« Nous ne sommes pas à l’abri de l’explosion de maladies émergentes »

Le vétérinaire joue un rôle essentiel dans la gestion des maladies infectieuses. Dans ce cadre, les travaux de l’Association vétérinaire équine française (Avef), via sa commission “maladies infectieuses, parasitaires et toxiques”, et du Réseau d’épidémiosurveillance des pathologies équines (Respe) suivent plusieurs orientations.

Lors des journées de Deauville, notre confrère François Valon a notamment abordé la place que les herpès virus peuvent tenir dans le syndrome piro-like. Le réseau dédié à la gourme a aussi été présenté à la lumière de la thèse vétérinaire menée par nos deux consœurs Hélène Rocques et Roxane Cazin à l’école de Lyon, sous la direction du professeur Jean-Luc Cadoré. Certains résultats de leur enquête ont en effet permis de remettre en question quelques données de la littérature.

Une véritable enquête épidémiologique sur l’artérite virale

Cette année, l’épisode d’artérite virale équine a mis en exergue l’intérêt d’une réactivité et d’une coordination fortes entre tous les acteurs de la filière équine. Jusqu’à l’été dernier, de nombreuses infections par ce virus restaient peu ou pas symptomatiques, comme l’a rappelé notre confrère Pierre-Hugues Pitel (laboratoire Frank Duncombe, Caen).

La Normandie a payé un lourd tribut lors de l’épisode estival. Plus de deux cents chevaux ont été touchés, entraînant des pertes économiques lourdes dans certaines structures. « Grâce au Respe, nous avons pu accompagner les vétérinaires sentinelles sur le terrain, nous rendre directement dans les haras, les centres équestres, etc., explique Pierre-Hugues Pitel. Nous avons réalisé une véritable enquête épidémiologique. »

En outre, le typage de la souche est aussi essentiel. « D’un point de vue génétique, nous ne sommes pas loin des souches avirulentes. » Plusieurs hypothèses sont avancées : s’agit-il d’une mutation – chez un étalon excréteur, il existe en effet une propension à la mutation – ou une souche a-t-elle été importée ? « L’intérêt du lignage prend ici toute sa mesure. »

Plusieurs enseignements sont tirés de l’épisode estival d’artérite

La réactivité importante du réseau de l’Avef a permis de centraliser les données épidémiologiques. Désormais, l’association entend « inclure l’artérite virale dans la recherche de la grippe et de la rhinopneumonie lors de syndrome respiratoire aigu en routine ». Un suivi moléculaire serait également intéressant.

Face au problème initial pour faire circuler l’information, en raison de la grande diversité des interlocuteurs, le comité de suivi mis en place a apporté son aide. D’autant qu’il était possible de trouver tout et n’importe quoi sur certains blogs d’amateurs… un problème qu’il a bien fallu gérer. Le vétérinaire a été replacé au cœur du volet sanitaire et une bonne réaction des acteurs socioprofessionnels a été constatée, comme l’a souligné Pierre-Hugues Pitel.

L’artérite virale est une maladie à déclaration obligatoire (MDO), c’est donc à la filière de s’organiser. Ainsi, « pour l’année prochaine, il y a certainement des mesures à prendre vis-à-vis des étalons ». Pour la saison de reproduction 2008, dans le cadre de l’insémination artificielle, une recherche systématique du virus chez les étalons collectés est prévue. Pour les étalons en monte naturelle, le comité a émis le souhait d’un suivi en début et en fin de saison (au moins sérologique). Ensuite, comme l’artérite est une MDO, les mesures à prendre ne peuvent pas être imposées à la filière, mais les décisions sont dans les mains des stud-books.

Enfin, si cet épisode a engendré une crise importante, il ne doit pas masquer le rôle d’autres agents pathogènes.

La grippe équine mérite un réseau de suivi des cas et une coordination internationale

Pierre-Hugues Pitel et Christel Marcillaud-Pitel ont en outre abordé, par l’exemple, les conséquences et la gestion appliquées à un épisode de grippe. Ainsi, cet été au Japon, sur des effectifs vaccinés, deux centres et trois champs de course ont été touchés par l’affection en une semaine. Sur chaque site, 10 à 15 % de syndromes fébriles ont été observés. L’Australie, indemne jusqu’en août dernier, a vu en vingt-quatre heures plus de trois cents centres équestres contaminés et, début octobre, plus de trente-six mille cas étaient confirmés…

« Tous ces exemples mettent en exergue l’intérêt pour la filière d’un réseau interactif de suivi des cas et de veille sanitaire, a préconisé Christel Marcillaud-Pitel. Un ressenti identique existe dans plusieurs pays, ainsi qu’un besoin de coordination internationale entre les réseaux. »

De même, une coordination entre les différents intervenants et la reconnaissance de ces réseaux sont apparues comme nécessaires. Concernant celui dédié aux affections nerveuses, selon notre confrère Pierre Tritz, « l’épizootie de West Nile aux Etats-Unis en 1999 et la récente crise de la fièvre catarrhale ovine (virus proche de la peste équine) montrent que nous ne sommes pas à l’abri de l’introduction et de l’explosion de maladies émergentes ».