Analgésie. Prise de conscience de la souffrance chez la vache
Actualité
Auteur(s) : Eric Vandaële
Les effets délétères de la douleur sont connus, mais les connaissances manquent pour la prendre en charge.
Boehringer Ingelheim souhaite réunir les vétérinaires et les éleveurs dans la lutte commune contre la douleur chez les bovins. Pour cela, le laboratoire – qui commercialise une solution injectable à 20 mg/ml de méloxicam (Metacam®), un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) analgésique – a d’abord voulu dresser un état des lieux de la douleur bovine vue par les vétérinaires d’une part, et perçue par les éleveurs d’autre part. Car ces deux éclairages différents d’un même phénomène sont complémentaires. Le laboratoire a ainsi réalisé une enquête européenne sur la perception de la douleur auprès de 2 659 praticiens issus de 9 pays, dont 614 en France. Une étude similaire est en cours chez les éleveurs.
Plusieurs débats sont programmés par Boehringer Ingelheim entre des praticiens ruraux et des éleveurs. Le premier a eu lieu en Bretagne, le 6 mars dernier, au Grand Fougeray (Ille-et-Vilaine), en présence de deux enseignants de l’école de Nantes, Raphaël Guattéo (pathologie du bétail) et Delphine Holopherne (anesthésiologie), qui ont en outre participé à l’analyse de l’enquête vétérinaire.
Ces échanges démontrent clairement que la prise de conscience de la douleur chez les bovins est bien réelle, même si elle n’est pas facile à appréhender. Il manque encore des connaissances et des protocoles validés pour mieux la prendre en charge. « Nous ne pensons pas suffisamment à traiter la douleur », « mon expérience débutante de la prise en compte de la douleur donne de bons résultats », témoignent des vétérinaires. « J’ai du mal à accepter les douleurs fortes qui sont provoquées parfois, comme lors de l’écornage… Mais comment les atténuer ? », s’interroge un éleveur. « Une vache qui reste au fond de l’étable m’embête… Mais j’aimerais mieux la comprendre plutôt que de lui en vouloir », explique un autre. La douleur est polymorphe, et sa perception par l’homme l’est tout autant. Vouloir la caractériser par un seul signe pathognomique est impossible. Ainsi, l’éleveur perçoit de la douleur si un animal se tient isolé du troupeau. Mais cette observation est dissimulée au vétérinaire, puisque l’animal est souvent attaché et seul lorsqu’il intervient. En outre, les bovins n’expriment pas ou peu leur mal-être. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils ne souffrent pas. A l’inverse, cette souffrance, même peu expressive, a des répercussions médicales (une plus grande sensibilité aux infections, par exemple) et zootechniques sur la croissance ou la production laitière.
Les bovins masquent leur douleur surtout lorsqu’ils se sentent observés. Des enregistrements vidéo le prouvent. Cela peut s’expliquer par le comportement de “proie” des bovins qui ne doivent pas montrer de signe de faiblesse face au “prédateur” qu’est l’homme. La relation personnelle que l’éleveur entretient avec ses animaux influe sur cette expression : « Une vache me montrera clairement qu’elle a mal, mais n’exprimera rien devant mon associé », témoigne une éleveuse. En outre, la douleur étant réelle, mais son évaluation subjective, sa détection dépend aussi de l’observateur et de sa sensibilité personnelle. Les femmes y sont généralement plus sensibles : « C’est souvent l’éleveuse qui prend en charge la douleur », constate un vétérinaire.
Le classement des maladies selon la douleur associée varie beaucoup entre les vétérinaires et les éleveurs. Ces derniers citent plutôt les mammites graves (de type colibacillaire) et l’omphalite du veau. Les affections du pied chez la vache et l’arthrite du veau sont davantage mentionnées par les vétérinaires. Selon eux, « les éleveurs confondent intensité de la douleur et gravité de l’atteinte ». Toutefois, un praticien avoue avoir « du mal à prescrire un anti-inflammatoire pour une boiterie », alors que cela est fréquent face au caractère “spectaculaire” d’une mammite grave. « Une vache qui a mal au pied apparaît en forme par ailleurs et est donc moins traitée », reconnaît aussi un éleveur.
Pour les confrères, le manque de connaissances est le principal frein à la prise en charge de la douleur chez les bovins. Delphine Holopherne observe qu’un obstacle important au traitement antidouleur est de considérer qu’il est inutile. De nombreux praticiens ne traitent pas la douleur liée à une césarienne parce qu’ils pensent – à tort – que l’anesthésie locale est suffisante. Or il est préférable de “surtraiter” une douleur plutôt que de la sous-traiter et de laisser ses conséquences s’installer.
Le prix du traitement analgésique ne constitue pas le frein le plus important pour les éleveurs : « Si une vache souffre, il faut la soigner et je ne regarde pas le coût. » Mais les vétérinaires semblent nombreux à penser le contraire. « J’administre souvent un AINS lors d’un acte chirurgical (une caillette, par exemple). Je l’impose, sans demander l’accord de l’éleveur, mais je lui explique que l’animal repart mieux ainsi, et c’est bien accepté », confirme un praticien.
Pour Raphaël Guattéo, ces discussions entre vétérinaires et éleveurs sont essentielles pour une meilleure prise en charge de la douleur. Selon une étude canadienne, les exploitants qui utilisent le plus d’analgésiques sont ceux qui ont été sensibilisés à la douleur par leur praticien. Toutefois, « le manque de données m’empêche de justifier le surcoût d’un tel traitement, reconnaît un confrère. Chez le chien arthrosique, l’amélioration visible due au traitement anti-inflammatoire suffit à convaincre le propriétaire. Il est plus difficile de prescrire un AINS chez un bovin. »
La prochaine réunion d’échanges entre vétérinaires et éleveurs aura lieu le 15 avril en Bourgogne. Un symposium spécial sera ensuite organisé sur ce thème lors des journées des Groupements techniques vétérinaires à Nantes, le 28 mai prochain.
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