Rapport Attali : pas de (bonnes) surprises pour les vétérinaires - La Semaine Vétérinaire n° 1299 du 25/01/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1299 du 25/01/2008

Profession. Conclusions de la commission sur la libération de la croissance française

Actualité

Auteur(s) : Marine Neveux

La “commission Attali” a remis son rapport le 23 janvier. Elle plaide notamment pour l’ouverture à la concurrence des professions réglementées, dont les vétérinaires.

Trois cent seize propositions. C’est ce que contient le rapport de la commission sur la libération de la croissance française, présidée par Jacques Attali, remis le 23 janvier au président de la République, Nicolas Sarkozy. Ce texte, très attendu, a le mérite de pousser la société française dans ses retranchements. Il a été présenté par son auteur principal qui n’hésite pas à se comparer à Turgot, évoquant la lettre adressée par ce dernier au roi, le 24 août 1774.

Comme les deux économistes Pierre Cahuc et Francis Kramarz, Jacques Attali, a décidé de se sacrifier au nom de la patrie pour mettre un terme aux privilèges de plusieurs professions réglementées, dont celle des vétérinaires, bien entendu… Les pharmaciens, les chauffeurs de taxi, les coiffeurs, les experts-comptables, les notaires, etc., figurent aussi au rang des professionnels que la commission souhaite voir s’ouvrir à la concurrence.

Le numerus clausus est une nouvelle fois remis en question

Les vétérinaires qui, selon le rapport, représentent un chiffre d’affaires de 1,5 milliard d’euros et un effectif de 12 343 actifs, sont cités dans la décision 211 dont l’objet est d’augmenter leur nombre. Cette proposition est confortée par une observation simple : la population vétérinaire française est bien inférieure à la moyenne européenne, pour un cheptel qui se situe en deuxième position au niveau de l’Union. Il est étonnant qu’un texte présenté comme on ne peut plus sérieux ait oublié de prendre en compte, dans son avis, le contexte social européen. Si Turgot était sorti du royaume de France, il aurait constaté les conditions dans lesquelles exercent les praticiens voisins, notamment au sud de l’Europe, où la paupérisation de la profession n’est pas sans lien avec le nombre important de diplômés qui sortent chaque année des écoles et avec une économie fragile. Selon les estimations de la commission, il manquerait deux à quatre mille vétérinaires en France. Avec quel profil ? Dans quel secteur ? Pas de réponses. Les conclusions des auteurs font ainsi figure de raccourcis peu convaincants et peu étayés, à moins que ces chiffres proviennent d’une étude gardée secrète par l’une de nos quelconques instances.

Le numerus clausus est une nouvelle fois identifié comme la raison du malaise au sein de la profession vétérinaire française. « Cette singularité s’explique par la limitation du nombre d’étudiants, avec un numerus clausus particulièrement strict, contourné par des études en Belgique », affirme ainsi le rapport. Certaines organisations professionnelles vétérinaires regrettent d’ailleurs périodiquement cette fuite des cerveaux vers l’étranger et réclament une hausse du numerus clausus.

Mais, une nouvelle fois, la commission Attali, loin de la réalité, oublie que pour former des vétérinaires, il faut des écoles, des professeurs, une logistique, des bâtiments. En résumé, une vraie politique budgétaire pour l’enseignement supérieur vétérinaire. A moins qu’il faille traduire dans ses propositions la volonté de privatiser les écoles vétérinaires.

Les auteurs soulignent par ailleurs le nombre limité d’assistants (deux) pouvant être engagés par un vétérinaire diplômé. Encore une fois, la confusion est de mise car, selon le rapport, ces deux assistants sont caractérisés par l’obtention du DEFV(1), « obtenu après cinq ans d’études dont quatre en école vétérinaire ». Comprenne qui pourra. A moins que cela ne soit les prémisses à la remise en cause de deux pans importants du Code de déontologie, d’une part par la redéfinition de l’entreprise vétérinaire, et d’autre part par la répartition de l’activité de soins entre plusieurs acteurs.

L’ouverture du capital à des “non-vétérinaires” est en point de mire

L’ouverture du capital des entreprises vétérinaires semble en outre constituer une nécessité : « Les règles actuelles entravent la venue d’investisseurs “non vétérinaires” qui pourraient créer des cliniques ou des hôpitaux vétérinaires. » Si la profession ne peut se passer d’un débat sur ce thème, les discussions porteront sur la proportion du capital à ouvrir aux investisseurs non vétérinaires.

Ce marché, si peu attractif pour un financier (cela réclame un investissement important par rapport à la rentabilité à court terme), pourrait l’être pour quiconque est déjà impliqué dans le secteur animal, l’investissement dans une clinique ne viserait alors qu’un but marketing et stratégique. Un mélange des genres qui semble parfaitement convenir à Jacques Attali. A aucun moment le consommateur n’est pris en compte dans cette libéralisation et ce démantèlement d’une profession réglementée.

La délégation des actes est remise au goût du jour

La délégation des actes est remise au goût du jour dans le rapport qui souligne que les auxiliaires ne peuvent « pas pratiquer d’injections, tâche exclusivement réservée aux vétérinaires diplômés ». Pour les praticiens, ce sujet est probablement le plus important et le plus délicat de tous ceux évoqués. En effet, des divergences notables entre les différentes structures professionnelles vétérinaires se sont exprimées sur ce thème par le passé. Ainsi, le Conseil supérieur de l’Ordre paraît favorable à la création d’un corps réglementé d’infirmiers. Pour leur part, les organisations techniques, sous l’égide du SNVEL, mènent une réflexion sur l’opportunité de déléguer certains actes aux auxiliaires. D’autres acteurs (Haras nationaux, groupements d’éleveurs, etc.), non vétérinaires, cherchent à s’inviter dans ce débat via un puissant lobbyisme, pour “placer” leurs techniciens ou développer un nouveau marché pour leurs entreprises.

Outre ces quelques “remarques”, il faut reconnaître un mérite au rapport Attali. Il rappelle aux vétérinaires la reconnaissance que l’Etat exprime vis-à-vis d’une profession qu’il pense pouvoir “siffler” à la moindre crise sanitaire, et celle qu’éprouvent les autres partenaires du secteur pour des hommes et des femmes qui ne sont qualifiés “de l’art” qu’à deux heures du matin, à l’occasion d’une césarienne (et encore !).

  • (1) Diplôme d’études fondamentales vétérinaires.

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