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Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait
Les objectifs de production fixés par la France pour 2010 nécessiteront 855 000 t de céréales, soit un tiers des importations bretonnes. Elles seront remplacées par des coproduits de composition variable et non standardisée. L’évolution des productions animales et des moyens logistiques sera déterminante pour l’approvisionnement des usines d’aliments.
Au sein de l’Union européenne, l’alimentation du bétail absorbe à elle seule 60 % des céréales et constitue le premier débouché des récoltes françaises. Ce marché représente le double des exportations de la France vers les pays tiers. La réforme de la politique agricole commune (PAC), en 1992, a mis fin aux importations massives de manioc, de corn gluten feed et de corn distiller par les fabricants d’aliments du bétail, au profit des arrivages de céréales en provenance des grands bassins céréaliers français, particulièrement compétitifs sur le blé.
De ce fait, les cahiers des charges des productions hors sol reposent majoritairement sur l’incorporation de céréales dans les formules. Les récentes tensions au niveau de la demande en céréales, conséquence d’une offre mondiale inférieure à la demande(1), posent la question de la sécurisation et de l’évolution de l’approvisionnement en matières premières des fabricants d’aliments du bétail. Tant au niveau mondial que national, le développement massif des agrocarburants pénalisera l’offre en céréales. Quel impact aura leur développement si toutes les usines, en projet comme en construction, entrent en production ? Quelle place prendront les coproduits de la fabrication des agrocarburants, éthanol et biodiesel, dans l’alimentation du bétail ? Quel bénéfice pourront en tirer les productions animales ?
Cette dernière question est particulièrement stratégique pour la Bretagne qui concentre 58 % de la production porcine, 44 % de celle des œufs, 36 % des volailles de chair, 21 % du lait produit, mais seulement 5 % des surfaces en grandes cultures. Depuis 2002, fabricants d’aliments du bétail, importateurs, triturateurs, zones portuaires, fournisseurs de matières premières, organismes stockeurs, groupements de producteurs, entreprises logistiques, etc.,(2) étudient les perspectives pour l’alimentation animale en Bretagne et l’approvisionnement en matières premières à l’horizon 2015. Grâce à un partenariat entre l’unité d’économie et de sociologie rurales de Rennes avec le chercheur Yves Dronne et le service “économie” de la chambre régionale d’agriculture de Bretagne, ils se sont dotés d’un outil de simulation, Feedsim. Cet outil permet de confronter différentes hypothèses d’évolution, d’en étudier et quantifier l’incidence sur le secteur de l’alimentation animale et son approvisionnement en matières premières. Les bilans établis dans le cadre de ce projet ont permis de quantifier les besoins en matières premières de la Bretagne. Ces derniers ont été présentés par Yves Dronne, lors du dernier Salon des productions animales (Space).
En 2003, le déficit de cette région est évalué à 7 millions de tonnes, dont 38 % de céréales et 29 % de tourteaux. 2,9 millions de tonnes sont acheminées par la route, 2,2 millions par le chemin de fer et 1,9 million par les ports (voir cartes 1, 2 et 3 en pages 32 et 33). « La Bretagne est la seule région qui a un secteur déficitaire à la fois en matières protéiques et en céréales », explique Laurent Morin, responsable de l’association Feedsim Avenir. Bien que son éloignement des bassins de production soit un inconvénient majeur, cette région est dotée de solides atouts logistiques. « La Bretagne est ancrée à l’est par le fer et à l’ouest par ses ports, indique le responsable de l’association. Le transport ferroviaire est primordial pour faire venir les céréales. » D’ailleurs, l’alimentation animale est le premier secteur français à utiliser des concurrents de la SNCF. « Les zones portuaires permettent à la Bretagne de s’insérer dans le flux mondial des matières premières, tant pour l’importation que pour l’exportation. De plus, le cabotage peut être pratiqué depuis les autres régions de France telles que le Nord. »
Toutefois, l’atout logistique portuaire de la Bretagne souffre actuellement de l’augmentation des cours du transport maritime (+ 150 % sur les prix du transport en vrac des matières sèches, minéraux et végétaux) et de l’accroissement du trafic vers la Chine(3), qui se traduit au niveau mondial par une offre de transport insuffisante.
La fabrication des agrocarburants produit des coproduits qui ont une valeur nutritionnelle intéressante et peuvent en partie se substituer aux intrants actuels. Compte tenu des objectifs d’incorporation fixés à l’horizon 2010 (3,96 % pour les Etats-Unis, 5,75 % pour l’Union européenne, 7 % pour la France), les tonnages de coproduits disponibles dans les années à venir seront considérables. Actuellement, l’alimentation animale utilise 50 000 t de drèches, valorisées essentiellement par les bovins. En 2010, les usines de production de bioéthanol commercialiseront sur le marché français 700 000 t de drèches de blé et 160 000 t de drèches de maïs (voir carte 4). Pour l’année en cours, les prévisions de la production française de tourteaux de colza s’élèvent à 1 400 000 t et, pour le tourteau de tournesol, à 562 000 t (voir carte 5). Les capacités actuelles de trituration française permettent la production de 3 400 000 t de tourteaux d’oléagineux. En 2008 et 2009, cette production pourrait atteindre 5 400 000 t.
Les perspectives d’approvisionnement de ces coproduits par les fabricants d’aliments du bétail de la région Bretagne, voire plus globalement du grand Ouest, et les simulations réalisées avec Feedsim sur le sujet sont confidentielles. Toutefois, « il est possible de retenir des éléments généraux », indique Yves Dronne.
Avec un différentiel de prix par rapport au tourteau de soja de 65 %, les tourteaux de colza provenant des usines de trituration de Brest (Finistère), de Montoir (Loire-Atlantique) et de Rouen (Seine-Maritime) présentent un intérêt certain. Et le grand Ouest est capable d’absorber tout ce qui est produit par ces trois usines. Les autres sites de production sont trop éloignés, à l’exception de celui de Venette à proximité de Compiègne (Oise) mais, selon Yves Dronne, la logistique depuis cette usine ne présente pas d’intérêt pour le grand Ouest. Ainsi, le tourteau de soja continue d’être une matière première intéressante. « Ce produit est parfaitement maîtrisé, il n’y a pas de problème d’utilisation et il est bien accepté par les éleveurs », signale le chercheur. Malgré tout, l’utilisation des tourteaux de colza a considérablement progressé. Il existe en particulier un marché captif en production de volailles de chair.
Pour ce qui est des drèches, la situation est plus compliquée. Leur composition n’est pas bien connue et, au niveau français, leur disponibilité est actuellement limitée. En outre, ce produit est hétérogène d’une usine à l’autre et varie selon le procédé de production, y compris à l’intérieur d’un même site. Pourtant, les drèches constituent une ressource potentielle qui pourrait devenir importante, en particulier si elles sont mises sur le marché sous forme sèche. « Elles pourront être facilement utilisées pour les ruminants en aliment composé ou via un achat direct, explique Yves Dronne. En production porcine, leur taux d’incorporation pourrait être de 5 %. Leur utilisation est plus limitée chez les volailles en raison de leur teneur limitée en énergie et en protéines. »
Quant au prix d’intérêt des drèches, il est fortement dépendant du cours des céréales et du tourteau de soja. A ce titre, la question de la rentabilité de la production de bioéthanol se pose, au regard de l’évolution des cours des céréales et de leur utilisation. Au niveau mondial, le blé est préférentiellement employé pour l’alimentation humaine.
« Les modélisations internationales et celles de l’Inra penchent en faveur d’une hausse durable du prix des céréales et des huiles, sous l’effet de la croissance de la demande de l’alimentation humaine et animale et, dans une moindre mesure, de la production d’agrocarburants », atteste Yves Dronne. Le court terme manque de lisibilité, malgré le plan national de développement des agrocarburants, d’autant plus que le taux d’incorporation de 2 % fixé pour 2005 n’est toujours pas atteint cette année. Les variables sont multiples. En effet, Le secteur de la nutrition animale se situe à la croisée des chemins des productions animales, des productions végétales, de la logistique et des marchés de l’énergie.
Mais au cours des trente dernières années, la Bretagne a régulièrement adapté son approvisionnement en céréales, en termes de quantité et d’origine des produits, aux évolutions de la PAC et de la conjoncture internationale. Pour cela, elle a eu massivement recours, à certaines époques, aux importations de produits de substitution des céréales (manioc, corn gluten feed, etc.), a augmenté régulièrement ses productions intérieures (hausse des rendements) et a importé des céréales en provenance de pays tiers. A ce titre, l’année 2007 est un bon exemple. En raison des difficultés d’approvisionnement, les fabricants d’aliments du bétail ont importé du maïs brésilien non génétiquement modifié. Ces éléments démontrent la capacité d’adaptation de la puissante industrie des aliments composés bretonne et, plus globalement, du grand Ouest.
(1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1291 du 23/11/2007 en page 44.
(2) Association des fabricants d’aliments du bétail, Agrifeed, Ajinommoto Eurolysine SAS, Bunge France, Cargill, le port de Brest, le port du Légué, le port de Lorient, Saipol, SAS Le Cochon de Bretagne, SNCF Fret, Soules CAF. Depuis juin 2007, ils sont fédérés dans l’association Feedsim Avenir.
(3) « Les autoroutes maritimes de plus en plus sollicitées et de plus en plus chères », Le Monde de l’économie, 6/12/2007.
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