Belgique. Conférence européenne du 8 avril à Bruxelles
Actualité
Auteur(s) : Karin de Lange
Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (Sarm) est un problème émergent réel, chez l’homme et chez l’animal. Sa prévalence croissante est une source d’inquiétude pour les médecins et les vétérinaires.
Il est temps d’agir, en responsabilité partagée entre le secteur vétérinaire et celui de la santé publique, contre Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (Sarm). Telle est la conclusion de la conférence européenne sur le sujet, organisée à Bruxelles le 8 avril dernier par la Fédération vétérinaire européenne (FVE).
En 2004, trois cas humains de Sarm, identifiés aux Pays-Bas, ont été reliés à l’élevage porcin. L’enquête épidémiologique a révélé une incidence nationale estimée à 39 % des porcs charcutiers. Tous ces Sarm ont prouvé leur résistance à la digestion par l’enzyme de restriction SmaI, utilisé pour le typage de routine, et ont donc été nommés Sarm-NT (pour « non typables ») pour être par la suite identifiés comme de type ST398. Une étude cas-témoin chez l’homme a mis en évidence « le contact avec les porcs ou les bovins » comme un facteur de risque vis-à-vis de ces Sarm-NT.
« Ce Sarm-NT est un problème émergent réel chez les animaux de production, pas seulement lié à une détection améliorée, souligne le Pr Jaap Wagenaar (université d’Utrecht), expert internationalement reconnu, lors de la description des premiers cas humains. « Puisqu’il y a beaucoup de porteurs sains et peu de cas cliniques, ce type de Sarm est considéré comme peu virulent, même si cela peut changer », prévient-il.
Les Sarm hospitaliers (Sarm-H) sont observés pour la première fois dans les années 60, avec l’introduction de la méthicilline, pour contrer la résistance aux pénicillines Β-lactamase. Les foyers surviennent principalement dans les centres de soins des hôpitaux. Ensuite apparaissent les Sarm d’origine communautaire (Sarm-C), qui émergent dans les années 90 et touchent principalement des individus sains, dans des groupes où existe un contact physique proche, comme les équipes de rugby ou les prisonniers. Les Sarm-C sont moins résistants, mais produisent des toxines et les signes cliniques sont généralement sévères. En outre, Jaap Wagenaar note que les Staphylococcus intermedius résistants à la méthicilline (Sirm) sont également en augmentation, avec un lien potentiel vers les animaux de compagnie.
« Avant 1940, la mortalité associée aux infections par des staphylocoques dorés était de 80 %. Elle a chuté à 20 % après l’arrivée des pénicillines », rappelle Stef Bronzwaer, de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Cependant, au cours de la décennie suivante, 90 % des staphylocoques dorés sont devenus résistants. Citant une étude néerlandaise, Stef Bronzwaer estime en outre « peu probable » que les aliments soient une source de transmission de Sarm-NT parmi la population humaine, selon les données scientifiques actuelles. Pourtant, la prévalence croissante de Sarm chez les animaux est une cause d’inquiétude, et ces Sarm doivent être considérés comme un agent zoonotique d’importance potentielle. La Commission européenne en a tenu compte, en décidant d’étendre aux Sarm l’étude sur la prévalence des salmonelles dans les exploitations porcines dans l’Union, précise Kris De Smet (DG Sanco).
« La pharmacovigilance n’est pas très utile pour identifier les problèmes de résistance, puisque nous ne recevons que peu de rapports concernant un manque d’efficacité de médicaments dû à une résistance », note Karolina Törneke, présidente du Scientific Advisory Group on Antimicrobials de l’Agence européenne d’évaluation des médicaments (EMEA). Même s’il existe « toujours un risque de résistance partout où des antimicrobiens sont utilisés », elle souligne que les données manquent pour confirmer un lien clair entre l’usage vétérinaire d’antibiotiques et la présence de Sarm.
« Actuellement, un traitement nasal au mupirocine est conseillé aux porteurs humains de Sarm, tandis que les cas cliniques doivent être hospitalisés et exigent des soins intensifs, dont un traitement intraveineux à la vancomycine », précise Michael Wilks, du Comité permanent des médecins européens. Dans ce contexte, la Journée européenne de lutte contre la résistance aux antibiotiques (le 18 novembre prochain) aura d’ailleurs pour objectif « d’aider à ralentir la spirale entre nouveaux médicaments et nouvelle résistance ». Selon lui, « prendre un comprimé semble être un besoin de base chez les patients, et la maîtrise d’une maladie auto-limitante ou virale sans comprimés est vécue comme une perspective effrayante pour beaucoup de gens ».
Des études sur Sarm lié aux animaux, menées dans plusieurs pays, ont révélé que les facteurs de risque pour l’homme incluent un contact avec les porcs (Pays-Bas, odds ratio 12), les bovins (Pays-Bas, OR 20) ou les chiens (Belgique, OR 16), ainsi que le travail en rurale (Canada, OR 2,9), selon Carl Suetens, du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies.Des mesures protectrices, comme les masques et les gants, « semblent n’avoir que peu d’effet ». Jaap Wagenaar rappelle qu’il faut rester prudents avec des conseils d’hygiène qui ne reposent pas sur des faits avérés scientifiquement. « La réponse à la question “y a-t-il suffisamment de preuves scientifiques rigoureusement évaluées pour affirmer que les antibiotiques, comme les céphalosporines ou les fluoroquinolones, devraient être interdits en médecine vétérinaire ?” est un non catégorique… aujourd’hui », souligne Avril Doyle, membre du Parlement européen. Cependant, les vétérinaires jouent un rôle clé dans le cadre de la presciption. La meilleure approche est alors de « seulement prescrire les antibiotiques si et quand cela est nécessaire », ajoute-t-elle. « Sauf votre respect, ce principe devrait être imprimé dans le cerveau de tous les vétérinaires… et de tous les médecins ! »
La plupart des cas de Sarm chez les animaux de compagnie s’observent lors d’infections postopératoires, en particulier liées à des implants orthopédiques, remarque Nola Leonard (université de Dublin). Cela est probablement dû au biofilm qui se forme sur de tels implants : les animaux résistants au traitement antibiotique redeviennent sensibles dès le retrait des implants. « Les Sarm sont une infection nosocomiale émergente dans les hôpitaux vétérinaires », note-t-elle en présentant les résultats d’une étude en cours sur l’importance de Sarm au sein des structures vétérinaires en Irlande. Celle-ci révèle une incidence croissante, passée de deux isolats en 2001 à une première grappe observée en 2002 (un seul hôpital soumettant plusieurs échantillons positifs), le nombre de grappes ayant dépassé quarante en 2006.
Selon les estimations, 13 % des chiens souffrant d’infections cliniques dans les hôpitaux de référence sont porteurs de Sarm, versus 8 % de ceux traités dans les cabinets “de base” et 0,6 % des chiens sains. Au Royaume-Uni, 9 % des chiens testés en 2005 à l’école vétérinaire de Londres étaient porteurs de Sarm, tandis qu’en Allemagne, 7,5 % des « chiens avec des plaies » y étaient positifs. En revanche, en Slovénie « où des mesures préventives en médecine humaine sont en vigueur », cette prévalence est nulle.
Comme mesures préventives, Nola Leonard préconise le dépistage des animaux reçus en consultation (en particulier dans les hôpitaux vétérinaires), l’isolement des individus positifs (notamment lors des soins) et, en cas de grappes, le dépistage des employés.
Des études en Amérique du Nord montrent qu’un contact régulier avec plus de vingt chevaux, « comme dans les grands élevages », est un facteur de risque pour la colonisation de Sarm-C chez l’homme et chez le cheval, selon Nicola Williams (université de Liverpool). Les équidés peuvent agir comme un réservoir et constituer une source d’infection pour l’homme lors de contact étroit, comme lors des soins intensifs aux poulains nouveau-nés. S’il existe peu de données sur le rôle du cheval dans la transmission de Sarm, les vétérinaires doivent se considérer comme un groupe à risque. Les analyses des écouvillons nasaux prélevés lors du congrès 2006 de l’Association des vétérinaires équins britanniques (Beva) ont montré que 7,3 % des participants étaient porteurs de Sarm.
« Sarm-H a probablement émergé à la suite d’une pression antimicrobienne élevée, or il apparaît que la pression antimicrobienne est également élevée en productions animales, où Sarm-NT est apparu », rappelle Stef Bronzwaer. « Cependant, d’autres facteurs doivent aussi être pris en compte, comme la densité animale, le système d’exploitation et la gestion du troupeau, ajoute Olivier Espeisse (Fédération internationale de santé animale, Europe).
« Même si le manque de données est souvent déploré, nous en savons assez aujourd’hui pour réaliser que nous n’allons pas dans la bonne direction, précise Jaap Wagenaar. Sarm est un problème important, mais les germes à β-lactamase à spectre étendu (BLSE) sont un problème potentiellement bien plus grave ! Nous devons réagir avant que les choses s’aggravent. »
« Il est temps d’agir, confirme Walter Winding, président de la FVE. Augmenter la prise de conscience parmi les vétérinaires, les médecins et le grand public est essentiel pour s’attaquer au problème. »
« Nous sommes confrontés à un risque, qui concerne à la fois la médecine vétérinaire et la santé publique, conclut Johanna Fink-Gremmels (université d’Utrecht), qui a présidé la conférence. Les données épidémiologiques montrent une relation entre l’exposition aux antibiotiques et la sélection pour Sarm et Sirm. Si l’évaluation du risque doit toujours précéder sa gestion, il restera toujours des zones d’ombre. Nous devons agir dans la mesure de nos moyens, maintenant, et peaufiner nos décisions si besoin. Les Sarm ne sont peut-être que la partie émergente de l’iceberg ».
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