La faune de l’Arctique est mise à mal par le développement des parasites - La Semaine Vétérinaire n° 1299 du 25/01/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1299 du 25/01/2008

Conséquences du réchauffement climatique

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Maëlle Gouix

Les bœufs musqués et les caribous sont menacés. Or ils constituent un moyen de subsistance pour les Inuits.

Les manifestations du changement climatique se révèlent plus intenses en Arctique que sur le reste du globe et les prévisions y sont des plus pessimistes. Les glaciers fondent, la banquise s’amenuise et les voies traditionnellement empruntées par les Inuits pour leurs déplacements deviennent impraticables à certaines périodes de l’année. Les chasseurs peinent à atteindre les troupeaux, car les rivières, jusqu’alors gelées, sont désormais trop fragiles pour supporter leur passage.

Notre consœur Susan Kutz(1) étudie l’impact du changement climatique sur l’écologie des parasites de la faune sauvage de l’Arctique. Ses travaux montrent qu’une autre menace pèse sur les espèces du grand Nord, conséquence indirecte du réchauffement climatique. Le cycle de nombreux parasites comporte une étape dans le milieu extérieur, durant laquelle la température et l’humidité ambiantes influencent leur développement. Les conditions extrêmes de l’Arctique permettent de contenir leur abondance, mais si les contraintes climatiques devenaient moins rigoureuses, ils pourraient survivre plus longtemps et se développer plus rapidement.

Certains parasites ont désormais un cycle de développement plus court

Umingmakstrongylus pallikuukensis est un nématode qui vit dans les poumons des bœufs musqués. Il provoque épistaxis et troubles respiratoires, et prédispose les individus atteints à la prédation. Sa prévalence est de 100 % dans les régions endémiques. Le cycle du parasite inclut un hôte intermédiaire, un gastéropode, dans lequel deux mues successives donnent naissance à la larve infestante qui sera ingérée par un bœuf musqué. Jusqu’en 1990, la plupart des larves ne devenaient pas infestantes la première année de leur cycle de vie. Elles persistaient dans l’hôte intermédiaire pendant l’hiver et achevaient leur maturation l’été suivant. Les températures hivernales éliminaient aussi de nombreux gastéropodes, limitant la pression d’infestation l’année suivante. Après 1990, en raison de températures plus élevées, le cycle du parasite est passé de deux à un an. Ainsi, les larves sont ingérées par le gastéropode et peuvent infester les bœufs musqués la même année. L’environnement de ces animaux contient désormais davantage de larves infestantes, et cela pendant une période plus longue. La probabilité d’infestation est donc augmentée.

Les bœufs musqués des zones déjà largement exposées devraient pouvoir tolérer une faible intensification de la charge parasitaire, mais si cette augmentation est plus importante, en association avec d’autres facteurs de stress comme la perturbation de l’habitat ou des événements climatiques associés au réchauffement, des maladies parasitaires pourraient apparaître. Par ailleurs, si le réchauffement permet au parasite d’étendre son aire de répartition au Nord, là où les bœufs musqués ne sont pas ou peu exposés à l’agent pathogène, il faut s’attendre à de nombreux cas cliniques.

Le facteur limitant de ce scénario pourrait être l’hôte intermédiaire, dont la réponse au réchauffement climatique n’est pas prise en compte. En effet, ce gastéropode est lui-même sensible à la température extérieure et sélectionne un micro-habitat où elle n’excède pas une valeur seuil.

Le changement climatique influence la migration des caribous

La population de caribous dans le nord du Canada a décliné de façon inquiétante depuis le milieu des années 90. Dans la population Inuit, les anciens rapportent certes des fluctuations démographiques chez le caribou, mais le taux d’animaux qui manquent actuellement à l’appel, jusqu’à 80 % selon les groupes, est anormalement élevé. Le changement climatique pourrait être un facteur prépondérant de cette diminution, mais d’autres activités anthropiques (exploitation de gisements de minéraux et de gaz naturel) affectent le territoire de ces animaux. Plusieurs dizaines de milliers de caribous migrent en direction du Nord, au printemps, vers leur terrain de mise bas. Aux mois de juin et de juillet, une importante agrégation d’individus partage le même habitat restreint et libère de nombreux parasites. Susan Kutz s’intéresse en particulier à Ostertagia gruehneri, nématode de l’abomasum, dont la présence est corrélée à une diminution de la condition physique, de la masse corporelle et de la fécondité de l’hôte. Actuellement, les animaux quittent les sols contaminés avant que les formes larvaires soient infestantes. En revanche, en cas d’élévation de la température, le cycle des parasites pourrait s’accélérer et l’infestation deviendrait possible avant que les caribous repartent vers le Sud, tandis que leur immunité est fragilisée par la parturition. L’effet conjoint de facteurs de stress parasitaires et environnementaux risque de mettre en péril la population de caribous.

Le changement climatique et ses conséquences indirectes perturbent l’habitat et la santé de la faune de l’Arctique. L’abondance des agents pathogènes existants, leur diversité et leur transmission sont déjà affectées par les variations du climat. Les prévisions tendent vers des niveaux de contamination plus élevés, une répartition modifiée des agents pathogènes et l’émergence de nouvelles maladies. Le caribou et le bœuf musqué sont chassés par les populations natives du nord canadien pour leur subsistance. Ces animaux représentent une ressource alimentaire d’une valeur économique majeure et leur chasse est une tradition ancestrale sur laquelle repose la civilisation Inuit.

  • (1) Enseignante en santé publique et des écosystèmes, à la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Calgary, au Canada.

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