Les tumeurs endocrines sont explorées par la scintigraphie - La Semaine Vétérinaire n° 1309 du 04/04/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1309 du 04/04/2008

Cancérologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : François Jacquet

Cet examen complémentaire est utile dans la caractérisation et le bilan d’extension des tumeurs de la thyroïde, du pancréas, des glandes surrénales, mais aussi des os.

Le principe de la scintigraphie est l’administration intraveineuse d’un marqueur spécifique d’un organe ou d’une fonction et le suivi de son accumulation et de son devenir dans le temps et l’espace. Ce marqueur est un radio-isotope, isolé ou couplé à un composé organique spécifique, qui émet des photons gamma, convertis ensuite en images. Il faut veiller à ce qu’il n’interfère pas avec le métabolisme de l’organe à explorer. La scintigraphie peut être statique (par exemple thyroïdienne) ou dynamique (par exemple rénale). Quatre grands types d’organes se prêtent particulièrement à l’exploration : la thyroïde, le pancréas, les glandes surrénales et l’os.

Mise à la disposition des vétérinaires depuis une dizaine d’années, cette technique trouve actuellement ses principales indications dans le domaine de la cancérologie. L’objectif est la recherche d’éventuelles tumeurs, leur dénombrement, la détermination de leur localisation et de leur nature et leur bilan d’extension, afin d’établir une orientation thérapeutique. La scintigraphie, qui apporte une vue fonctionnelle et non anatomique de l’organe, présente une grande spécificité dans le cadre de l’exploration des tumeurs endocrines sécrétantes. Elle fournit des réponses dans certains cas pour lesquels les examens complémentaires classiques d’imagerie ou d’exploration biologique n’ont pas permis d’établir un diagnostic fiable.

Un diagnostic de certitude de l’hyperthyroïdie

L’indication principale de la scintigraphie dans le domaine vétérinaire est l’hyperthyroïdie féline. La simple palpation de la région cervicale ventrale chez un chat hyperthyroïdien ne permet pas de déceler les nodules ectopiques ou de petite taille, ce qui peut conduire à l’échec du traitement chirurgical. La scintigraphie permet, d’une part d’établir avec certitude le diagnostic d’hyperthyroïdie, et d’autre part de dénombrer et de localiser tous les nodules thyroïdiens qui sécrètent en excès.

Les tumeurs thyroïdiennes rencontrées chez le chat sont bénignes et sécrétantes dans 98 à 99 % des cas. Il s’agit d’adénomes. Plusieurs marqueurs sont disponibles. L’iode 131 (131I) provoque une destruction du tissu thyroïdien. L’iode 123 (123I) est coûteux et possède une demi-vie longue qui nécessite une hospitalisation en conséquence. Seul le pertechnétate de technétium (99mTCO4) est utilisé en pratique. Il est fixé par les thyréocytes selon le même mode de concentration que l’iode. Cependant, il n’est pas incorporé aux hormones thyroïdiennes et n’est donc pas stocké. Ainsi, sa demi-vie est courte (environ six heures) et permet la sortie de l’animal hospitalisé le soir même. Lors de la lecture des résultats, l’attention se porte en premier lieu sur la localisation du marquage. La fixation gastrique est classique et non pathologique. Le diagnostic repose sur la comparaison entre la fixation thyroïdienne, ou ectopique, et la fixation sur les glandes salivaires. Si la première est de beaucoup supérieure à la seconde, la présence d’une tumeur thyroïdienne sécrétante est confirmée. Dans un deuxième temps, le nombre de nodules et leur localisation doivent être déterminés. La scintigraphie permet de distinguer quatre situations différentes et aide ainsi au choix entre chirurgie et radiothérapie métabolique, si un traitement définitif de l’hyperthyroïdie est envisagé. Les atteintes cervicales unilatérales représentent 15 à 20 % des cas, au lieu de 70 % pour les bilatérales. La localisation ectopique médiastinale est rare, avec environ 3 % des cas. Par ailleurs, la tumeur est maligne (carcinome, adénocarcinome) dans 3 % des cas. De multiples nodules hétérogènes sont alors observés. En cas d’atteinte unilatérale, l’exérèse du nodule est possible. Dans les trois autres situations, la radiothérapie métabolique est conseillée.

Face à une hyperthyroïdie canine, rare dans cette espèce, la démarche est identique. Elle résulte presque exclusivement d’une tumeur maligne. La scintigraphie vise alors à établir un bilan d’extension locale de la tumeur en vue d’une éventuelle exérèse, et à distance, car le technétium se fixe dans toutes les métastases. Son intérêt trouve ses limites lors de tumeur thyroïdienne non fonctionnelle, situation la plus fréquente chez le chien.

Echographie et scanner sont décevants lors d’insulinome

L’insulinome du chien constitue souvent un défi diagnostique pour le clinicien. Cette tumeur est presque toujours maligne et de petite taille. Le diagnostic est établi par la mesure du rapport insuline sur glucose sanguins, après une période de jeûne (seuil [insuline µU/ml]/[glucose mmol/l] = 13,5). La localisation de la tumeur est délicate et les techniques d’imagerie conventionnelles, comme l’échographie ou le scanner, se révèlent souvent décevantes. Localiser la tumeur reste cependant essentiel, de même qu’établir le bilan d’extension, afin de sélectionner les bons candidats à la chirurgie. En effet, la moitié des animaux présentent des métastases au moment du diagnostic. Le marqueur utilisé est un analogue de la somatostatine, l’octréotide, couplé à l’indium 111 111In (Octréoscan®). Son emploi nécessite une hospitalisation de trois à quatre jours. Il se fixe sur le tissu endocrinien anormal et permet de situer la tumeur et de rechercher des métastases. Les observations se font à quatre, vingt-quatre et quarante-huit heures. Une nouvelle technique de scintigraphie se développe actuellement, dans laquelle la caméra tourne autour de l’animal. Cela permet une visualisation en trois dimensions et augmente la sensibilité de détection des lésions. Un couplage avec des images tomodensitométriques permet d’affiner la localisation. La présence d’un nodule unique constitue une indication d’intervention chirurgicale.

Le phéochromocytome est la dernière indication de réalisation d’un examen scintigraphique en oncologie vétérinaire endocrine. Aucune exploration hormonale n’est validée chez le chien. Le marqueur utilisé est le 123I méta-iodobenzylguanidine (ou MIBG) un antagoniste adrénergique qui se fixe, entre autres, sur les cellules chromaffines de la médullosurrénale, c’est-à-dire le tissu de stockage et de libération des catécholamines. Sa demi-vie, de treize heures, nécessite une hospitalisation de trois jours. La scintigraphie permet de déterminer la nature de la tumeur surrénale (confirmation ou non d’un phéochromocytome) et d’établir le bilan d’extension.

Les diphosphonates marqués détectent l’ostéosarcome et ses métastases osseuses

La scintigraphie apparaît donc comme une technique spécifique pour les tumeurs endocriniennes. Elle est surtout utile quand une intervention chirurgicale est envisagée. D’autres propriétés, comme sa sensibilité et la possibilité d’explorer l’ensemble du corps, sont mises à profit dans le cadre des tumeurs ostéophyles (ostéosarcomes, hémangiosarcomes, tumeurs mammaires, prostatiques et thyroïdiennes).

Seule l’indication en cas d’ostéosarcome a été évaluée en médecine vétérinaire. Des diphosphonates marqués par le technétium 99m, qui s’adsorbent à la surface de l’os, sont alors utilisés. L’intensité de la fixation est proportionnelle à l’activité ostéoblastique et à la perfusion de l’os. Cet examen permet ainsi une détection précoce des tumeurs ostéophyles et de leurs métastases. Il offre en effet une visualisation de l’altération fonctionnelle du tissu osseux, alors que la radiographie ne met en évidence que les altérations structurelles, souvent ultérieures. Lors d’ostéosarcome, des métastases osseuses sont présentes dans 5 à 25 % des cas au moment du diagnostic. La scintigraphie apparaît néanmoins peu spécifique. Des images similaires sont obtenues en cas d’arthrose, d’ostéomyélite, d’abcès dentaire ou sur les sites de fracture récente. Une lésion unique qui accompagne une tumeur primitive nécessite donc une biopsie. Néanmoins, la localisation préférentielle à certains os et un aspect multicentrique permettent de suspecter fortement un processus métastatique. Les métastases pulmonaires sont à rechercher au moyen d’un examen radiographique ou tomodensitométrique.

L’exploration des tumeurs rénales peut parfois être réalisée grâce à un examen scintigraphique dynamique. Le mercaptoacétylglycine (MAG3) ou l’acide diéthylènetriaminepentaacétique (DTPA) couplés au technétium sont alors employés. L’évolution du marqueur au sein du parenchyme rénal est suivie de manière quantitative et différentielle. Cet examen peut donner une indication quant à l’intérêt d’une néphrectomie (évaluation fonctionnelle du rein controlatéral à la tumeur).

La scintigraphie permet d’établir un diagnostic de certitude et fournit une orientation thérapeutique pour la plupart des tumeurs endocrines. Elle se révèle indispensable dans certains cas, notamment face à une suspicion d’hyperthyroïdie pour laquelle une intervention chirurgicale est envisagée. Cet examen complémentaire présente également un intérêt lors de suspicion de tumeur osseuse (recherche des métastases osseuses), malgré une spécificité médiocre. Néanmoins, les indications restent limitées en raison du faible nombre de marqueurs disponibles.

CONFÉRENCIÈRE

Pauline de Fornel-Thibaud, Centre de cancérologie vétérinaire (Maisons-Alfort, Val-de-Marne).

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