Traitement d’urgence de l’insuffisance cardiaque congestive et de l’hypertension aiguë
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Bénédicte Faure*, Sabine Bozon**
Fonctions :
*praticienne à la clinique vétérinaire Bozon à Versailles (Yvelines).
**praticienne à la clinique vétérinaire Bozon à Versailles (Yvelines).
La rapidité d’absorption du nitroprusside de sodium, puissant vasodilatateur, est adaptée aux urgences qui nécessitent une diminution immédiate de la précharge et de la postcharge cardiaques.
Le nitroprusside de sodium est un puissant vasodilatateur artériel et veineux qui appartient à la famille des dérivés nitrés. Commercialisé sous le nom de Nitriate® (Serb(1)), il fait partie des vingt-cinq médicaments humains à prescription dite restreinte (réservés à l’usage hospitalier) désormais accessibles aux vétérinaires(2). Pour s’en procurer, les confrères doivent s’adresser exclusivement au laboratoire Serb, et non à leur centrale ou à des pharmacies hospitalières qui sont toujours soumises à l’interdiction de fournir ce médicament particulier aux vétérinaires.
Ses principales caractéristiques sont sa puissance, sa rapidité d’action (voir encadré) et sa réversibilité immédiate, qui en font un vasodilatateur de choix dans le traitement d’urgence de l’insuffisance cardiaque congestive avec formation d’œdème aigu du poumon (OAP) et des crises hypertensives, notamment en cas de décollement rétinien aigu.
Les urgences hypertensives sont plus rares en médecine vétérinaire qu’en médecine humaine. Elles sont néanmoins régulièrement observées chez le chat. Une augmentation aiguë de la pression artérielle (PA systolique supérieure à 220 mmHg) est le plus souvent associée à une néphropathie, à une hyperthyroïdie, à un hypercorticisme, à un phéochromocytome ou à un diabète sucré. Il existe également des cas d’hypertension essentielle quand aucune cause sous-jacente n’est déterminée. Les conséquences peuvent être graves et se présenter notamment sous la forme d’un accident vasculaire cérébral, de troubles neurologiques, de cécité aiguë (décollement rétinien aigu, œdème du nerf optique), d’hyphéma, d’épistaxis, de vomissements ou de coma.
Chez l’insuffisant cardiaque, des mécanismes compensateurs se mettent en place pour pallier la diminution du débit cardiaque. Une vasoconstriction artérielle permanente permet ainsi de maintenir une pression artérielle normale et une vasoconstriction veineuse permanente ramène le sang vers le compartiment central, entraînant une hausse de la précharge qui permet d’augmenter le volume d’éjection. Ces mécanismes de compensation sont délétères à long terme, car ils augmentent la résistance périphérique, la précharge et la postcharge, et par conséquent le travail et la consommation d’énergie du cœur. Au final, cette situation aboutit à une décompensation cardiaque qui se traduit ensuite par un choc cardiogénique. Lors d’insuffisance cardiaque gauche, cette décompensation s’accompagne de la formation d’un œdème aigu du poumon, qui se manifeste par une insuffisance respiratoire aiguë.
L’objectif du traitement de l’insuffisance cardiaque congestive est d’éliminer rapidement l’œdème pulmonaire et de rétablir un débit cardiaque adéquat en favorisant la contractilité du cœur et en diminuant la précharge et la postcharge ventriculaires. La vasodilatation artérielle rapide induite par le nitroprusside permet une diminution de la résistance artérielle périphérique. Celle-ci se traduit par une baisse de la postcharge et une augmentation du volume d’éjection. La vasodilatation veineuse permet la redistribution du volume sanguin dans le réservoir veineux et une diminution de la pression dans les veines pulmonaires. Ces deux processus ont pour conséquence une baisse de la précharge et de la congestion pulmonaire.
L’administration de nitroprusside de sodium doit être associée à celle de furosémide (2 à 4 mg/kg, par voie intraveineuse, à répéter toutes les heures jusqu’à la normalisation de la fréquence respiratoire) afin de favoriser le drainage de l’œdème pulmonaire, et idéalement d’un inotrope (dobutamine à raison de 2,5 à 10 µg/kg/min ou pimobendane à la dose de 0,25 à 0,33 mg/kg per os, deux fois par jour) pour augmenter la contractilité myocardique. Lors de fibrillation atriale, l’administration de dobutamine doit être évitée. Elle est alors remplacée par la digoxine à la posologie de 0,011 mg/kg deux fois par jour (0,25 mg par prise au maximum).
Le nitroprusside de sodium est reconstitué extemporanément, dans une solution de glucose isotonique à 5 %. L’administration est réalisée par perfusion intraveineuse continue. L’induction du traitement s’effectue à la dose de 1,6 µg/kg/min chez le chien et 0,5 µg/kg/min chez le chat. Puis la dose est augmentée de 1 µg/kg/min chez le chien (0,5 µg/kg/min chez le chat) tous les quarts d’heure, jusqu’à la disparition de la dyspnée dans le cas de l’insuffisance cardiaque congestive ou la normalisation de la pression artérielle lors d’hypertension aiguë. La perfusion est ensuite maintenue à cette dose pendant huit à vingt-quatre heures. Enfin, la dose est diminuée progressivement en deux à douze heures selon les fréquences cardiaque et respiratoire.
La pression artérielle doit être monitorée pendant toute la durée de l’administration de nitroprusside de sodium, en raison du risque d’hypotension secondaire majeur. Elle doit être maintenue au-dessus de 70 mmHg. Si elle chute en dessous de cette valeur, la perfusion est immédiatement arrêtée.
Si la pression artérielle ne peut pas être suivie, le nitroprusside de sodium est administré à la dose de 5 µg/kg/min chez le chien (2,5 µg/kg/min chez le chat). Il est alors primordial d’effectuer une surveillance clinique continue de l’animal pour détecter précocement des signes d’hypotension : faiblesse, apathie, perte du pouls pédal (pression inférieure à 90 mmHg), perte du pouls fémoral (pression inférieure à 60 mmHg).
La majorité des effets secondaires sont la conséquence de l’effet hypotenseur du nitroprusside de sodium, notamment lorsque la pression artérielle chute trop rapidement. Chez l’homme, des nausées, de l’agitation, des vertiges et des fasciculations musculaires peuvent être observées. Ces symptômes disparaissent à l’arrêt de la perfusion. Le nitroprusside de sodium est irritant et ne doit donc pas être administré par voie périveineuse. En outre, il ne doit pas être utilisé chez les animaux hypotendus. Chez ceux atteints d’insuffisance hépatique et/ou d’insuffisance rénale, l’administration de ce vasodilatateur peut conduire à une intoxication au cyanure ou au thyocyanate. La détection d’une acidose est un signe précoce d’intoxication par le cyanure, alors que celle par le thyocyanate se traduit par un état de delirium chez le chien. L’apparition d’une résistance à la thérapie est également un signe de toxicité. L’administration de vitamine B12 pourrait prévenir la toxicité liée au cyanure.
Chez les animaux traités à long terme, la concentration sérique de thyocyanate est à contrôler. Une concentration supérieure à 100 µg/ml est considérée comme toxique.
(1) Laboratoire Serb : tél. 01 44 62 55 00, fax : 01 46 36 75 47. Le vétérinaire doit faire une demande écrite auprès du laboratoire pour s’en procurer, conformément à l’article R. 5141-122 du Code de la santé publique.
(2) Arrêté du 7/2/2007 publié au Journal officiel du 9/3/2007.
• Pharmacocinétique : le nitroprusside de sodium est rapidement absorbé par voie intraveineuse. La vasodilatation intervient immédiatement, si bien que la diminution de la pression artérielle a lieu dès le début de la perfusion. Son temps de demi-vie est court (deux minutes chez l’homme). Ainsi, la pression artérielle revient à sa valeur initiale une à dix minutes après l’arrêt de la perfusion. Le nitroprusside de sodium est dégradé en cyanure au niveau des érythrocytes et des tissus périphériques. Le cyanure circulant est transformé dans le foie en thyocyanate par une enzyme : la rhodanase. Le thyocyanate est ensuite éliminé dans les urines, les fèces et l’air expiré. Son temps de demi-vie est de 2,7 à 7 jours chez les animaux dont la fonction rénale est normale. Il augmente lors d’insuffisance rénale ou d’hyponatrémie.
• Pharmacodynamie : le monoxyde d’azote (NO) libéré à partir du nitroprusside de sodium agit directement au niveau de l’endothélium des vaisseaux sanguins et provoque le relâchement de la tunique vasculaire lisse, conduisant ainsi à une vasodilatation artérielle et veineuse, indépendante du système nerveux autonome.
Chez l’animal normal, l’administration de nitroprusside de sodium se traduit par une hypotension rapide et sévère. Chez l’animal insuffisant cardiaque, la vasodilatation entraîne une rapide diminution de la résistance périphérique et de la congestion veineuse. Cela se traduit par une baisse de la précharge et de la postcharge qui facilitent le travail du cœur et l’oxygénation du myocarde, ainsi qu’une diminution de la formation d’œdème.
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