Les fluoroquinolones ont toujours leur place dans l’arsenal thérapeutique actuel

En fin d’année dernière, le laboratoire Bayer a organisé un grand symposium vétérinaire dans le cadre du musée du Louvre, consacré à la place actuelle des fluoroquinolones dans l’arsenal thérapeutique des animaux de compagnie (chiens, chats et nouveaux animaux de compagnie). Plus d’une centaine de praticiens étaient ainsi réunis autour d’une dizaine de conférenciers.

« Se donner les moyens de les défendre par un usage raisonné »

Depuis leur lancement, il y a une quinzaine d’années, les fluoroquinolones ont révolutionné l’approche de l’antibiothérapie de nombreuses infections, comme les pyodermites profondes, les otites chroniques ou compliquées, les infections urinaires ou celles des nouveaux animaux de compagnie. Cette révolution découle de leur extraordinaire rapidité d’action bactéricide – elles sont qualifiées de « formules un de l’antibiothérapie » au moment de leur développement dans les années 80 – et aussi de la quasi-absence d’effets secondaires chez les animaux traités.

Actuellement, les fluoroquinolones sont les premiers antibiotiques vétérinaires à être mis sur la sellette par les médecins et certaines organisations internationales de santé humaine. Pour notre confrère Julien Rochet, du laboratoire Bayer, il convient aujourd’hui « d’éviter les écueils et les excès ». « Nous avons actuellement les moyens de défendre notre arsenal thérapeutique par un usage raisonné de ces antibiotiques », indique-t-il. Bayer développe en effet de longue date des fluoroquinolones, en médecine humaine et vétérinaire, dont l’enrofloxacine (Baytril®) réservée à l’usage vétérinaire.

Pour le professeur Robert Moraillon, qui préside les débats du symposium, cet usage raisonné de l’antibiothérapie passe par un diagnostic précis du site infectieux, une connaissance de la nature du germe, de sa localisation (extracellulaire ou intracellulaire) et de sa sensibilité. Celle-ci peut être appréciée à travers une analyse microbiologique ou, le plus souvent, par une démarche probabiliste partant des données déjà accumulées sur la nature du germe et sa sensibilité selon le site infectieux. Lors de pyodermite superficielle, Staphylococcus intermedius est, par exemple, le germe le plus fréquemment isolé.

Le choix des antibiotiques repose alors sur les critères de pharmacocinétique, de diffusion sur le site infectieux, et de pharmacodynamie appuyée par la connaissance de la bactérie pathogène sur le site. L’usage raisonné passe aussi par le schéma posologique : la dose (sans sous-dosage) et la durée des traitements, souvent de plusieurs semaines en médecine canine.

Des nouveaux concepts pour prévenir l’émergence des résistances

Jean-Pierre Ganière, directeur de l’unité de pathologie infectieuse de l’école de Nantes, rappelle les caractéristiques particulières des fluoroquinolones. Il s’agit d’antibiotiques bactéricides, concentration-dépendants, notamment vis-à-vis des entérobactéries et de Pseudomonas aeruginosa et, parfois, de certaines souches de staphylocoques selon les composés. Il convient alors d’augmenter les concentrations et donc les doses pour accroître l’activité bactéricide.

En outre, de nouveaux concepts sont apparus, comme la mutant prevention concentration ou concentration de prévention des mutations (MPC). Elle se définit comme la plus faible concentration ne permettant pas de croissance résiduelle visible in vitro.

Désormais, ce paramètre est pris en compte pour déterminer la dose, non seulement efficace, mais la moins sélectionnante possible vis-à-vis des souches mutantes résistantes, en évitant qu’un traitement à une dose plus faible favorise leur sélection.

L’enrofloxacine dans les pyodermites profondes

Dans la pratique, notre confrère Eric Guagère, spécialisé en dermatologie, utilise les fluoroquinolones lors de pyodermites profondes. Leur diffusion, en présence de pus et de débris cellulaires, leur distribution à la fois extracellulaire et intracellulaire, y compris dans les macrophages qui peuvent séquestrer des staphylocoques quiescents, sont autant d’atouts à porter au crédit de ces molécules à l’activité bactéricide rapide. En outre, lors de pyodermites profondes, une activité anti-infectieuse contre les colibacilles et Pseudomonas aeruginosa est recherchée. Un autre confrère dermatologue, Emmanuel Bensignor, souligne que dans le passage à la chronicité des otites infectieuses, des modifications de la flore interviennent. Dans les otites chroniques, Proteus mirabilis et Pseudomonas aeruginosa représentent environ 60 % des isolements (au lieu de 20 % pour les otites aiguës). Le passage à la chronicité justifie donc la prescription des fluoroquinolones, par voie locale et/ou systémique, notamment lors des otites à Pseudomonas. Néanmoins, le traitement antibiotique ne fait pas la guérison, il convient surtout de rechercher la cause primaire de l’otite et d’accompagner l’antibiothérapie par des nettoyages réguliers (quotidiens) et soigneux du conduit auditif. Le suivi du traitement est aussi l’une des clefs de son succès.

Tous deux insistent sur l’absence d’effet indésirable des fluoroquinolones, y compris en cas de traitements longs sur plusieurs semaines, voire quelques mois. Cette absence d’effet secondaire est aussi l’un des atouts majeurs de ces molécules chez les nouveaux animaux de compagnie, notamment les rongeurs et les lagomorphes.