Une démarche rigoureuse permet de déterminer les causes de mortinatalité chez le veau - La Semaine Vétérinaire n° 1315 du 16/05/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1315 du 16/05/2008

Affections néonatales en élevage bovin

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Paul Perié

Des examens complémentaires raisonnés sont indispensables pour préciser la cause et définir une stratégie.

La mortinatalité est classiquement définie par l’expulsion d’un veau mort après plus de deux cent soixante jours de gestation. En pratique, elle correspond davantage à la mort d’un veau juste avant, pendant ou dans les quarante-huit heures qui suivent le vêlage. Elle doit donc être déclarée par l’éleveur au vétérinaire. Elle représente 30 % de la mortalité chez les veaux. Il s’agit rarement d’un événement isolé et les causes sont nombreuses. Les Journées de la buiatrie, organisées les 15 et 16 novembre derniers à Maisons-Alfort, ont permis à notre confrère Dominique Remy de rappeler l’origine de la mortinatalité et de proposer une démarche à mettre en œuvre dans les élevages concernés.

Une intervention précoce au vêlage pourrait réduire les pertes de moitié

La moitié des mortinatalités sont des accidents du part. Les deux causes principales sont l’anoxie et la dystocie, lesquelles sont fréquemment associées. Dans les deux cas, différents facteurs de risque sont identifiés : alimentation et parité de la mère, âge au vêlage, race, sexe du fœtus, logement, ambiance, climat lors du part (des épisodes de forte chaleur sont parfois impliqués). Lors de dystocie (inertie utérine, non-dilatation du col), la réalisation précoce d’une assistance au vêlage, qu’elle soit médicale ou chirurgicale, permettrait d’éviter jusqu’à la moitié des décès. Un déficit de la thermorégulation ou un apport en colostrum trop faible favorisent aussi la mortinatalité.

L’origine peut être infectieuse, nutritionnelle ou congénitale. Tous les agents abortifs sont susceptibles d’entraîner de la mortinatalité, mais certains sont plus fréquemment impliqués, par exemple Coxiella burnetii, Neospora caninum, Chlamydophila abortus, Leptospira spp, etc. Des agents environnementaux sont parfois isolés comme Escherichia coli et Streptococcus spp. Ces germes peuvent interagir et provoquer un syndrome du veau mort-né ou faible. Des causes nutritionnelles sont aussi à envisager. Lors de la gestation, un apport énergétique insuffisant induit la mort de nombreux veaux, une moindre vitalité à la naissance et un déficit de thermorégulation.

Une ration restreinte en protéines favorise, outre la mortinatalité, les infections intra-utérines. Les carences subcliniques en iode, en cuivre, en zinc et en sélénium chez les mères semblent avoir des répercussions sur la maturation et les défenses de l’appareil pulmonaire du fœtus. Elles sont impliquées dans plusieurs troubles de détresse respiratoire (syndrome du veau mort-né ou faible) et provoquent de nombreux décès dans les quarante-huit heures qui suivent le vêlage. Une carence simultanée en sélénium et en iode peut interférer avec le métabolisme basal du veau, sa croissance, sa thermogenèse et son développement embryonnaire et neuronal. La carence en sélénium est impliquée dans une forme congénitale de dystrophie musculaire nutritionnelle, associée à une mortinatalité bien décrite chez les ovins et les bovins. Des carences en vitamines liposolubles sont possibles. Un déficit en vitamine A ou en β-carotène peut être responsable d’une aplasie pulmonaire et de troubles neurologiques (hydrocéphalie, spina bifida) ou organiques. Un apport en vitamine A au moment de la gestation améliorerait la réponse immunitaire et la résistance à de nombreuses infections.

Les anomalies congénitales létales ou associées à des cas de mortinatalité sont nombreuses. Elles peuvent être myo-arthro-squelettiques, ophtalmiques, neurologiques, mais il peut aussi s’agir d’arthrogripose (fente palatine, héréditaire dans la race charolaise) ou de cœlosomie.

Le diagnostic d’un problème de mortinatalité se réalise en plusieurs temps

Le diagnostic épidémio-clinique s’appuie sur certaines informations obtenues auprès de l’éleveur : nombre de mortinatalités (est-ce une enzootie ou une épizootie ?), parité et lot des vaches concernées, déroulement des vêlages, existence d’avortements, état corporel des veaux (poids à la naissance, anomalies morphologiques) et autres manifestations pathologiques cliniques au sein de l’élevage.

L’état corporel des autres vaches doit être évalué : « Les vaches maigres ont souvent des vêlages lents et un colostrum de mauvaise qualité », a souligné l’intervenant. Il convient également de surveiller la présence de métrites rebelles à tout traitement (circulation de C. burnetii), de symptômes respiratoires (parfois lors de début d’une épizootie à C. burnetii). Par ailleurs, une carence en sélénium peut induire chez certains veaux une myopathie des muscles de la langue et donc un réflexe de succion défaillant. L’autopsie des veaux morts doit être réalisée avec rigueur et hygiène dans les vingt-quatre heures qui suivent le décès. Cet examen permet d’abord de différencier une mortinatalité stricto sensu d’une mortalité postnatale. L’évaluation de la maturité fœtale par l’observation des incisives (éruption en fin de gestation) indique si la naissance a eu lieu à terme ou avant terme. L’autopsie permet aussi d’identifier des lésions d’origine traumatique : fractures (vertèbres, côtes, sternum), rupture du diaphragme, œdème de la tête et de la région cervicale, hémorragies pulmonaires. Des lésions d’anoxie sont parfois visibles et donc à rechercher : hémorragie ou congestion des méninges, traces de méconium sur le corps ou dans les liquides fœtaux (hypoxie fœtale in utero), hémorragies multifocales sur les muqueuses externes, l’endocarde, les plèvres, le thymus et parfois les muqueuses oculaires.

La mise en évidence de lésions de dégénérescence grisâtres sur le myocarde entraîne la suspicion d’une dystrophie nutritionnelle congénitale. Un stress thermique peut s’accompagner d’œdèmes et d’hémorragies plutôt localisés aux extrémités des membres, de temps en temps avec des œdèmes sous-cutanés au niveau du sternum.

La thyroïde est à prélever, à examiner et à peser au moment de l’autopsie. Un poids supérieur à 30 g est histologiquement anormal (la norme est située entre 7 et 12 g).

Les examens complémentaires sont réalisés selon la cause suspectée

Quand il suspecte une origine nutritionnelle, le praticien envisage en priorité d’analyser la ration, de contrôler sa distribution et de vérifier l’aire d’alimentation du bâtiment. Cette analyse est ensuite complétée par un dosage des oligo-éléments, essentiellement du sélénium et de l’iode, éventuellement complétée par le dosage de la thyroxine (indicateur à long terme d’une carence). Le statut en sélénium est évalué soit directement par son dosage plasmatique, soit indirectement par la mesure de l’activité de la glutathion peroxydase plasmatique ou érythrocytaire. Une carence en vitamine A est confirmée par le dosage de la rétinolémie ou de la β-caroténémie maternelles.

En présence de mortinatalité, d’avortements, de veaux chétifs et de malformations congénitales, la circulation de diarrhée virale bovine (BVD) ou d’autres agents infectieux est toujours à explorer. Des prélèvements sur le fœtus (rate, foie, poumon, cœur, cerveau, contenu de caillette) et la mère (écoulements vaginaux, placenta, sérum) sont alors nécessaires. Certaines précautions comme l’asepsie et la précocité de l’échantillonnage sont indispensables, dans la mesure où de nombreux laboratoires ont généralisé l’utilisation de la polymerase chain reaction (PCR) pour l’identification directe d’un grand nombre de virus et de bactéries. Les échantillons sont alors acheminés sous le couvert du froid (4 °C) dans les quarante-huit heures qui suivent le prélèvement. En cas de recherches sérologiques, l’examen individuel reste un simple élément de suspicion qu’il est toujours nécessaire de confirmer ou d’infirmer par d’autres analyses. La sérologie de groupe est plus intéressante, mais au minimum six vaches (trois multipares et trois primipares) sont à sélectionner. Les prélèvements concerneront des animaux ayant avorté et d’autres en bonne santé. Les vaches souffrant de métrite présentent un intérêt pour la recherche de certains agents tels que Coxiella burnetii et Chlamydiophila abortus. Des prises de sang répétées, à quinze jours d’intervalle, permettent de détecter une séroconversion et donc de confirmer la circulation de l’agent pathogène au sein du cheptel.

Un certain nombre de mesures sont à mettre en place

L’introduction d’animaux doit être la plus faible possible et il convient de privilégier les inséminations. Un contrôle sanitaire rigoureux à l’arrivée des bovins, bien que partiellement efficace, est indispensable. Une antigénémie pour le virus de la BVD et des recherches sérologiques (rhinotrachéite infectieuse bovine, B. abortus, N. caninum et T. foeti) sont conseillées, bien que leur interprétation soit parfois difficile. Pour une insémination artificielle, un taureau qui présente des qualités comme la facilité au vêlage sera privilégié.

Une assistance non intempestive, mais raisonnée au vêlage, des soins au nouveau-né, un apport en colostrum et un aménagement correct du logement des veaux diminuent efficacement la fréquence de la mortinatalité. La mise à la reproduction des génisses, quand leur poids atteint 65 à 70 % du poids adulte, est conseillée. L’alimentation des mères au moment du part est à surveiller, car elle influence directement l’état du nouveau-né. L’état corporel des vaches, surtout en race allaitante, doit être au moins égal à 2,5.

L’administration de sélénium un mois avant le vêlage permet de prévenir efficacement le syndrome de myodystrophie d’origine nutritionnelle. Une complémentation en iode, sous forme de pierre à lécher ou de sel iodé ajouté à l’ensilage, peut se révéler indispensable lors de carence avérée.

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