La leptospirose canine est une maladie réémergente - La Semaine Vétérinaire n° 1267 du 28/04/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1267 du 28/04/2007

Zoonose bactérienne

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Gwenaël Outters

Cette affection, en recrudescence dans les pays industrialisés, mérite d’être suspectée chez les chiens atteints d’insuffisance rénale aiguë.

La leptospirose est une zoonose d’origine bactérienne, mondialement répandue, avec une prédominance dans les zones tropicales et subtropicales. Elle est liée à des spirochètes, des organismes fragiles dont la culture est difficile, mais qui sont particulièrement résistants dans le milieu extérieur en zone tempérée humide (plusieurs mois). Ces organismes persistent à l’intérieur de leurs hôtes, qui peuvent être porteurs asymptomatiques et les excréter pendant plusieurs années.

Actuellement, plus de deux cents sérovars du genre Leptospira sont identifiés, dont de nombreux saprophytes apathogènes. Seulement une dizaine d’entre eux semblent pathogènes pour le chien et le chat, parmi lesquels les sérovars L. australis, L. pomona, L. bratislava, L. autumnalis et L. gryppothyphosa. Les deux habituellement rencontrés sous nos latitudes, L. canicola et L. icterohemorrhagiae, sont devenus rares depuis la vaccination ciblée et systématique des chiens. Malgré le développement d’un nouveau vaccin quadrivalent pour couvrir L. canicola, L. icterohemorrhagiae, L. pomona et L. gryppotyphosa, la tendance est à une nette recrudescence de l’infection d’après les données épidémiologiques recueillies ces dix dernières années.

La symptomatologie relativement classique de la leptospirose, qui jusqu’alors comprenait des insuffisances rénales aiguës, des insuffisances hépatiques, des coagulations intravasculaires disséminées et des hémorragies pulmonaires, doit être revue pour les épidémies actuelles. Un nombre croissant de chiens est présenté pour insuffisance rénale aiguë sans manifestation hépatique majeure.

Les cas d’insuffisance rénale aiguë augmentent régulièrement

Notre confrère Thierry Francey, de l’université de Berne, a mené une étude épidémiologique en Suisse occidentale entre 2003 et 2005. Il constate une nette augmentation des diagnostics d’insuffisance rénale aiguë chez les chiens durant cette période, avec environ quatre fois plus de cas qu’auparavant. Par ailleurs, plus de la moitié d’entre eux sont associés à des sérovars atypiques de leptopsires. Ce travail permet de décrire les nouvelles données démographiques et cliniques, de reconnaître les sérovars pathogènes et d’évaluer certains facteurs pronostiques de la maladie.

Le critère d’inclusion des animaux dans l’étude se fonde sur le diagnostic d’insuffisance rénale aiguë associé à une analyse sérologique positive pour les leptospires. Au final, la recherche est menée sur 28 cas, parmi lesquels aucune prédisposition de race ou de taille n’est mise en évidence. L’élément immédiatement remarquable est la hausse croissante du nombre de cas au cours des trois années de l’étude (2003 : 4 cas, 2004 : 6 cas, 2005 : 19 cas). Elle est en outre confirmée par les données de 2006, non incluses.

La majorité des chiens malades ont moins d’un an ou sont d’âge moyen. Dans cette population, les mâles non castrés sont surreprésentés, notamment comparés au nombre de femelles stérilisées. La répartition saisonnière fait apparaître une pause hivernale de la maladie, avec un pic en été et au début de l’automne. Les fluctuations d’incidences géographiques s’expliquent vraisemblablement par les variations climatiques. Une prédominance est notée dans les régions à climat doux et humide.

Les symptômes de ces nouvelles formes de leptospirose ont évolué

Le tableau classique d’hépato-néphrite aiguë n’est plus de mise. Les premiers symptômes sont en général peu spécifiques : léthargie, anorexie, fièvre, douleurs musculaires ou articulaires, vomissements. Dans les zones fortement endémiques, ces signes vagues devraient déjà éveiller les soupçons. Ensuite, la maladie peut évoluer en quelques jours vers une insuffisance rénale aiguë anurique au pronostic peu favorable. A ce stade, les manifestations polysystémiques de la leptospirose et de l’urémie grave se multiplient, avec des symptômes sévères d’insuffisance respiratoire, ainsi que des troubles nerveux et gastro-intestinaux qui conduisent vers un syndrome septique et condamnent les chances de réussite thérapeutique.

La leptospirose est à suspecter chez tous les chiens atteints d’insuffisance rénale aiguë

Chez ces chiens, le bilan hématologique révèle dans les trois quarts des cas une anémie, parfois associée à une leucocytose et à une thrombopénie (30 %). L’analyse biochimique met en évidence une augmentation de l’urémie et de la créatinémie. Une azotémie d’origine rénale et la mise en évidence clinico-pathologique de lésions tubulo-interstitielles (cylindrurie, glucosurie d’origine rénale) éveillent une forte suspicion. La bilirubinémie est en général relativement faible, alors que l’albuminémie semble jouer un rôle pronostique important. En effet, les chiens qui présentent un taux d’albumine diminué récupèrent moins fréquemment. Les troubles électrolytiques, en particulier l’hyperkaliémie, peuvent être sévères.

La confirmation de leptospirose peut se faire par voie sérologique (test de microagglutination) ou par une identification des bactéries (principalement par polymerase chain reaction, PCR), dans le sang lors de phase aiguë ou dans les urines en phase chronique.

Le traitement étiologique est fondé sur une antibiothérapie systémique

Les pénicillines (amoxicilline ou amoxicilline et acide clavulanique), administrées par voie intraveineuse, permettent l’élimination des spirochètes en phase sanguine (traitement de deux ou trois semaines per os ensuite), mais n’évitent pas le portage rénal. Pour ce dernier, des dérivés de la tétracycline sont utilisés, comme la doxycycline administrée par voie orale (en relais pendant trois semaines).

Notre confrère Thierry Francey recommande donc l’emploi de l’amoxicilline ou de l’amoxicilline-acide clavulanique pendant deux ou trois semaines, par voie intraveineuse d’abord, puis orale. La doxycycline est administrée par voie orale dès que le chien peut manger. Le traitement symptomatique des différentes insuffisances organiques est également mis en œuvre.

Dans l’étude, l’euthanasie a été pratiquée dans la moitié des cas, le plus souvent en raison des troubles respiratoires. 43 % des chiens ont récupéré. Le taux de survie augmente avec l’hémodialyse ou la dialyse péritonéale (il passe alors de 40 % à environ 80 %).

Par ailleurs, notre confrère a tenté de proposer des modèles de prédiction et des outils d’évaluation du pronostic à partir de paramètres hématologiques et biochimiques. Les dosages sanguins de l’albumine, du phosphore, de l’urée et des plaquettes présenteraient une forte corrélation avec la capacité de récupération rénale des chiens atteints de leptospirose aiguë.

Cette étude suisse semble corroborer des données européennes, notamment françaises, quant à l’augmentation inquiétante du nombre de cas de leptospirose canine dans les pays industrialisés. La contamination environnementale pourrait être un élément préoccupant dans les années à venir.

L’affection, en recrudescence, est souvent causée par des sérovars non vaccinaux. La létalité étant particulièrement élevée, il devient urgent d’identifier les nouveaux sérovars infectants. La dialyse double les chances de survie avec une récupération complète de la fonction rénale en l’espace de quelques semaines.

En outre, la leptospirose étant une zoonose, le praticien ne doit pas omettre de protéger son personnel (port de gants, lunettes) et d’informer les propriétaires qui devraient prendre contact avec leur médecin traitant, notamment pour la mise en œuvre d’une éventuelle antibioprévention. Un traitement pour les autres animaux du foyer peut être préconisé. Selon les résultats obtenus par PCR chez des chiens en cours de traitement, le risque de transmission semble faible après le troisième jour d’antibiothérapie. Ces données sont indicatives et doivent être contrôlées à plus grande échelle.

CONFÉRENCIER

Thierry Francey, diplômé de l’American College of Veterinary Internal Medicine (Acvim), division de médecine interne des petits animaux de l’université de Berne (Suisse).

Article rédigé d’après « La leptospirose, une maladie plus que jamais d’actualité », conférence présentée au congrès de l’Afvac organisé à Bordeaux (Gironde) en 2006.

VOIR AUSSI

• A. Faessel : « Un chien atteint de leptospirose reste longtemps contaminant », La Semaine Vétérinaire n° 1184 du 28/5/2005, p. 18.

• E. de Madron : « Huit cas de leptospirose canine », Le Point Vétérinaire, 2003, vol. 34, n° 235, pp. 68-72.

• G. Andre-Fontaine : « Actualités sur la leptospirose canine », Le Point Vétérinaire, 2002, vol. 33, n° 225, pp. 26-31.

• E. de Madron : « Plusieurs cas de leptospirose canine ont émergé au Canada ; les animaux ont parfois présenté une insuffisance rénale allant jusqu'à l'anurie », La Semaine Vétérinaire n° 995 du 2/12/2000, p. 16.

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