Le syndrome hémorragique intestinal est une affection “récente” non anecdotique - La Semaine Vétérinaire n° 1283 du 21/09/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1283 du 21/09/2007

Pathologie bovine

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Paul Périé

Bien que peu fréquente, cette maladie est assortie d’un pronostic réservé et touche particulièrement les animaux à forte valeur économique.

Le syndrome hémorragique intestinal est une entérite nécro-hémorragique caractérisée par la présence d’un volumineux caillot dans la lumière de l’intestin grêle, sans autre lésion intestinale ou extraintestinale susceptible de provoquer une obstruction du tube digestif. Cette affection, peu fréquente, est décrite pour la première fois dans les années 90, mais reste probablement sous diagnostiquée. Les journées nationales des Groupements techniques vétérinaires, qui se sont tenues à Nantes (Loire-Atlantique), en mai dernier, ont été l’occasion pour notre confrère Michaël Lallemand de présenter les caractéristiques de cette affection.

5 % des élevages américains auraient connu au moins un cas en 2002

Le syndrome hémorragique intestinal affecte de préférence les vaches laitières hautes productrices, essentiellement les prim’ holstein (race la plus représentée), mais les races à viande peuvent également être touchées. Aucune prédisposition sexuelle n’est notée, même si ce syndrome touche principalement les vaches au cours des cent premiers jours de lactation. Aucune saisonnalité n’a clairement pu être mise en évidence.

Si cette maladie est peu fréquente, elles n’est pas anecdotique : 5 % des élevages américains auraient déploré au moins un bovin atteint en 2002. Les cas apparaissent généralement de façon sporadique, bien qu’une ferme ait connu un épisode épizootique aux Etats-Unis. Un élevage de grande taille (plus de cent têtes), une ration alimentaire riche et l’ensemble des pratiques d’élevage visant à obtenir une production laitière élevée constituent les principaux facteurs de risque d’apparition de la maladie. Outre-Atlantique, l’administration de somatotropine bovine entre aussi en ligne de compte.

Clostridium perfringens pourrait être impliqué dans la pathogénie du syndrome

De nombreuses études ont évoqué le rôle potentiel de Clostridium perfringens de type A dans la pathogénie de cette affection. En effet, ce germe est fréquemment isolé dans les prélèvements de matières fécales et les biopsies intestinales réalisés chez les bovins atteints. Une toxine produite par ce germe, la toxine β2, est présente dans environ la moitié des échantillons de contenu digestif prélevés à l’occasion d’une étude comparative avec le déplacement de caillette à gauche.

Plusieurs hypothèses sont proposées pour expliquer le rôle pathogène éventuel de C. perfringens :

- un substrat intestinal riche en glucides et en protéines pourrait favoriser la multiplication de la bactérie et la production de toxines ;

- les bovins consommeraient la toxine préformée dans des ensilages mal fermentés ;

- un ralentissement du péristaltisme intestinal entraînerait la stase des aliments et la multiplication accélérée des clostridies.

Cependant, il existe encore quelques doutes quant au rôle précis de cette bactérie. En effet, Clostridium perfringens fait partie de la flore digestive normale des ruminants. Sa prolifération pourrait être secondaire à l’apparition du caillot et la clostridie se comporterait comme un germe opportuniste. En outre, l’inoculation d’une culture pure de C. perfringens n’a pas permis de reproduire la maladie. Ainsi, en l’état actuel des connaissances, il n’est pas possible d’incriminer avec certitude ce germe dans la pathogénie du syndrome hémorragique intestinal.

Deux tableaux cliniques selon le degré d’obstruction de la lumière intestinale

L’abattement, l’anorexie et la chute de la production laitière constituent les motifs d’appel de l’éleveur. Deux formes cliniques peuvent ensuite être distinguées, selon le degré d’obstruction de la lumière intestinale par le caillot :

- une forme obstructive – caractérisée par une colique, une distension abdominale plus accentuée à droite, une tachycardie et une constipation sévère – qui évolue rapidement vers un état de choc (une dilatation des anses intestinales peut parfois être mise en évidence lors de la palpation transrectale) ;

- une forme non obstructive, caractérisée par une diarrhée, un méléna, une tachycardie et une déshydratation. Les symptômes généraux sont d’ordinaire moins prononcés pour cette forme. Des muqueuses roses ou une absence de méléna ne permettent en aucun cas d’exclure le syndrome hémorragique intestinal.

Le diagnostic différentiel varie selon la forme. Dans le cas d’une forme obstructive, il ne faut pas confrondre ce syndrome avec un iléus paralytique, un volvulus, une intussusception, une incarcération d’une anse intestinale, une torsion de la racine du mésentère, ou encore une torsion de la caillette. Lorsque la forme est non obstructive, il convient de la distinguer d’une salmonellose, de la diarrhée virale bovine maladie des muqueuses, de la coccidiose, de l’entérite hémorragique d’hiver ou d’un ulcère de la caillette.

Examens hémato-biochimiques, laparotomie exploratrice et échographie

Une leucocytose neutrophilique parfois associée à une lymphopénie, ainsi qu’une alcalose métabolique avec hypokaliémie, hypochlorémie, hyponatrémie et hyperglycémie, sont fréquemment rencontrées. L’activité des enzymes hépatiques est souvent augmentée, de même que l’urémie et parfois le fibrinogène. La laparotomie exploratrice est l’examen de choix pour confirmer un syndrome hémorragique intestinal. Elle est réalisée par le flanc droit afin de mettre en évidence un caillot sanguin obstruant la lumière intestinale en l’absence d’autre lésion. La laparotomie peut aboutir à une intervention chirurgicale si l’état de l’animal le nécessite.

Une échographie abdominale, si elle est réalisable, permet d’observer au niveau du flanc droit une dilatation marquée des anses intestinales et, parfois, de visualiser le caillot.

Les techniques de coproscopie, de sérologie, de virologie, de bactériologie sont utilisées essentiellement a posteriori, pour exclure d’autres affections.

Le traitement de choix du syndrome hémorragique intestinal est chirurgical

La prise en charge médicale est essentiellement symptomatique et associe une fluidothérapie, des anti-inflammatoires non stéroïdiens et des antibiotiques, bien que l’usage de ces derniers soit controversé. D’autres molécules peuvent également être associées : gastro-kinétiques (métoclopramide, néostigmine, érythromycine), analgésiques (morphine, butorphanol), pansements digestifs, laxatifs, transfaunation. Une transfusion, si elle est réalisable, est envisageable lors d’anémie sévère.

Quant au traitement chirurgical, il fait bien entendu appel à une laparotomie, qui peut être suivie d’une entérotomie, voire d’une entérectomie. Parfois, seule une rupture du caillot par taxis externe est nécessaire.

Le pronostic est généralement sombre et le traitement médical seul est décevant. Le pronostic s’améliore en cas de traitement chirurgical (taux de survie de 60 % rapporté à l’occasion d’une étude rétrospective publiée par la faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe, au Québec). Cependant, lorsque ce syndrome prend un aspect multifocal, avec plusieurs segments intestinaux atteints, le traitement chirurgical est illusoire. Ainsi, « le syndrome hémorragique intestinal doit dorénavant faire partie du diagnostic différentiel des syndromes occlusifs et des entérites hémorragiques », estime notre confrère.

CONFÉRENCIER

Michaël Lallemand, praticien à Melay (Maine-et-Loire).

Article rédigé d’après la conférence « Le syndrome hémorragique intestinal : connaissances actuelles », présentée lors des Journées des GTV, en mai 2007.

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