30 % des saumons adultes perdraient la mémoire de leur lieu de frai

L’hypothèse du homing, selon laquelle les jeunes saumons migrants (les smolts) retournent, une fois adultes, dans leur rivière natale de façon infaillible pour s’y reproduire, sert souvent de base pour les modèles de dynamique des populations de saumon atlantique (Salmo salar).

Une étude de chercheurs de l’Inra⁽¹⁾ montre que l’instinct de retour du saumon à sa rivière natale ne semble pas aussi strict dans le cas de rivières géographiquement proches et dont les caractéristiques sont semblables (conditions environnementales, géophysiques, chimiques, etc.). Des échanges de saumons peuvent ainsi avoir lieu entre chaque population lors de la remontée des adultes sur les lieux de frai. Il est vraisemblable, selon les chercheurs, que les flux d’individus entre cours d’eau puissent être significatifs pour de nombreux petits systèmes fluviaux côtiers d’Europe. Or ce phénomène n’est pas négligeable, puisque des conséquences importantes résultent de cette “perte de mémoire”, en matière de biologie et d’évolution de l’espèce, mais également de dynamique des populations et de gestion de pêche. Les chercheurs ont étudié ce phénomène en Basse-Normandie, au niveau du réseau hydrographique composé de deux rivières, la Sée et la Sélune, qui ont un estuaire commun dans la baie du Mont Saint-Michel. Ils ont utilisé des données chronologiques, issues du suivi des migrations d’adultes et de juvéniles dans l’Oir, un affluent de la Sélune, ainsi qu’une série de captures par pêche, réalisées dans la Sée et la Sélune. Ces données ont permis d’estimer les échanges au sein de ce réseau hydrographique. Ainsi, en moyenne, plus de 30 % des poissons adultes perdraient la mémoire de la branche du réseau dans laquelle ils sont nés (Sée ou Sélune). En outre, en raison de la plus forte capacité de production en juvéniles de la Sée et d’une capacité d’accueil limitée dans la Sélune, les échanges sont déséquilibrés.

• (1) Etienne Rivot (etienne.rivot@rennes.fr) du centre Inra de Rennes et Etienne Prévost (etienne.prevost@st-pee.inra.fr) du centre Inra de Bordeaux-Aquitaine.