Epizootie à Madagascar
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FILIÈRES
Auteur(s) : Marc Fouéré
La maladie, apparue sur l’île en 1997, y est désormais endémique et a bouleversé la production porcine malgache. Les pratiques d’élevage locales sont un frein à son contrôle et à son éradication.
Lorsque les premiers foyers de peste porcine africaine (PPA) se sont déclarés à Madagascar en 1997, la maladie a été confondue avec la peste porcine classique (PPC). En effet, ni l’examen clinique ni l’autopsie ne permet de différencier les deux affections. Faute de compétences (les vétérinaires sont rares) et de moyens adaptés (la grande île ne disposait pas encore des moyens d’analyse permettant un diagnostic fiable), les symptômes hémorragiques associés à une forte mortalité étaient imputés à la PPC. Pendant de longs mois, ni les praticiens de terrain ni les autorités n’ont pu identifier correctement la véritable maladie.
Parallèlement, l’absence de réseau de veille épidémiologique a empêché que la dissémination de l’épizootie dans tout le pays soit jugulée. Les autorités ont ainsi mis un temps particulièrement long à réaliser sa progression géographique.
La première suspicion clinique de peste porcine africaine n’a eu lieu qu’au cours du dernier trimestre 1998. En effet, malgré une campagne de vaccination contre la PPC, les foyers continuaient à se multiplier. En raison du manque de moyens d’analyse adaptés sur place, des échantillons ont été envoyés en France, à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) de Maisons-Alfort, qui a confirmé définitivement le diagnostic de peste porcine africaine. Les investigations menées sur le terrain par la suite ont permis de situer le début de l’épizootie vers la mi-1997 dans la région de Fort Dauphin (sur la côte sud-est du pays). Selon la théorie la plus crédible, les premiers porcs contaminés ont été alimentés avec des eaux grasses débarquées de bateaux en provenance de la côte est de l’Afrique.
Durant les dix-huit mois qui ont suivi le début supposé de l’épizootie, la maladie s’est répandue dans la quasi-totalité du pays. Certaines régions particulièrement mal desservies par le réseau routier, telles que Morondava, Diego-Suarez et Sambava, ont été épargnées dans un premier temps. Mais des analyses effectuées en 2002 par l’Institut Pasteur prouvent qu’elles ne sont désormais plus indemnes. Les résultats des enquêtes permettent de situer le pic de l’épizootie entre septembre 1998 et mars 1999. Durant cette période, le cheptel malgache aurait été réduit de 50 à 60 %. Tous les types d’élevages ont été atteints et certains gros producteurs ont préféré cesser toute activité porcine. Cette décision a été prise immédiatement après l’épizootie ou à la suite de quelques tentatives infructueuses de relance de l’élevage, qui se sont soldées par une résurgence de la maladie et une perte de 90 % des effectifs.
Les caractéristiques traditionnelles de la production porcine malgache ont favorisé la dissémination de la maladie et empêchent actuellement son éradication. La plupart des élevages de l’île sont de taille très réduite. Les animaux sont rarement confinés dans des enclos ou des bâtiments et divaguent à leur gré. Ainsi, en zone urbaine ou en brousse, ils peuvent entrer en contact avec des animaux malades, consommer des produits contaminés, être attaqués par des tiques molles (réservoirs et vecteurs de la maladie). Une étude du Cirad(1) a aussi mis en évidence le rôle des abattoirs et des marchés dans la transmission de la maladie entre les élevages. Ces lieux de regroupement des populations et des animaux favorisent le contact entre individus malades et sains. En outre, le virus, particulièrement résistant, peut être véhiculé par les personnes ou les vêtements. Par ailleurs, le prix du porc ayant doublé depuis le début de la crise, certains éleveurs tentent de nouveau leur chance, mais en vendant ou en abattant leurs porcs à la moindre suspicion de peste porcine africaine, entretenant ainsi la maladie à l’état endémique. En revanche, les éleveurs ont compris que le recours à des verrats itinérants pour la saillie des truies constitue un grand risque de contamination. Progressivement, ils se convertissent à l’insémination artificielle qui présente moins de danger.
Pour des raisons économiques et par manque d’organisation de la filière, les mesures classiques pour éradiquer l’épizootie (abattages massifs, mesures d’hygiène et de biosécurité) sont totalement inenvisageables. Seules la surveillance et la prévention permettent de limiter les dégâts. L’administration malgache a aussi élaboré un arsenal réglementaire qui interdit en particulier la divagation des porcs. Mais, faute de moyens financiers, l’Etat est incapable de faire appliquer ces nouvelles réglementations.
En 2005, le Wellcome trust(2) a lancé un programme de recherche sur la peste porcine africaine à Madagascar. Le premier objectif de ce plan, qui s’étale sur trois ans, est de mieux connaître l’épidémiologie de la maladie, en particulier les modes de contamination entre les élevages. Pour cela, les chercheurs vont tenter d’estimer la prévalence de la maladie sur l’île, de mieux comprendre le rôle des réservoirs du virus dans sa transmission (potamochères, tiques molles) et d’identifier les facteurs de risque qui interviennent dans sa transmission et son introduction dans un troupeau. Les résultats escomptés permettront, dans un premier temps, de favoriser une prévention efficace et de sensibiliser les acteurs de la filière porcine malgache.
Le deuxième objectif du programme, qui court sur cinq ans, concerne la mise au point d’un vaccin contre le virus. Il s’agit de la seule solution envisageable pour éradiquer la maladie, à Madagascar en particulier et dans toute l’Afrique subsaharienne en général.
(1) Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.
(2) http://www.wellcome.ac.uk, http://en.wikipedia.org/wiki/Wellcome_Trust
Le virus de la peste porcine africaine a été identifié pour la première fois par Montgomery au Kenya, en 1910. Il s’agit d’un virus à ADN qui appartient à la famille des Asfaviridae. Proche d’un iridovirus ou d’un poxvirus, il peut affecter tous les suidés domestiques ou sauvages. Les suidés sauvages africains (potamochères à Madagascar) ont la capacité d’être porteurs sains asymptomatiques. Avec les tiques molles du genre Ornithodoros, ils constituent des réservoirs et des vecteurs du virus.
Le virus est particulièrement résistant, tant aux hautes températures qu’aux conditions de pH. Ses caractéristiques lui permettent de résister de manière prolongée hors de l’organisme (sang, fèces, tissus, charcuterie, viande congelée ou peu cuite). Il est en revanche sensible à l’éther, au chloroforme et à de nombreux désinfectants commerciaux. La transmission de la maladie peut se faire directement (par contact entre porcs domestiques sains et malades) ou indirectement (eaux grasses, viandes contaminées, tique infectée, locaux, véhicules, vêtements ou matériels contaminés).
Il n’existe actuellement aucun traitement ou vaccin pour lutter contre la maladie.
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