« La mise en place de stents valvés est l’une des spécialités du centre de recherche »

La Semaine Vétérinaire : Pouvez-vous présenter votre équipe, ainsi que vos travaux en cardiologie interventionnelle ?

Nicolas Borenstein : Notre laboratoire est un centre d’expérimentation et de recherche appliquée. Notre première mission est de valider de nouveaux dispositifs médicaux ou de nouvelles démarches thérapeutiques avant leur utilisation chez l’homme.

Même si nous touchons à la plupart des spécialités médicales et chirurgicales, notre savoir-faire principal est la chirurgie cardiaque et la cardiologie interventionnelle. Nous développons donc des valves cardiaques, des stents coronaires et toutes sortes de dispositifs. Nous nous situons dans une réelle démarche préclinique, car les procédures et autres dispositifs validés sont utilisés rapidement chez l’homme, parfois à peine quelques mois plus tard.

Pour faire fonctionner le laboratoire, nous sommes dix employés à temps plein, dont deux vétérinaires responsables scientifiques et techniques, sept techniciens et un responsable d’assurance qualité. Nous déclinons toutes les possibilités, entre la simple mise à disposition d’un plateau technique opératoire et la prise en charge complète des projets des expérimentateurs et des commanditaires qui viennent chez nous. Totalement indépendants de l’hôpital dans lequel nous sommes hébergés, nos choix stratégiques et scientifiques nous appartiennent. Si un projet est scientifiquement, techniquement, financièrement et éthiquement acceptable, il peut être mené dans notre laboratoire sans difficulté.

S. V. : Quelles sont les applications concrètes de vos recherches ?

N. B. : Nous avons plusieurs subspécialités, dont la thérapie cellulaire et, en cardiologie, la mise en place de stents valvés. Ce sont des stents métalliques, largués sur la valve aortique ou pulmonaire native, et qui contiennent en leur sein une valve repliée, qui s’ouvre à la faveur du largage. Ce système de stent permet le largage par un abord percutané, au travers d’introducteurs et de cathéters. Il s’agit donc d’une approche mini-invasive qui, à terme, se substituera aux nombreux remplacements valvulaires pratiqués encore aujourd’hui en chirurgie ouverte, avec circulation extracorporelle. Le bénéfice pour le patient est considérable.

Notre plateau technique cardio-vasculaire complet (chirurgical et interventionnel) peut également être utilisé pour la chirurgie et la cardiologie vétérinaires. Dans le cadre d’un partenariat avec l’unité de cardiologie de l’école vétérinaire d’Alfort (Pr Chetboul), nous opérons des chiens atteints d’affections cardiaques. Parmi les interventions pratiquées, nous posons des pace makers, réalisons des angioplasties pulmonaires (traitement percutané des sténoses pulmonaires), opérons des canaux artériels par voie mini-invasive et remplaçons des valves cardiaques défectueuses. Notre centre est l’un des rares en Europe à pratiquer ces interventions. Néanmoins, notre expérience n’est pas encore suffisante pour faire état de statistiques solides concernant nos succès opératoires. Après une nécessaire phase de rodage, en particulier pour la chirurgie cardiaque, nos résultats nous invitent désormais à continuer dans cette direction et à suggérer aux vétérinaires de parler de ces options thérapeutiques à leurs clients.

S. V. : Qui finance vos travaux ?

N. B. : Nos travaux expérimentaux sont essentiellement financés par l’industrie (grands groupes ou start-up), qui commandite les études. Quelques fondations soutiennent également des travaux de recherche menés dans notre laboratoire. Enfin, les interventions pratiquées sur des cas cliniques vétérinaires sont payées par les propriétaires. Bien souvent, le prix de l’opération est inférieur au simple coût de la valve cardiaque ou du pace maker, mais nous avons des arrangements avec des partenaires industriels. Notre objectif est de ne pas perdre d’argent, en payant les frais de bloc opératoire, mais certainement pas d’en faire un commerce ! Ce serait trop ruineux pour les propriétaires. Pour information, un remplacement valvulaire sous circulation extracorporelle coûte entre 10 000 et 15 000 $ dans les quelques centres universitaires américains qui pratiquent ce genre d’acte. La même intervention est facturée 1 500 à 1 700 € à l’IMM-Recherche.

Notre objectif scientifique et technique est de faire progresser la prise en charge thérapeutique des animaux de compagnie en cardiologie vétérinaire. Ce n’est pas la première mission du laboratoire, cela ne peut pas être non plus une source de rentrées financières, mais c’est un peu un rêve de vétérinaire qui devient réalité.