« L’impact des résidus médicamenteux dans l’eau est un thème émergent »

La Semaine Vétérinaire : L’Agence nationale du médicament vétérinaire (Afssa-ANMV) est en charge des études écotoxicologiques des médicaments vétérinaires. En quoi consistent ces travaux ?

Gaël Virlouvet : L’écotoxicologie étudie l’impact des produits chimiques, dont les médicaments, sur l’environnement. Elle s’est beaucoup développée depuis 2001, l’année d’entrée en vigueur de directives européennes aux exigences renforcées vis-à-vis du risque pour l’environnement. L’ANMV est chargée d’évaluer le médicament vétérinaire, c’est-à-dire de déterminer ses bénéfices (efficacité chez l’animal et en termes de santé publique) et ses risques. Ces derniers comprennent le risque pour l’animal qui le reçoit, pour la personne qui le manipule, pour le consommateur de denrées produites par l’animal traité et pour l’environnement. L’émergence de la prise en compte du risque environnemental répond en partie à une demande sociétale. Ainsi, un groupe européen d’experts en écotoxicologie du médicament vétérinaire a été pérennisé en 2006 au sein de l’Agence européenne du médicament (EMEA). La difficulté de l’évaluation du risque pour l’environnement réside dans le fait qu’elle repose sur la modélisation, à partir d’études en laboratoire et d’extrapolations. En effet, les études de terrain sont peu reproductibles (de nombreux facteurs sont susceptibles d’interférer avec les résultats, comme l’influence des conditions météorologiques). Quant aux données de pharmacovigilance, elles sont inexistantes dans ce domaine. A moins d’une pollution aiguë, il est difficile de relier un effet écotoxicologique constaté à sa cause.

S. V. : Quand la prise de conscience de la pollution des eaux par les médicaments a-t-elle eu lieu ?

G. V. : Au milieu des années 90, les premières études scientifiques ont signalé la présence de résidus de médicaments dans les eaux. Les analyses ont alors montré que ces résidus étaient présents à des concentrations de quelques microgrammes par litre dans le milieu naturel et de quelques nanogrammes par litre dans l’eau du robinet. Des pics ont été décelés dans certains endroits, notamment dans la calanque de Cortiou, à Marseille, où les résidus de paracétamol ont été mesurés à 250 µg/l.

S. V. : Les médicaments vétérinaires sont-ils impliqués dans la pollution des eaux ?

G. V. : L’impact des résidus médicamenteux vétérinaires sur l’environnement est encore mal connu. Concernant la pollution des eaux, les principales molécules incriminées aujourd’hui sont à usage humain (majoritairement des hormones dans les contraceptifs, des psychotropes et des hypocholestérolémiants). Les médicaments vétérinaires ne sont pas autant concernés, pour le moment, par la pollution des eaux. Toutefois, ils peuvent être incriminés dans celle des écosystèmes, comme l’ont été les avermectines à la fin des années 80, mises en cause dans la mortalité des bousiers. Des groupes de réflexion spécifiques à la pollution des eaux par les médicaments, incluant le médicament vétérinaire, se mettent peu à peu en place. Comme dans d’autres domaines de l’écotoxicologie, l’une des interrogations principales porte sur l’impact des “cocktails” de résidus de médicaments. A terme, la question des résidus de médicaments dans l’eau aura probablement des conséquences sur les processus d’autorisations de mise sur le marché, d’autant que, dorénavant, les études d’écotoxicologie concernent également les médicaments génériques.