Olivier Aynaud, secrétaire général de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL)
Gestion
ENTRETIEN AVEC…
Auteur(s) : Marine Neveux
Olivier Aynaud analyse l’évolution des professions libérales et sur les restructurations auxquelles elles font face : le spectre de davantage de libéralisme au sein de certaines d’entre elles, la formation continue, leur rôle essentiel de proximité, leur identification par la société, etc.
Olivier Aynaud : Le rapport Cahuc-Kramarz fait un amalgame total entre les réglementations des différentes professions. Il existe même une confusion sur la notion de “profession réglementée”. Les exigences et les conséquences en termes de santé publique, pour un métier comme celui de vétérinaire, sont pourtant bien loin de celles d’autres professionnels, comme les chauffeurs de taxi.
Dans ce cadre, il faut être conscient que le travail individuel deviendrait difficile. La démarche de formation, de qualité, la mutualisation des compétences seront des remparts contre la libéralisation à outrance d’un diplôme. Néanmoins, il est possible d’envisager une délégation qui viendrait délester les vétérinaires de certaines tâches et qui leur permettrait de mieux se concentrer sur des actes plus pointus de leur exercice.
Les Anglo-Saxons, comme d’autres Européens, sont bien plus en avance que les Français sur la délégation de certains actes, que ce soit en médecine vétérinaire, humaine, etc. Les Canadiens aussi ont déjà adopté cette démarche, de même que le conseil, qui est valorisé et rémunéré.
Concernant l’ouverture du capital, la question est la même que celle qui se pose dans une société holding : à quels pourcentages doit-on l’ouvrir ? L’indépendance et la liberté sont les principes mêmes qui définissent une profession libérale. Elle ne doit pas être subordonnée. L’ouverture du capital est une boîte de Pandore qui peut se révéler dangereuse.
O. A. : La réflexion penche toujours en faveur de la majorité, ce qui a été le cas pour les mesures prises pour les heures supplémentaires. Les salariés peuvent y voir un intérêt, les professionnels libéraux pas vraiment. Il y a eu des avancées fiscales, comme sur les intérêts d’emprunt. La question de la taxe professionnelle se pose encore, et il convient de déterminer si le régime commun convient à l’ensemble des professions libérales.
O. A. : Il existe une mutualisation de l’ensemble des cotisations, et les professions qui utilisent ce fonds compensent pour les autres. Toutefois, ce pool commun devient aujourd’hui difficile à équilibrer. La question se pose en effet de savoir si l’enveloppe est suffisante pour la formation continue qui tend à devenir obligatoire. Le milieu socioprofessionnel veut-il vraiment investir dans des critères de qualité de formation ? Dans ce cas, la part de cotisation nous paraît dérisoire par rapport à ce qu’elle veut produire.
O. A. : Il est possible d’envisager une participation de l’industrie. Une autre solution peut être proposée, comme élever la part de cotisation, mais cela serait insuffisant pour compenser. La réflexion à engager doit être transversale.
O. A. : A partir du moment où un cahier des charges est clairement établi, il n’est pas gênant que l’industrie participe à la gestion de la formation. Le vétérinaire reste libre de prescrire, de délivrer les médicaments de son choix. Si un cahier des charges est défini et que les différents acteurs du milieu peuvent intervenir, il ne risque pas d’y perdre son indépendance.
O. A. : Nous prônons plutôt l’exercice en groupe, pour développer le concept d’entreprise qui permet de mutualiser les éléments de la clinique. Le travail en groupe favorise aussi un échange de connaissances et dégage du temps pour la vie privée.
En outre, nous observons aujourd’hui un milieu socioprofessionnel en évolution, dans lequel les épouses des vétérinaires soit sont vétérinaires également, soit exercent une autre activité professionnelle. La vision d’antan de la femme qui assiste bénévolement son mari dans son cabinet n’est plus d’actualité. Alors que le métier de vétérinaire se féminise, à l’instar d’autres professions libérales, l’exercice en groupe permet de consacrer plus de temps à sa vie familiale, mais aussi à son activité professionnelle (temps pour se former, partage des tâches administratives au sein de la clinique, etc.).
O. A. : Quelle que soit la profession libérale, il y a toujours une partie des professionnels qui veulent s’installer dans le salariat. Je ne suis pas inquiet pour autant, ces professions sauront garder des libéraux. C’est une question sociologique. Le statut de collaborateur libéral peut être une solution. Il faut différencier la fonction professionnelle de la structure entrepreneuriale.
En outre, l’UNAPL travaille avec les universités pour montrer qu’il est possible pour une profession libérale de fonder une entreprise. Il n’y a rien à redouter dans la création d’entreprise.
O. A. : Le secteur des entreprises des professions libérales est en progression. Celui des services aux entreprises (consultants, conseil, etc.) est en développement. Nous voyons aussi de nouveaux métiers apparaître dans les technologies de l’image.
Les professionnels libéraux sont des acteurs de proximité. S’ils n’étaient pas là, bien des services ne pourraient pas fonctionner en France. Ils offrent en effet un service au public et sont répartis sur l’ensemble du territoire. Le cas du chien enragé importé en 2004 en Gironde a montré l’importance des praticiens vétérinaires pour permettre une bonne gestion du problème. Concernant la grippe aviaire, ils ont aussi été les premiers acteurs de terrain.
Cette proximité est indispensable dans d’autres professions libérales, comme les juristes : l’aide juridictionnelle aux personnes sans ressources en est un exemple.
Je ne suis donc pas inquiet pour les professions libérales, mais c’est aux professionnels de se prendre en charge et de se structurer. Nos aînés étaient différents de nous, les jeunes le seront aussi, les évolutions sont normales et nécessaires, et il revient aux professionnels d’en être les acteurs.
Il est, en revanche, important de garder une cohésion de tout le secteur. Les artisans en sont un bon exemple : ils englobent des professions particulièrement diverses, mais ils ont su montrer une unité dans leur secteur professionnel, comme l’a illustré leur campagne de communication.
O. A. : Nous souhaitons une reconnaissance complète du secteur socioprofessionnel des entreprises libérales.
Au niveau régional, dans le cadre des aménagements du territoire, il est souvent regrettable de n’interroger que les entrepreneurs, et non les acteurs du secteur libéral.
Les professionnels libéraux sont souvent identifiés comme des personnes seules et le concept d’entrepreneur, avec la création d’emploi associée, n’est pas bien reconnu. Nous sommes mal identifiés, mais les professionnels libéraux font-ils tout pour se distinguer ?
Quand il est question des très petites entreprises, l’artisanat et le commerce émergent, alors que le professionnel libéral reste en retrait. L’UNAPL a le projet de structurer les régions pour qu’il y ait des interlocuteurs des professions libérales dans chacune d’entre elles.
Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »
L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.
En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire
Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.
Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.
Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire