La prise en charge du sepsis est un réel défi - La Semaine Vétérinaire n° 1268 du 05/05/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1268 du 05/05/2007

Gestion de la réanimation

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Gwenaël Outters

La gestion clinique d’animaux septiques est complexe. Elle passe par la reconnaissance du syndrome alors que l’état est critique et une prise en charge rapide.

Le sepsis est un processus infectieux associé à une réponse inflammatoire systémique de l’organisme, induisant des anomalies fonctionnelles des organes (syndrome de défaillance multiviscérale) qui peuvent occasionner la mort.

Les bactéries, notamment avec les lipoprotéines de surface, induisent la libération massive de cytokines pro-inflammatoires, ainsi que la production de monoxyde d’azote (NO), puissant vasodilatateur, et donc hypotenseur. Le choc septique est la combinaison de chocs distributif, cardiogénique et hypovolémique, ce qui provoque une oxygénation inadéquate des tissus.

Les chocs distributif, cardiogénique et hypovolémique sont causés par le sepsis

Le choc distributif s’explique par l’action des médiateurs de l’inflammation sur l’endothélium capillaire, à l’origine d’une diminution des résistances périphériques. Le choc cardiogénique, qui n’est pas toujours présent, est lié à une baisse de la contractilité (insuffisance myocardique), donc du volume d’éjection puis du débit cardiaque, entraînant une hypo-oxygénation tissulaire. Pour compenser cette dernière, la fréquence cardiaque augmente, accroissant parallèlement la consommation d’oxygène et aggravant encore le phénomène. Pour sa part, le choc hypovolémique est dû à une diminution de la précharge. La baisse du volume d’éjection induit la chute du débit cardiaque et celle de l’oxygénation, qui est malheureusement compensée par une hausse de la fréquence cardiaque aggravant la consommation d’oxygène. Ainsi, la vasoplégie (synonyme de vasodilatation), l’hypovolémie et la défaillance myocardique induisent une hypotension massive. Au niveau tissulaire, il s’ensuit une hypoxie, des œdèmes, une cytotoxicité directe des médiateurs de l’inflammation, de l’apoptose et une immunodépression à l’origine de la défaillance des organes, aussi appelée syndrome de défaillance multiviscérale. Le tableau clinique comprend alors une défaillance myocardique, un syndrome de détresse respiratoire aiguë, une insuffisance rénale aiguë, un ictère et un foie réactif, un iléus et des diarrhées hémorragiques, une encéphalopathie et un coma, ainsi qu’une thrombopénie et une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD).

L’origine principale du sepsis chez l’homme, bien étudiée, est une infection pulmonaire. Chez le chien, l’infection des organes abdominaux serait la cause majeure, mais peu de travaux sont publiés sur ce sujet (voir tableau).

Une petite astuce facilite le diagnostic de péritonite septique

Notre consœur Françoise Roux, qui a abordé le sepsis à l’occasion d’une conférence présentée lors du dernier congrès de l’Afvac, a notamment évoqué le cas particulier de la péritonite septique. Elle invite les praticiens à comparer la mesure du glucose sanguin avec celle du glucose du fluide abdominal. Ce test présente une sensibilité de 100 % pour le diagnostic de la péritonite septique si la concentration en glucose du fluide abdominal est inférieure de 0,20 g/l à la glycémie. La difficulté technique consiste à mesurer la concentration en glucose rapidement après la ponction abdominale, car il est vite consommé.

A cela s’ajoutent les signes du syndrome de réponse inflammatoire systémique, un changement brutal de l’évolution clinique, une distension abdominale par l’accumulation des fluides et la présence de bactéries intracellulaires sur le frottis du contenu abdominal. Les agents infectieux en cause sont des bactéries Gram négatif dans 55 % des cas (45 % pour les Gram positif). Toutefois, en médecine humaine, la proportion des infections à bactéries Gram positif semble en augmentation depuis une dizaine d’années.

Le diagnostic du sepsis repose sur l’anamnèse et, éventuellement, une prise d’antibiotiques non suivie d’effets, des suspicions d’infection nosocomiale ou l’existence d’un terrain à risque (animal immunodéprimé, vivant en collectivité, etc.).

Le syndrome de réponse inflammatoire systémique est caractérisé par une tachypnée (fréquence respiratoire supérieure à 40 mpm), une bradycardie ou une tachycardie (fréquence cardiaque inférieure à 140 bpm ou supérieure à 225 bpm), une hypothermie ou une hyperthermie (température inférieure à 37,8 °C ou supérieure à 39,7 °C), une leucopénie ou une leucocytose. La recherche des foyers de porte d’entrée de l’infection s’effectue, si possible, avant toute administration d’antibiotique, via une hémoculture, un examen cytobactériologique des urines (ECBU), une ponction du liquide céphalorachidien, un prélèvement sur les sites infectieux, un lavage broncho-alvéolaire. L’exploration de l’hémodynamique s’appuie sur le temps de recoloration capillaire, la mesure de la pression artérielle systolique (inférieure à 90 mmHg), la mesure des lactates et l’échocardiographie, qui permet d’objectiver la taille de l’oreillette gauche et la contractilité cardiaque.

Le bilan des symptômes peut conduire au diagnostic de syndrome de défaillance multiviscérale. Celui-ci s’exprime au niveau pulmonaire par une polypnée, une tachypnée, une orthopnée, de la cyanose, une pression artérielle en oxygène (PaO2) inférieure à 70 (hypoxie), une pression artérielle en gaz carbonique (PaCO2) inférieure à 30 (hypocapnie), une atteinte alvéolaire diffuse ou locale radiologiquement visible et une saturation en oxygène inférieure 90 %. La défaillance hépatique se manifeste par un ictère isolé avec une augmentation de la bilirubinémie libre et conjuguée et une cytolyse hépatique (augmentation des alanines amino-transférases, Alat). L’intestin paie cher l’hypoperfusion, qui se traduit par une diarrhée hémorragique. Les tubules rénaux sont également particulièrement sensibles aux agressions, ce qui provoque une insuffisance rénale aiguë. Au niveau hématologique, une thrombopénie isolée s’explique par une consommation des plaquettes, une destruction auto-immune ou un déficit central. La CIVD est le reflet de la consommation de tous les facteurs de la coagulation (antithrombine III, protéine C, protéine S) et se manifeste par des saignements aux points de ponction, des placards ecchymotiques ou des saignements en nappe. Le cerveau n’est pas épargné et des syndromes confusionnels peuvent être rencontrés, ainsi que des états d’agitation ou des troubles de la conscience (leur origine purement septique peut toutefois être mise en doute).

The early goal-directed therapy peut s’appliquer au choc septique

Face au choc septique, le praticien doit agir vite et fort, ce que les Anglo-Saxons résument par l’early goal-directed therapy. Les recommandations sont proposées à la suite de conférences de consensus fondées sur des méta-analyses.

Le traitement se déroule en cinq étapes : oxygénation, pose d’une voie centrale, et éventuellement d’un cathéter artériel, maintien de la pression veineuse centrale, maintien de la pression artérielle, maintien de l’hématocrite. Le contrôle de l’infection nécessite des prélèvements et des études bactériologiques. En première intention, l’antibiothérapie, administrée par voie intraveineuse, doit répondre à un large spectre et être adaptée au foyer infectieux. Le traitement chirurgical permet d’éliminer le lit bactériologique. Par la suite, le maintien de l’oxygénation tissulaire est assuré, si nécessaire, par une ventilation mécanique et une sédation.

Le remplissage vasculaire lutte contre l’hypovolémie. Il est réalisé avec des solutés cristalloïdes (demi-dose de choc) ou des colloïdes (1 ml/kg/h) ou de l’albumine humaine. Il convient de contrôler régulièrement l’efficacité du remplissage vasculaire. L’administration de dobutamine (5 à 15 µg/kg/min dans 5 % de dextrose pour l’effet β1, ou plus de 20 µg/kg/min pour l’effet α1) ou de dopamine (plus de 10 µg/kg/min pour l’effet α) permet de normaliser le débit cardiaque et la pression artérielle. L’effet secondaire de tachyarythmie de la dopamine et son effet rénal ne doivent pas être négligés. Par ailleurs, l’hématocrite est à maintenir à plus de 20 %. La thrombose est prévenue par l’administration d’héparine.

La correction des défaillances organiques peut imposer une hémodialyse, une transfusion et/ou la correction d’une hypoglycémie, sans entraîner une hyperglycémie qui serait délétère (utilisation du glucose à 2,5 %). Le sepsis peut également induire une insuffisance surrénalienne relative. Dans ce cas, l’administration d’hydrocortisone à faible dose pendant sept jours est suggérée (0,1 à 0,2 mg/kg/j). Malgré l’absence de consensus sur cette pratique, l’administration de corticoïdes permettrait toutefois de récupérer une sensibilité aux catécholamines. La médecine humaine se fonde idéalement sur la mesure du cortisol basal.

Le praticien doit pouvoir reconnaître rapidement les signes du syndrome de réponse inflammatoire systémique et anticiper les complications afin d’instaurer un traitement agressif et d’éviter le syndrome de défaillance multiviscérale. En effet, celui-ci nécessite un appareillage que seuls les services de soins intensifs possèdent.

CONFÉRENCIÈRE

Françoise Roux, DVM, MSc, emergency and critical care resident (ACVECC), Tufts cummings school of veterinary medicine (Etats-Unis).

Article réalisé d’après la conférence « Sepsis, choc septique et syndrome de défaillance multiviscérale », présentée au congrès de l’Afvac 2006, à Bordeaux (Gironde).

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