Comment gérez-vous le “risque zoonoses” au sein de votre clientèle ?

Dialoguer avec le médecin est indispensable

En dermatologie, il est fréquent d’avoir à gérer des zoonoses, soit parce que nous diagnostiquons l’une d’elles chez l’animal qui nous est présenté en consultation, soit parce qu’un médecin soupçonne une contamination de son patient par un animal domestique. Ce n’est que dans l’un de ces cas que le sujet est abordé. Les principales dermatozoonoses qui ont un retentissement clinique pour l’homme sont les dermatophyties. Les ectoparasitoses (gale sarcoptique, cheylétiellose, pulicose) sont moins graves (sauf erreur de diagnostic) et les viroses (poxviroses) sont exceptionnelles en médecine des petits animaux.

En matière de zoonoses, le dialogue avec le médecin est indispensable, mais fréquemment inexistant.

En présence de teigne, il convient d’exiger une identification des champignons chez l’homme et les animaux afin de confirmer le diagnostic de zoonose et d’identifier la source de contamination. De nombreuses dermatophyties humaines sont spécifiques et ne sont pas du tout transmises par les animaux. A contrario, les risques de zoonose engendrés par les petits mammifères (rats, souris, cobayes, lapins, hamsters) sont largement sous-estimés (teigne à trichophyton, gales à Notoedres muri ou Trixacarus par exemple). Or ces animaux sont fréquemment des porteurs asymptomatiques et les enfants ou les adolescents aiment avoir un contact étroit avec eux. Il ne faut pas dramatiser ni minimiser la situation. Le fait que les dermatophyties ou la pulicose sont des zoonoses permet une meilleure observance du traitement (des congénères et de l’environnement également) et donc l’obtention de meilleurs résultats.

Eduquer les propriétaires, novices ou chevronnés

« Docteur, y a-t-il un risque pour mes enfants lorsqu’ils manipulent la tortue ? »

Cette question est fréquemment posée en consultation par les heureux et nouveaux propriétaires de tortues. Comme je travaille essentiellement avec des nouveaux animaux de compagnie (Nac), cette interrogation ne se limite à cet animal, mais concerne aussi les reptiles en général.

J’informe alors les clients que le risque zoonotique que représentent ces espèces ne doit pas être négligé.

J’estime qu’il convient d’éduquer tous les propriétaires, qu’ils soient novices ou éleveurs chevronnés. Les zoonoses bactériennes et parasitaires constituent les principaux risques. Par exemple, près de 90 % des reptiles en captivité sont porteurs asymptomatiques de divers sérotypes de salmonelles qui sont excrétées de manière inconstante dans leurs déjections. Je préconise aux propriétaires l’instauration de certaines règles d’hygiène, par exemple le lavage des mains après chaque manipulation et une désinfection régulière du terrarium à l’eau de Javel. Je déconseille les manipulations des reptiles par les jeunes enfants ou par les personnes immunodéprimées. Malheureusement, il n’est pas rare de rencontrer des propriétaires certes “amoureux” de leur animal, mais totalement inconscients du risque qu’ils encourent à chaque “bisou”.

Au sein de la clinique, nous tentons d’apporter à chaque client toutes les informations pratiques sur leur reptile et son mode de vie afin d’éviter qu’ils contractent une zoonose d’origine reptilienne ou autre.

Les médecins ont tendance à dramatiser le rôle du chat dans la transmission de la toxoplasmose

En matière de zoonoses, j’essaie d’éduquer ma clientèle en proposant, à chaque consultation vaccinale, un protocole de vermifugation avec un traitement tous les trois mois.

J’argumente en soulignant que 70 % des animaux de compagnie sont parasités. Par ailleurs, je souligne que la vulnérabilité du tube digestif des enfants âgés de moins de trois ans est importante. Depuis que je procède de cette façon, certains propriétaires vermifugent leurs animaux une semaine avant la vaccination, de façon autonome. Bien entendu, d’autres clients restent insensibles aux arguments que je développe. Dans les cas de teigne, je demande systématiquement aux personnes immunodéprimées ou sous traitement immunodépresseur, ainsi qu’aux personnes âgées et aux enfants, de surveiller l’apparition d’herpès circiné et de prurit, tout en conseillant une consultation chez un dermatologue. Je ne les dirige pas vers les pharmaciens, qui n’ont aucune expertise dans ce domaine.

Les médecins ont tendance à dramatiser le rôle du chat dans la transmission de la toxoplasmose (sérologie, etc.), ce qui aboutit à créer des peurs injustifiées vis-à-vis de cet animal. Notre discours se focalise plus sur les mesures hygiéniques à instaurer. Ce thème mériterait d’être abordé lors d’une réunion interprofessionnelle rassemblant les vétérinaires et les médecins afin de déboucher sur un “consensus”.