Dermatologie canine
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : William Bordeau
Fonctions : consultant exclusif en dermatologie à la clinique vétérinaire de Château-Gaillard (Maisons-Alfort, Val-de-Marne).
La démodécie constitue l’une des principales dermatoses parasitaires du chien. Si le diagnostic est facile, son traitement peut parfois être beaucoup plus compliqué.
La démodécie est une dermatose parasitaire décrite chez une cinquantaine d’espèces de mammifères, dont l’homme. Chez le chien, sa première description remonte à 1844. Le parasite est dénommé Demodex canis par Leydig en 1859.
Actuellement, trois espèces de Demodex sont identifiées chez le chien. Demodex canis, la plus commune, vit dans les follicules pileux et les glandes sébacées. Le mâle mesure 40 à 250 microns, la femelle 40 à 300 microns. Dans les années 80, Demodex cornei commence à être observée. Avec son abdomen court, elle est environ moitié moins longue que Demodex canis. Cette espèce vivrait, par analogie avec Demodex gatoi (la forme courte observée chez le chat), dans le stratum corneum. Régulièrement observée avec Demodex canis, il pourrait s’agir d’un mutant de ce dernier. Demodex injai, deux fois plus longue que Demodex canis, est décrite en 1997. Localisée également au niveau des follicules pileux et des glandes sébacées, elle est essentiellement isolée dans la région dorsolombaire. Le cycle parasitaire, d’une durée de trente à trente-cinq jours, se déroule entièrement sur le corps du chien. Des œufs, des larves à six pattes, des nymphes et des adultes à huit pattes sont ainsi observés sur la peau de l’animal. Exceptionnellement, ces acariens peuvent être présents au niveau des ganglions lymphatiques, de la rate, du foie, ou encore dans le sang, les urines, et les fèces.
La transmission s’effectue indépendamment de la présence ou non de lésions chez la mère. Si le chiot naît par césarienne, et qu’il n’est pas allaité par la suite, il n’y a pas de transmission possible du parasite. En effet, il ne passe pas la barrière placentaire. Dans les conditions naturelles, la transmission de la mère aux chiots est le seul mode de contamination connu. S’il a été expérimentalement possible de transmettre des Demodex entre chiens adultes, cela a systématiquement été suivi d’une résolution spontanée des éventuelles lésions apparues. Les acariens du genre Demodex sont des parasites commensaux du chien. De nombreux animaux peuvent donc être porteurs tout au long de leur vie sans jamais développer de démodécie.
La démodécie dite juvénile apparaît indépendamment de toute dermatose ou affection concomitante. En revanche, la démodécie dite de l’adulte présente toujours une cause sous-jacente. Il peut s’agir d’un diabète, d’un syndrome de Cushing, d’une hypothyroïdie ou encore d’un traitement topique ou systémique à base de glucocorticoïdes. La démodécie juvénile est essentiellement rencontrée chez des races pures. Les races shar-pei, West Highland white terrier, scottish terrier ou encore bouledogue sont considérées comme prédisposées. Le retrait de la reproduction des animaux porteurs permet de diminuer ou même d’éradiquer la démodécie dans un élevage.
Les facteurs à l’origine de l’apparition d’une démodécie juvénile chez un chiot et pas chez un autre, qui est également porteur, ne sont toujours pas clairement expliqués, mais un déterminisme génétique est suspecté.
Des formes dites localisées et d’autres dites généralisées sont observées. La distinction entre les deux est parfois difficile. Selon Danny Scott, le terme de “démodécie généralisée” est employé quand au moins cinq zones distinctes sont atteintes, ou une région du corps dans son ensemble, la tête notamment, ou lorsque deux pattes sont affectées.
La démodécie localisée touche essentiellement le chiot ou le jeune chien. Elle se transforme en forme généralisée dans près de 10 % des cas. Plusieurs formes cliniques sont décrites. La forme nummulaire, la plus classique, se caractérise par l’apparition de zones alopéciques à “l’emporte-pièce”. D’un diamètre compris entre 1 et 5 cm, ces zones sont modérément à nettement érythémateuses et squameuses. Lors d’évolution ancienne (quelques semaines), une hyperpigmentation secondaire et des comédons sont parfois présents. Des manchons pilaires, qui viennent agglutiner les poils, sont fréquemment observés. Le prurit est le plus souvent absent. Les zones de prédilection du parasite sont les zones humides telles que la région périoculaire, à l’origine de “lunettes démodéciques” (toutes les alopécies périoculaires ne sont toutefois pas dues à une démodécie), la zone péribuccale et les membres antérieurs. Néanmoins, toutes les régions du corps peuvent être atteintes. Ces lésions régressent spontanément dans 90 % des cas en quelques semaines à quelques mois.
La pododémodécie est une forme localisée d’emblée grave. Elle se manifeste initialement par un érythème et une alopécie interdigitée, principalement palmaire. Celle-ci peut mimer une pododermatite observée lors de dermatite allergique. Rapidement, des complications bactériennes, avec furonculose et cellulite, apparaissent. La douleur et l’œdème sont souvent à l’origine d’une boiterie et de douleur. La pododémodécie peut être la seule manifestation d’une démodécie. Toutefois, dans la majorité des cas, elle est associée à d’autres lésions corporelles. La forme auriculaire ou otodémodécie est rarement exclusive, mais elle est néanmoins décrite. Les pavillons auriculaires et/ou le conduit auditif externe peuvent être atteints. Une otite érythémato-cérumineuse accompagnant un cérumen cireux jaunâtre à brun est parfois notée.
Dans un cas de démodécie généralisée, le pronostic peut être réservé. Les propriétaires doivent être informés de la difficulté à obtenir une rémission, notamment parce qu’elle est souvent compliquée par une pyodermite profonde. Les lésions observées lors de démodécie généralisée correspondent à la coalescence puis à l’extension de zones alopéciques, érythémateuses et squameuses. Des comédons, des manchons pilaires et une hyperpigmentation sont fréquemment associés. Chez certains chiens adultes, notamment le Yorkshire terrier, la démodécie généralisée peut uniquement se manifester par des zones hyperpigmentées multiples. Chez certaines races, comme le scottish terrier ou le West Highland white terrier, l’alopécie peut rester modérée et seul un état kérato-séborrhéique chronique, avec un fin squamosis, est noté. Chez le bobtail, les lésions sont également peu “alopéciantes”, et sont principalement constituées de manchons pilaires. Enfin, chez le labrit, des lésions généralisées très “comédoneuses” et peu “alopéciantes” sont habituelles.
L’apparition de papules et de pustules lors de pyodermite superficielle est éventuellement suivie par la survenue de fistules, voire d’une cellulite lors de pyodermite profonde. Ces lésions sont souvent prurigineuses et douloureuses. Les complications bactériennes seraient plus rapides et plus fréquentes chez l’adulte que dans la forme juvénile. Au stade terminal, un retentissement sur l’état général est généralement observé. L’animal présente de la fièvre. Il est maigre, anorexique et léthargique. Lors de cellulite démodécique étendue et ancienne, il n’est pas rare de noter une septicémie. A terme, l’animal peut en mourir.
Si le diagnostic est aisé, et s’effectue essentiellement par la réalisation de raclages cutanés multiples jusqu’à la rosée sanguine, voire d’un trichogramme sur les zones lésionnelles, le traitement est parfois un véritable challenge.
Un traitement topique ou un traitement systémique, mais rarement les deux en même temps, peut être réalisé. Il n’existe pas un seul, mais des traitements de la démodécie. Il est choisi au cas par cas selon la race, la localisation des lésions, les moyens financiers du propriétaire, etc. Quel que soit le traitement, il doit être réalisé jusqu’à l’obtention de deux raclages négatifs à un mois d’intervalle.
L’amitraz (Ectodex®) est le seul topique qui possède une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France. Une fois dilué à 0,05 %, il est appliqué sur l’animal tous les cinq à sept jours. Ce produit, particulièrement efficace, est à utiliser avec précaution. Il n’est en effet pas dénué de toxicité, tant pour l’animal que pour le manipulateur.
Les acaricides systémiques qui peuvent être employés font partie des lactones macrocycliques. Il s’agit des avermectines comme l’ivermectine et les milbémycines, ou encore la milbémycine oxime et la moxidectine. Le choix se porte de préférence sur les produits qui disposent d’une AMM chez le chien pour cette indication. La milbémycine oxime (Interceptor®), par voie orale à la dose de 0,5 mg/ kg/j, et plus récemment la moxidectine en spot-on (Advocate®) sont utilisées.
L’ivermectine, employée hors AMM dans cette indication depuis les années 80 chez le chien, n’est pas dénuée de toxicité. Elle peut être à l’origine de réactions idiosyncrasiques chez certaines races comme le colley, ou d’intoxication par surdosage pour toutes les autres races. Son utilisation s’effectue donc sous l’entière responsabilité du prescripteur.
La démodécie, qui est pourtant facile à éradiquer, reste une dermatose parasitaire fréquente chez le chien. Toutefois, elle est généralement facile à contrôler si le suivi mensuel est bien effectué.
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