc.).
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