Pathologie respiratoire
Formation continue
RURALE
Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait
Peu d’animaux sont contaminés par Mycoplasma bovis à leur entrée en atelier d’engraissement. Les conditions d’élevage semblent constituer un élément essentiel de sa diffusion.
Perte du revenu annuel en élevage allaitant pouvant atteindre 21 %, réduction de 10 à 15 % de la marge mensuelle des ateliers d’engraissement de taurillons : l’impact économique des maladies respiratoires en élevage bovin est considérable.
Dans les ateliers d’engraissement de taurillons, ces affections apparaissent en général dix à quinze jours après l’allotement. Elles représentent la première entité pathologique au cours des six premières semaines d’engraissement. Dans les Pays-de-la-Loire, le suivi de 96 lots de 1 269 jeunes bovins par l’unité mixte de recherche ENVN-Inra de gestion de la santé animale indique, pour les six premières semaines d’engraissement, un taux de morbidité de 13,6 %, avec une incidence des premiers cas de 13 % (voir tableau). 44,2 % des lots comptent au moins un jeune bovin atteint de troubles respiratoires. Toutefois, des variations importantes de morbidité sont notées entre les lots atteints (voir graphique).
« Le risque d’apparition des troubles respiratoires est particulièrement augmenté pour les jeunes bovins qui appartiennent à des lots constitués avec des animaux originaires d’élevages naisseurs différents, a indiqué notre consœur Nathalie Bareille, maître de conférences à l’unité de zootechnie-économie de l’école de Nantes, lors du congrès de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) organisé à Nantes, du 23 au 25 mai dernier. Il en est de même pour les jeunes bovins légers et les jeunes à la mise en lot, ainsi que pour les jeunes bovins carencés en sélénium. »
Les taux de jeunes bovins dont l’analyse sérologique est positive vis-à-vis des agents pathogènes respiratoires sont plus importants pour ceux mis en lot en janvier-février, ceux qui pèsent plus de 370 kg et ceux âgés de plus de neuf mois à la mise en lot. « Cela témoigne d’une circulation importante des agents pathogènes respiratoires dans les élevages de vaches allaitantes, souligne Nathalie Bareille. La séropositivité protège les jeunes, mais pas globalement. » L’étude des séropositivités réalisée dans le cadre de cette enquête descriptive place le virus parainfluenza de type 3 et Mycoplasma bovis en tête des agents pathogènes à tropisme respiratoire, avec respectivement 60 % et 46 % d’analyses sérologiques positives. La positivité atteint 36 % pour le virus respiratoire syncitial bovin, 18 % pour le virus de la diarrhée virale bovine (BVD) et 1 % pour celui de la rhinotrachéite infectieuse bovine. Depuis plusieurs années, les mycoplasmes font figure de pathogènes émergents. Ces agents immunodépresseurs, véritables caméléons(1), ne semblent pas seulement faciliter les infections respiratoires.
Deux études menées en élevage de jeunes bovins et de veaux de boucherie permettent d’améliorer la connaissance de l’épidémiologie descriptive des affections à M. bovis. La première, conduite en 2003-2004 dans les Pays-de-la-Loire, avait pour objectif de préciser la séroprévalence de Mycoplasma bovis dans les lots de jeunes bovins mis en place dans les ateliers d’engraissement, d’examiner sa diffusion à l’intérieur des lots, ainsi que les conséquences zootechniques et économiques de l’infection. Les analyses sérologiques des prélèvements sanguins de 523 jeunes bovins charolais, lors de leur allotement, ont permis de déterminer un taux de prévalence individuel de 1,3 %. Parmi les dix-huit élevages supports de ces travaux, seulement quatorze ne présentaient que des jeunes bovins séronégatifs. Après cent cinquante jours d’engraissement, le taux de prévalence individuel global était de 39,4 %, avec une variation selon l’élevage de 5,6 à 85 %. L’examen des séroconversions a révélé une incidence globale de 38,7 %, avec une variation de 5,6 à 83,3 %.
Cette étude a également permis d’objectiver l’impact de l’infection sur le gain moyen quotidien (GMQ). Une différence significative de 60 g/j est mesurée entre les animaux séronégatifs et séropositifs à cent cinquante jours d’engraissement, soit 1 451 g/j au lieu de 1 391 g/j. « Cette différence se traduit par un allongement de la période d’engraissement de deux semaines », souligne notre confrère Laurent Mascaron, responsable du service technique “vaccins des animaux de rente” chez Pfizer Santé animale. « Cette incidence économique liée aux pertes de GMQ est généralement supérieure à celle due au coût des traitements mis en place », indique, pour sa part, Frédéric Lemarchand, vétérinaire au sein du même laboratoire.
Outre cet impact zootechnique, l’analyse des données montre une relation statistiquement significative entre la séroconversion et les épisodes respiratoires, les atteintes articulaires ou une augmentation de la température corporelle ayant nécessité la mise en place d’un traitement. « Le risque d’apparition d’une de ces affections est multiplié par deux lorsque le jeune bovin subit une séroconversion au cours de l’engraissement, remarque Laurent Mascaron. Il est diminué de moitié quand l’animal est séropositif au moment de l’allotement. »
Les intervenants ont par ailleurs souligné l’inutilité des sondages en termes d’intérêt prédictif. En effet, les animaux rassemblés dans les centres de tri provenant de deux cents exploitations différentes, un sondage n’aura aucune signification prédictive. Notre confrère Thierry Lorent, praticien à Malestroit (Morbihan), a souligné l’intérêt de remonter, depuis le veau, jusqu’à l’élevage d’origine, qui est le lieu où il est possible d’agir, citant en exemple l’action bretonne menée contre la BVD.
Une étude réalisée en 2004 en production de veaux de boucherie révèle qu’un faible nombre d’entre eux sont contaminés lorsqu’ils entrent dans les élevages. « Parmi cinquante veaux ayant fait l’objet de prélèvements par aspiration transtrachéale (ATT) et écouvillon nasal au centre de tri, un seul se révèle porteur de M. bovis, ce qui représente une prévalence de 2 % », expose Thierry Lorent.
Lors d’une seconde étude, le suivi bactériologique et sérologique réalisé dans dix élevages de veaux de boucherie a mis en évidence la présence de M. bovis dans neuf lots sur dix le jour de l’apparition du syndrome respiratoire collectif. Dans chaque lot, le taux de veaux infectés varie de 67 à 100 %. Un lavage bronchoalvéolaire réalisé chez quinze veaux (dix malades et cinq sans signes cliniques) révèle que 82 % des animaux atteints et 79 % des bovins cliniquement sains sont infectés par M. bovis. Peu de veaux présentent des anticorps anti-M. bovis lors de l’entrée en atelier d’engraissement. Seulement trois des dix lots comptent un veau séropositif, c’est-à-dire 2 % des cent cinquante veaux ayant fait l’objet de prélèvements. « En revanche, entre trente et cinquante-neuf jours après un épisode respiratoire, la séroconversion est observée dans neuf des dix élevages, avec un taux de conversion compris entre 60 et 100 % », témoigne notre confrère.
Quelle est l’origine de la contamination ? Le germe est-il présent dans l’élevage où il contamine les animaux ou des animaux porteur sa symptomatiques sont-ils à l’origine de l’introduction de l’agent pathogène ? Selon notre confrère, les deux modes de contamination sont plausibles et peuvent coexister. D’où la nécessité d’agir conjointement au niveau de l’hygiène du bâtiment et via l’instauration d’un traitement antibiotique collectif pour limiter l’extension de la maladie.
En raison de l’absence d’outils vaccinaux, la lutte contre les infections à M. bovis est essentiellement sanitaire. Frédéric Lemarchand atteste de l’intérêt d’une quarantaine en élevage de taurillons, laquelle est actuellement pratiquée par quelques engraisseurs. « Garder une case tampon entre les animaux présents ceux qui arrivent est efficace, bien que difficile à mettre en œuvre, selon Laurent Mascaron. Le nettoyage et la désinfection des bâtiments sont essentiels, mais non mis en pratique. »
La capacité de M. bovis à produire in vitro des structures protectrices de type biofilm est connue depuis peu. Cela explique la résistance de la bactérie dans le milieu extérieur et la recontamination des bandes successives par le milieu extérieur. Ainsi, « les biofilms supportent mieux les conditions physiologiques difficiles que des bactéries individualisées. Ils sont impliqués dans un grand nombre d’infections chroniques, ils résistent à de nombreuses forces physiques, à la phagocytose, énumère notre consœur Dominique Legrand, maître de conférences à l’école de Lyon. En outre, la diffusion des antibiotiques est limitée au sein du biofilm. »
Au final, notre consœur souligne les récents progrès de la recherche fondamentale. Néanmoins, « la mise en place de mesures adaptées et raisonnées nécessite d’approfondir les connaissances dans le domaine de l’épidémiologie descriptive et analytique ».
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