Pathologie intestinale
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Marie Beaugrand*, Sabine Bozon**, Jean-Hugues Bozon***, Thomas Perrot****
Fonctions :
*praticien à la clinique vétérinaire Bozon, à Versailles (Yvelines).
**praticien à la clinique vétérinaire Bozon, à Versailles (Yvelines).
***praticien à la clinique vétérinaire Bozon, à Versailles (Yvelines).
****praticien à la clinique vétérinaire Bozon, à Versailles (Yvelines).
Le diagnostic repose sur le signalement de l’animal, l’anamnèse et la réponse à une épreuve alimentaire thérapeutique suivie d’une réintroduction de l’allergène.
Une chienne de race setter irlandais âgée de deux mois et demi est présentée en consultation pour une diarrhée et des vomissements hémorragiques chroniques, ainsi qu’une dysorexie apparus depuis son adoption, quelques jours auparavant. Elle n’est pas vaccinée et pèse seulement 9,3 kg. Son indice de masse corporelle est de 1 sur une échelle de 1 à 5 (1 correspond à un animal maigre et 5 à un animal obèse, l’indice idéal étant de 3). Aucun antécédent pathologique n’est signalé. A l’examen clinique, elle est abattue et nauséeuse. Sa température rectale est de 38,7 °C. La palpation abdominale est douloureuse et des borborygmes intestinaux sont audibles.
Les hypothèses diagnostiques sont une gastro-entérite infectieuse (virale, parasitaire – dont la giardiose –, bactérienne ou fongique), une intolérance ou une allergie alimentaire (en raison de la race de l’animal, une allergie au gluten est d’ores et déjà évoquée) plus ou moins compliquée d’une inflammation chronique de l’intestin, une insuffisance pancréatique exocrine (maigreur extrême), un syndrome de malassimilation intestinale et, enfin, un corps étranger digestif. Les borborygmes font suspecter en outre un syndrome de prolifération bactérienne secondaire.
Une gastro-entérite infectieuse, associée à une prolifération bactérienne, est d’abord suspectée. L’hypothèse d’une allergie au gluten est également mise à l’étude. Différents examens complémentaires sont réalisés. Les analyses hématologiques révèlent une lymphocytose marquée, avec un nombre absolu de lymphocytes supérieur à 4 800/mm3. La mesure des gaz du sang montre une acidose métabolique compensée (pH corrigé par la température de 7,39 et [HCO3-] = 20,1 mmol/l, les normes étant respectivement de 7,4 et de 24). Les résultats des autres recherches hémato-biochimique et ionique sont normaux et le test rapide de la parvovirose est négatif. Un prélèvement de selles, envoyé au laboratoire pour une bactériologie, une recherche de giardia et une mycologie, exclut les origines parasitaire, bactérienne et fongique. L’ensemble de ces examens élimine le diagnostic de gastro-entérite d’origine infectieuse.
Parallèlement, une insuffisance pancréatique exocrine est recherchée. Les valeurs d’élastase 1 obtenues par l’analyse des selles (> 180 µg/g), et celles de TLI (trypsine-like immunoreactivity) canine (14,9 µg/l ; normes : 8,5 à 35 µg/l), de vitamine B12 (674 pg/ml ; normes : 225 à 860 pg/ml) et de folates (20 ng/ml ; normes : 7 à 17 ng/ml) obtenues par une analyse de sérum sont incompatibles avec une altération de la fonction pancréatique exocrine. Toutefois, la concentration élevée en folates révèle une prolifération bactérienne.
L’hypothèse d’une allergie alimentaire avec une sensibilisation inflammatoire chronique de l’intestin grêle doit enfin être explorée par l’imagerie (échographie abdominale) et l’histologie (fibroscopie digestive et biopsies gastriques et duodénales). L’échographie abdominale révèle une sévère lymphadénopathie mésentérique et iléocæcale, avec une rétention gastrique et un épaississement marqué des parois intestinale, gastrique et colique. Aucun corps étranger digestif n’est mis en évidence.
Les résultats histologiques des biopsies gastrique, duodénale et colique réalisées sous fibroscopie révèlent une sévère entérite duodénale lympho-plasmocytaire chronique accompagnée d’une abrasion des villosités. Ces résultats sont compatibles avec le diagnostic d’une sensibilisation allergique chronique de l’intestin grêle par l’allergène le plus probable chez le setter irlandais : le gluten.
Avant l’obtention des résultats de l’analyse des selles, la chienne reçoit un traitement contre la giardiose, les vers et la prolifération bactérienne (métronidazole et fenbendazole, anthelminthique également larvicide), ainsi que des pansements intestinaux et protecteurs de la flore intestinale. Une légère rémission est obtenue temporairement. Lors d’un épisode de symptômes gastro-intestinaux plus prononcés (vomissements hémorragiques en jets, selles hémorragiques liquides incoercibles), le chiot est hospitalisé. Une perfusion est mise en place (lactate de Ringer à un débit de 3 ml/kg/h) afin de compenser les pertes hydriques, et de corriger les déséquilibres électrolytiques et ioniques. La chienne reçoit également une antibiothérapie à large spectre (céfovécine à raison de 8 mg/kg, une fois, par voie sous-cutanée, associée au sulfadoxine-triméthoprime à la dose de 7,5 mg/kg/j, par voie intraveineuse, un inhibiteur des folates produits par les bactéries intestinales), un antivomitif accélérateur de la vidange gastrique (métoclopramide à la posologie de 0,5 mg/kg, par voie intraveineuse, trois fois par jour). Après douze heures de jeûne, le chiot est réalimenté progressivement avec une spécialité dépourvue de gluten (Canine Z/D ultra allergen free, Hill’s). Son état général s’améliore rapidement, aucun vomissement ni aucune diarrhée ne sont notés pendant l’hospitalisation, et l’appétit est bon. Lors du contrôle hématologique réalisé trois jours plus tard, la leucocytose a disparu. Un aliment hypoallergénique sans gluten et des sulfamides sont prescrits à la sortie de la clinique. Deux semaines plus tard, le transit intestinal est rétabli et la chienne pèse 10 kg.
L’intolérance alimentaire est une réaction physiologique anormale, non immunologique, à l’ingestion d’un aliment. Des signes toxiques, pharmacologiques ou métaboliques apparaissent, liés à l’incapacité pour l’animal de digérer un composant de l’aliment. L’entéropathie induite par l’intolérance au gluten du setter irlandais est une maladie inflammatoire chronique de l’intestin grêle qui présente des similitudes avec l’affection cœliaque de l’homme, bien que la gravité des lésions et des symptômes soit moindre. Ce trouble résulte d’une hypersensibilité à la gliadine, un polypeptide riche en glutamine et en proline d’un poids moléculaire de 15 000 daltons. Le gluten est un mélange brut de gliadine et de gluténine. Chez le setter irlandais, il s’agit d’une maladie familiale transmise selon un mode autosomal récessif. D’autres races canines peuvent être touchées par cette intolérance, notamment le soft coated wheaten terrier, mais l’affection n’a jamais été décrite chez le chat.
Les premiers symptômes, souvent observés chez le chiot âgé de quatre à sept mois, comportent une perte de poids, un retard de croissance, une diarrhée intermittente chronique de l’intestin grêle et/ou du côlon, hémorragique ou non, qui s’accompagne fréquemment de vomissements non liés au repas.
La pathogenèse de cette maladie a fait l’objet de discussions pendant de nombreuses années. Les chercheurs pensent aujourd’hui que la sensibilité au gluten est médiée par le système immunitaire.
Les macrophages activés par la gliadine recruteraient les lymphocytes de la lamina propria (augmentation de la population CD4+ aux dépens des lymphocytes CD8+), ce qui induit une réaction d’hypersensibilité retardée et diverses modifications inflammatoires telles qu’une infiltration de cellules lymphocytaires, plasmocytaires, la dégranulation des mastocytes, la production d’éicosanoïdes, une augmentation de la perméabilité microvasculaire et l’activation du complément.
Les lésions histologiques intestinales les plus fréquentes sont une atrophie partielle des villosités et une augmentation du nombre de lymphocytes dans l’épithélium.
Ces lésions ne sont pas pathognomoniques et ne permettent pas, à elles seules, de diagnostiquer une hypersensibilité alimentaire au gluten. Celle-ci est confirmée à l’issue d’une épreuve d’éviction (un régime de six semaines sans gluten), puis de réintroduction du gluten dans l’alimentation.
Des tests qui utilisent des critères objectifs, comme la morphologie ou la perméabilité intestinale, peuvent également être réalisés. La donnée morphologique correspond à un retour à la normale, grâce à un régime sans céréales, de la hauteur des villosités et du nombre de lymphocytes dans l’épithélium, estimé par des biopsies jéjunales. La perméabilité intestinale à l’EDTA marqué au chrome diminue à l’aide de ce régime, mais reste élevée par rapport à celle de chiens témoins. Cela confirme la thèse d’un trouble de la perméabilité. La réintroduction du gluten dans le régime entraîne de nouveau ces perturbations.
Le diagnostic repose donc généralement sur le signalement de l’animal (setter irlandais), l’historique des symptômes gastro-intestinaux et la réponse à une épreuve alimentaire thérapeutique suivie d’une réintroduction de l’allergène (laquelle est peu réalisée dans la pratique, car la récidive des symptômes n’est pas souhaitée par les propriétaires). Des lésions histologiques intestinales d’entérite chronique lympho-plasmocytaire confortent le diagnostic. Dans ce cas, compte tenu de la maigreur de la chienne et de la gravité des troubles gastro-intestinaux observés, le diagnostic n’a pas été confirmé par la réintroduction du gluten dans l’alimentation, mais par exclusion des autres maladies.
Le traitement consiste à éliminer tous les apports alimentaires de gliadine : produits du commerce et ménagers, restes de table, friandises industrielles, compléments et médicaments à mâcher contenant du blé, de l’orge, du seigle, du sarrazin ou de l’avoine. Les sources de glucides utilisables sont les pommes de terre, le riz et le maïs.
• M.S. Hand, C.D. Thatcher, R.L. Remillard et P. Roudebash, Small Animal Clinical Nutrition, Mark Morris Associates, 1998, 4e édition, pp. 437-438 et 761.
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• E. Feldman, Veterinary Internal Medicine, Saunders, 4e édition, p. 1218.
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• J.M. Will et K.W. Simpson, Le Livre Waltham de la nutrition clinique du chien et du chat, éditions du Point Vétérinaire, 1998, pp. 143-163.
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